La folle course à la concentration des spécialistes EPI

Depuis plusieurs années, les groupes de distribution intégrés poursuivent, tambour battant, une politique volontariste de croissance externe. Les groupements indépendants participent peu à ce mouvement.

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C’est le dernier rachat en date chez les distributeurs français d’équipements de protection individuelle (EPI) : les acquisitions par le groupe Protect’homs, en mars 2021, des sociétés Cmaths et Adhoc. Ces enseignes bordelaises viennent ainsi renforcer le réseau « en qualité de filiales ». Ces acquisitions succèdent à l’absorption, pour près de 3 M€, de quatre entreprises des Hauts-de-France fin 2018 : Ligne bleue (Lille-Roubaix), Gorrissen (Dunkerque), VB Protect (Boulogne-sur-Mer) et L’Ascenseur Confection, fabricant de vêtements de travail et de vêtements corporate « 100 % made in France » basé à Merville (Nord).

Acquisitions en continu

Cette politique de croissance externe porte ses fruits. Aujourd’hui, l’entreprise mayennaise, créée en 1993, compte 14 sites – dont un à La Réunion et un en Belgique, à Tournai –, 200 collaborateurs, 12 000 clients, 15 000 m² de stock, 23 000 références de produits. Surtout, son chiffre d’affaires s’est envolé, multiplié par sept en dix ans, passant de 8 M€ à 46 M€, à fin décembre 2020. Son président fondateur, Laurent Lairy, ne s’en cache pas : « Le groupe s’est développé plus vite via des acquisitions. » Mais il tient à préciser : « Notre taux de croissance organique est de 17 % sur notre dernier exercice. » Quoi qu’il en soit, « l’appétit vient en mangeant », selon l’expression. Pour 2025, cet ancien menuisier-ébéniste devenu spécialiste des EPI vise un chiffre d’affaires de 100 M€. Dans cette perspective, il compte étoffer encore son réseau : « Dans les mois et années à venir, nous continuerons à faire des acquisitions. Il reste des zones blanches, certes couvertes par nos commerciaux, notamment en Ile-de-France, Orléans, Rhône-Alpes… Nous verrons selon les opportunités. »

Politique de carnet de chèques

Ce n’est pas la seule à faire preuve d’appétit, comme en témoigne l’expansion de Groupe RG. Cette société, née en 1987 de la fusion de quatre acteurs régionaux (Fiprotec, Cévénole de Protection, Amiet et Gerin), s’est imposée, en usant du carnet de chèques, comme un des intervenants majeurs du secteur en France. « Il faut accompagner la concentration sur ce marché encore très atomisé, expliquait Pierre Manchini, PDG, dans les colonnes de Négoce en février 2020. C’est une nécessité à laquelle nous voulons participer et qui explique, au moins en partie, toutes les opérations de croissance externe de Groupe RG ces dernières années. » Et elles ont été nombreuses.

En 2020, son entreprise a ainsi absorbé Groupe Lems (6 agences en France pour un chiffre d’affaires d’environ 6 M€), spécialiste dans le matériel pour la détection gaz et les EPI de catégorie III (prévention de risques mortels). En 2019, il avait déjà mis la main sur le réseau d’indépendants EPI Center (47 adhérents et 66 points de vente pour un chiffre d’affaires de quelque 85 M€) et sur l’enseigne parisienne Veltis (4 points de vente, environ 6 M€), spécialiste des vêtements de travail… Résultat, son activité consolidée a augmenté de 54 M€ en 2019 par rapport à 2015, pour un chiffre d’affaires porté à 209 M€.

Approche industrielle

La stratégie de Groupe RG le montre, le secteur ne demande qu’à se concentrer. Ce constat vaut aussi depuis de nombreuses années chez les distributeurs en fourniture industrielle, acteurs majeurs de la distribution d’EPI en France, à l’instar d’Orexad. Cette société, enseigne de Rubix France, est elle-même le fruit du regroupement d’entreprises régionales. En 2013, Orexad déployait un réseau de 96 agences en France. Aujourd’hui, elle en compte plus de 200.

