« La loi Climat a ralenti la rénovation des logements en copropriété », Olivier Safar (Unis)

Olivier Safar, président de la commission copropriété de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis), propose des solutions pour massifier les travaux de rénovation des biens les plus énergivores dans les 506 735 copropriétés immatriculées en France.

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Rénovation immeuble
Rénovation d'un immeuble.

Un an après le lancement de MaPrimeRénov’ Copropriétés et six mois après la promulgation de la Climat et Résilience qui incite à rénover les passoires énergétiques frappées par une interdiction de mise en location à partir de 2025, les copropriétés prennent-elles des décisions plus rapidement ?

La loi Climat et Résilience a ralenti la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique des logements en copropriété. Le texte a intégré un plan pluriannuel, sur dix ans, pour savoir dans quel ordre réaliser les travaux. Cette disposition, qui figurait dans la loi Elan de 2018, suppose de refaire le diagnostic de performance énergétique (DPE). Or, le décret sur le nouveau mode de calcul du DPE n’était pas sorti au moment de la promulgation de la loi Climat…

Combien de temps faut-il en moyenne pour rénover des logements en copropriété ?

Il faut en moyenne deux à trois ans pour voter les travaux et un à deux ans pour les réaliser. Nous sommes dans l’analyse à long terme. Le rythme imposé par le gouvernement est trop rapide. Les 204 copropriétés qui, au 31 décembre dernier, avaient voté en assemblée générale les travaux de rénovation et déposé un dossier à l’Anah ne sont pas perturbées. Mais les autres…

Quels sont les freins à lever ?

La première difficulté, c’est de nommer un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) capable de monter le dossier de financement, d’intégrer tels ou tels travaux qui entrent dans le cadre de la TVA à 5,5%, 10%, 20%… Sans cet AMO, complémentaire de l’architecte, vous n’êtes pas éligible à MaPrimeRénov’. Les copropriétaires ne l’ont pas encore compris. Le manque d’AMO mobilisables ne facilite pas les choses. En Ile-de-France, j’en connais quatre, pour une centaine d’architectes. Très peu sont spécialisés dans les copropriétés privées, car c’est plus intéressant de faire de l’individuel par rapport au temps de travail passé.

Le financement des travaux reste un sujet qui fâche ?

C’est le deuxième frein. L’architecte doit monter trois crédits. Les aides publiques synonymes d’une avance de 20 ou 30%, l’Eco-prêt à taux zéro (PTZ) collectif pour certains travaux éligibles et le reste à charge. Ensuite, il faut défendre le dossier à la banque. Sauf qu’à plus d’un million d’euros, comme c’est le cas dans les copropriétés de plusieurs dizaines de lots, le feu vert du gestionnaire qui vous donne l’accord dans la journée n’est plus automatique. Vous devez attendre le comité de crédit qui se réunit tous les mois…

Quid de la récolte d’informations dans les grosses copropriétés ?

L’autre défi consiste à connaître son client. Imaginez 150 foyers qui remplissent deux pages d’informations. Nous avons réussi à obtenir la digitalisation de la signature une fois que tous les documents ont été remplis à la main, avant d’additionner les quotes-parts de chacun… Mais des dossiers nous arrivent incomplets. Par exemple, seule Madame a signé alors que Monsieur est aussi copropriétaire.

Quelles solutions proposez-vous ?

Nous demandons un changement des règles du jeu de MaPrimeRénov’ qui se traduirait par un étalement des actes de rénovation. D’abord, la toiture, ensuite, le ravalement avec changement des fenêtres… car les copropriétaires ont peur de faire tout en même temps. Le gouvernement pour l’instant est un peu embêté sur ce point. Il veut aller vite, mais l’élection présidentielle approche. Si le pouvoir en place est reconduit, il pourra y avoir un nouveau texte, mais ce sera après les législatives de juin.

MaPrimeRénov’ a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022. Manquez-vous de visibilité ?

Clairement. L’autre modification que nous suggérons consiste à valider les montants dès que le dossier est déposé électroniquement sur le site de l’Anah. Autrement dit, avant le lancement des travaux qui pourraient intervenir en 2023 ou 2024. Mais Bercy s’y oppose car MaPrimeRénov’ s’arrête le 31 décembre prochain.

Que peuvent faire les banques ?

Digitaliser toutes les procédures. La signature des documents remplis à la main est un premier pas, mais il reste à mettre en place l’envoi du lien internet pour remplir les documents et signer le mandat de prélèvement SEPA, à distance. Nous aurons un retour en mars. Mais ce sera trop tard, car la vague des assemblées générales a lieu entre mars et début juillet.

Quels types de travaux sont à réaliser ?

Ravalement, toiture, réfection de la ventilation, des fenêtres, des volets, chauffage à modifier… Principalement dans des bâtiments des années 60 à 80. Le petit coup de propre au moment du ravalement dans les années 90 ou 2000 ne s’est pas attaqué aux infiltrations, aux pertes thermiques.

Quel est le montant moyen de la facture finale pour le copropriétaire ?

Un propriétaire d’un studio doit dépenser entre 15 000 € et 18 000 €. Un propriétaire d’un T4, entre 35 000 € et 40 000 €. Cela peut refroidir. Surtout que la valeur verte de l’immeuble n’est pas encore entrée dans la tête des gens. Or, j’ai un exemple qui prouve tout l’intérêt d’investir dans la rénovation énergétique de sa copropriété. Place des Fêtes à Paris (XIXe), nous avons constaté, outre la diminution des charges, un écart de 500 à 600 € sur le prix de vente au m² entre les tours Occident et Orient non rénovées et la tour Henri Ribière récemment rénovée.

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