Qu'est-ce qu'un Befa ?
Contrairement à la vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) [1], la notion de Befa n'est pas issue des textes législatifs ou réglementaires, mais de la pratique. Le plus souvent - mais pas toujours -, le Befa est adossé à une opération immobilière commercialisée en Vefa. Le montage fait alors intervenir trois acteurs : un promoteur-vendeur, qui construit l'ouvrage sous sa propre maîtrise d'ouvrage et le commercialise en Vefa ; un investisseur- bailleur, qui acquiert l'ouvrage et le donne à bail en l'état futur d'achèvement ; et un preneur, qui utilise l'ouvrage une fois celui-ci achevé et mis à sa disposition.
Parfois, le Befa est assorti d'une option d'achat au bénéfice du preneur. Cela suppose une promesse unilatérale de vente consentie par le bailleur, permettant ainsi au preneur de décider librement, au terme du bail, s'il souhaite acquérir ou non l'ouvrage, dans les conditions de prix contractuellement définies.
Quels sont les avantages de la location en Befa ?
Premièrement, le Befa présente des avantages d'ordre économique. Le promoteur - vendeur peut financer son opération plus facilement, dès lors qu'il est rémunéré au fur et à mesure de l'avancement des travaux. L'investisseur-bailleur, lui, réalise un investissement immobilier assorti de garanties sur les revenus locatifs qu'il percevra, le tout en bénéficiant d'économies d'échelle dès lors que l'ouvrage qu'il acquiert s'inscrit dans le cadre d'une opération plus vaste. Enfin, le preneur s'assure la jouissance d'un ouvrage en contrepartie d'un paiement lissé - qui n'exclut pas l'acquisition dudit ouvrage in fine si le Befa comporte une option d'achat. De plus, il a la possibilité d'intervenir en amont de l'opération de construction, et ainsi de peser sur la conception de l'ouvrage afin que celui-ci soit adapté à ses besoins.
Deuxièmement, le Befa présente des avantages d'ordre pratique. Le propriétaire de l'ouvrage (le promoteur-vendeur, puis l'investisseur-bailleur) conserve la propriété du bien, ce qui constitue une forme de sûreté. Et le preneur bénéficie d'un ouvrage correspondant à ses besoins sans se préoccuper de l'acquisition du foncier, à des endroits où les terrains sont parfois rares. Cela lui permet aussi d'externaliser la maîtrise d'ouvrage, ce qui comporte des avantages multiples pour les personnes publiques.
Quelles sont les conséquences de l'externalisation de la maîtrise d'ouvrage ?
Dès lors qu'elle externalise la maîtrise d'ouvrage, la personne publique n'assume pas les attributions énumérées à l' (qui reprend en cela l'ancienne : détermination de l'emplacement de l'ouvrage, élaboration du programme, etc.). L' (CCH) rappelle d'ailleurs que le choix des architectes, entrepreneurs et autres techniciens fait partie des pouvoirs que conserve le vendeur maître d'ouvrage, de même que la passation des conventions et la réception des travaux. Ainsi, la personne publique n'a pas à conclure de multiples contrats de services (maîtrise d'œuvre, contrôle technique, coordination SPS, etc.) et de travaux (a fortiori dans le cadre d'un marché alloti). En cela, l'externalisation de la maîtrise d'ouvrage dispense les personnes publiques de s'attacher les effectifs et les compétences nécessaires à la conduite d'une opération immobilière souvent complexe.
De plus, dans ce cas, la personne publique n'assume pas la responsabilité (sans faute) qui pèse sur les maîtres d'ouvrage publics lors de la réalisation des travaux de construction (, publié au recueil Lebon ; , mentionné aux tables du Recueil).
Dans quels cas de figure une personne publique peut-elle recourir au Befa ?
Les personnes publiques peuvent recourir assez librement au Befa. En effet, dans sa décision « Région Midi-Pyrénées », le Conseil d'Etat a interdit l'externalisation de la maîtrise d'ouvrage « lorsque l'objet de l'opération est la construction même pour le compte de la collectivité d'un immeuble entièrement destiné à devenir sa propriété et conçu en fonction de ses besoins propres » (, publié au Recueil). Puis, dans un avis de 1995, il a réaffirmé cette position en précisant que ces conditions étaient cumulatives (Avis CE, Sect int. et TP, 31 janvier 1995, n° 356960).
Le Befa peut-il être qualifié de marché public de travaux ?