En 2018, Orexad avait acquis Solufi (Doubs), STC (4 agences, Maine-et-Loire) ou encore Outilacier (Rhône) En 2019, c’était au tour de Legoueix (à Gennevilliers, (Hauts-de-Seine), d’APE France (à Chalon-sur-Saône, Saône-et-Loire), de Delta P (à Villeneuve-d’Ascq, Nord), de Bloch (à Vienne, Drôme) et de Le Corvaisier (à Heillecourt, Meurthe-et-Moselle). Benoît Esvelin, directeur des acquisitions d’Orexad, résumait alors sa stratégie dans Les Echos du 1er avril 2019 : « Nous avons une approche industrielle des acquisitions. En douze mois, nous avons réalisé 8 acquisitions pour un chiffre d’affaires total de près de 100 M€. »

Concurrence agressive

Cette folle course à la concentration semble loin de son terme. D’après un observateur attentif du secteur, « les acquéreurs, essentiellement des groupes intégrés aujourd’hui, sont motivés par des logiques de maillage géographique, par une volonté de captation rapide de part de marché et par un désir de massifier leurs achats. Cette tâche est facilitée par l’atomisation de la distribution. » Il est vrai qu’une myria-de de TPE indépendantes, de moins de 9 salariés, composent le paysage. Il faut aussi compter avec la petite taille du marché, par une croissance jugée peu soutenue et par l’arrivée d’une concurrence agressive.

Ces nouveaux intervenants viennent d’horizon divers : des fournituristes de bureau, comme Lyreco (lire encadré) et Manutan, des enseignes de bricolage, à l’instar de Leroy Merlin, Castorama ou Brico Dépôt, des sites d’e-commerce, tels Proxiprotection, ManomanoPro ou Bricozor. Le tout sans oublier les négoces généralistes qui montent en puissance, comme Point.P, Bricoman ou encore Gedimat (lire encadré). Bref, le secteur va sans doute encore bouger dans les années à venir.

Statut quo

Pour autant, le contexte ne semble pas favorable aux réseaux d’indépendants spécialistes de l’EPI. à la différence des secteurs bois-panneaux-menuiserie ou sanitaire-chauffage, ils ne participent pas à cette course à la concentration. Ainsi, même si Socoda « souhaite renforcer sa position avec de nouvelles obtentions de label EPI en 2021 », selon Clotilde Menard, chef de produits et acheteuse outils professionnels, le périmètre du groupement semble figé, depuis plusieurs années, autour de 24 distributeurs labélisés Spécialistes EPI (et 87 agences). Il en va de même pour Sécurom. Cette enseigne de Cofaq, à l’écoute d’opportunités, compte quasi le même nombre d’adhérents et de points de vente qu’à fin 2018, soit 33 agences (+ 1) et 23 coopérateurs (- 2).

Naissance d’Alliance EPI

Preuve ultime est la fin du groupement Agad. Créé au début des années 1970 autour d’une double spécialisation (les EPI et l’étanchéité-tuyaux-raccords), il a compté  jusqu’à 16 adhérents (dont plusieurs monospécialistes EPI) et 25 points de vente pour un chiffre d’affaires cumulé de près de 60 M€ (dont 60 % réalisés avec les EPI). Mais l’aventure s’est terminé en 2018, certains adhérents ayant rejoint Cofaq à cette occasion.

Les autres se sont à nouveau regroupés en GIE pour donner naissance à Alliance EPI en juin 2019, soit 4 membres (pour 7 agences) : CI2P (à Chambéry, Savoie), Fil’Up (à Granville, Manche), Alpac Technologie France [à Strasbourg (Bas-Rhin) et à Saint-Cyr-l’École (Yvelines)], Uniforme (à Dompierre-sur-Mer, Charente-Maritime), et Filiberti JB (en Corse). Bref, les groupements ne semblent pas en mesure de faire de l’ombre à des sociétés comme Groupe RG, Mabéo Industries et consorts.

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