Depuis le 1er avril 2016, la définition interne de marché public de travaux n'inclut plus la notion de maîtrise d'ouvrage. Dès lors, les contrats de Befa sont susceptibles de recevoir cette qualification. En effet, il ressort des articles , et du CCP qu'un contrat constitue un marché public de travaux si, tout à la fois :
- il est conclu par un pouvoir adjudicateur ;
- il a pour objet l'exécution de travaux répondant à un besoin exprimé par ce pouvoir adjudicateur ;
- ces travaux sont réalisés en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent.
Lorsqu'une personne publique se porte locataire d'un immeuble en Befa, les premier et troisième critères seront systématiquement remplis. En revanche, le second impose une analyse plus précise.
La qualification du contrat dépendra de l'état d'avancement du projet au moment où est conclu le contrat de Befa et de l'influence exercée par l'acheteur sur sa conception.
D'une part, le Befa est un contrat mixte qui porte à la fois sur la réalisation de travaux et sur un service de location d'un bien immeuble. Puisque ces deux objets sont indivisibles, sa qualification dépend de l'objet principal du contrat (). La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) considère que l'objet principal du contrat est l'exécution de travaux si la réalisation de l'ouvrage concerné n'avait pas encore été entamée au jour de la conclusion du contrat (). A l'inverse, si sa réalisation a déjà commencé, l'objet principal du contrat est une prestation de service - en l'occurrence, la location de l'immeuble -, auquel cas le contrat est exonéré de l'essentiel des règles du CCP (article L. 2512-5), notamment en matière de mise en concurrence.
D'autre part, s'il s'agit d'un contrat de travaux, un récent arrêt de la CJUE réaffirme qu'il ne peut être qualifié de marché public que si le pouvoir adjudicateur a pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l'ouvrage ou à tout le moins d'exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci (.). Si tel est le cas, le Befa sera alors qualifié de marché public des travaux, ce qui a des conséquences sur sa passation et son exécution.
A cet égard, la circonstance que la personne publique ne soit pas propriétaire de l'ouvrage, et n'ait pas vocation à le devenir - en l'absence d'option d'achat, ou dans l'hypothèse où cette option ne serait pas levée -, est indifférente ().
Par conséquent, le Befa doit-il être précédé d'une procédure de mise en concurrence ?
L' permet de conclure un contrat de Befa sans publicité ni mise en concurrence, nonobstant la qualification de marché public de travaux et quel que soit son montant, si quatre conditions sont réunies :
- les locaux à louer doivent constituer « une partie minoritaire et indissociable d'un immeuble à construire » ;
- la location de ces locaux doit répondre à un besoin « qui ne peut être réalisé par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l'immeuble à construire » ;
- il ne doit exister « aucune solution de remplacement raisonnable » ;
- cette absence de concurrence ne doit pas résulter d'une « restriction artificielle des caractéristiques du marché ».
Le plus souvent, la réunion de ces conditions nécessitera une analyse au cas par cas des caractéristiques du projet.
Quel est le régime des versements successifs effectués par l'acheteur ?
Il ressort de l' qu'un marché public de travaux ne peut pas prévoir de règlements partiels définitifs. Cependant, l' définit le bail comme « un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ». Le paiement d'un loyer ne correspond donc pas à la réalisation des travaux mais à la mise à disposition de l'ouvrage. En cela, il ne s'agit pas d'un paiement différé, mais d'un paiement sur service fait d'une obligation continue.
Il en va de même en présence d'une option d'achat. En effet, puisque cette option constitue une promesse unilatérale de vente consentie par le bailleur, et non une promesse synallagmatique de vente et d'achat, le preneur sera libre d'acquérir ou non l'ouvrage.
Existe-t-il un risque de requalification en crédit-bail ?
Défini à l', le crédit-bail est une technique de financement par laquelle un crédit-preneur, qui ne dispose pas de la capacité financière pour acheter le bien immédiatement, le fait acheter par le crédit-bailleur qui le lui loue ensuite durant une période au terme de laquelle le crédit-preneur peut l'acheter à sa valeur résiduelle (ou le restituer au crédit-bailleur). C'est pourquoi le Befa encourt la qualification de crédit-bail lorsqu'il comporte une option d'achat au bénéfice du preneur. Le cas échéant, il conviendra donc d'appliquer, parallèlement, les règles correspondant à cette technique de financement.