« 2015 et 2016 ont été des années très difficiles pour la construction, et plus spécifiquement pour le bois. La construction bois a elle aussi subit la crise du bâtiment mais avec un décalage de trois ans. Fin 2016, l’activité repart mais le secteur est lourdement impacté », résume Loïc de Saint Quentin qui avait dévoilé une partie de l’étude sur les chiffres de la construction bois en 2016* lors de la Journée construction bois et résidentiel, organisée par l’UICB le 30 mai dernier. Cette enquête révèle en effet les premières difficultés que subit notamment le secteur de la maison individuelle en bois, après six années de croissance.
Belle performance en surélévation extension
Les chiffres sont plutôt catastrophiques : la part de marché des maisons individuelles en bois est tombée à 9,1% en 2016 contre 10,4 % en 2014. En effet, sur 149 700 maisons construites (en groupées et diffus) en 2016, moins de 13 000 sont en bois. Sur les logements collectifs et les résidences, la part du bois est en légère augmentation grâce à des solutions mixte bois-béton ou bois-acier mais reste tout de même inférieure à 4% (moins de 9 000 logements construits sur 229 200). « Le collectif n’a jamais été le cœur de marché de la construction bois, mais c’est un marché en devenir, commente Loïc de Saint Quentin. Le bois n’a pas encore bénéficié de la reprise pour ce secteur boosté par le marché locatif ».
Seule note positive, l’augmentation considérable des extensions et surélévations en bois : près de 10 000, soit 28% de part de marché, contre 20 % en 2014. « Le bois a des parts de marché à prendre, notamment en ville, en opposant à ses concurrents des atouts uniques : filière sèche et préfabrication en atelier donnent des chantiers propres, silencieux et courts, pour un budget raisonnable », commente Eric Toppan, de l’observatoire économique de France bois Forêt,coordinateur de l’étude pour l’observatoire économique de la construction. Autre facteur de croissance : l’isolation thermique par l’extérieur. La majorité des entreprises présentes sur le marché de l’extension-surélévation réalisent également des travaux d’ITE. Un marché évalué à 185 millions d’euros, soit 5 % de l’activité totale des entreprises de la construction bois : « les clients associent de manière très fréquente des travaux d’ITE lors d’une extension », poursuit-il.
Autre performance, celle des bâtiments industriels et artisanaux, dont la part de marché en construction bois passe de 12% à 17% en deux ans, contrairement au secteur des bâtiments agricoles qui montre des signes de ralentissement.
Au final, « nous avons un marché en difficulté : celui de la maison, tant en diffus qu’en groupé. Un marché en croissance : celui de l’agrandissement (extensions – surélévations) et un marché en devenir : celui des logements collectifs avec une forte proportion de mixité », résume Loïc de Saint Quentin.
Le bois peu présent dans le marché de masse
Dans cet assez sombre tableau, difficile de positiver. Pourtant, les premières tendances de la construction pour 2017 sont plutôt réjouissantes. Selon une autre étude Batiétudes, les ventes de maisons individuelles (en diffus) poursuivent leur progression. 139 000 ventes de mars 2016 à mars 2017, soit + 19,5 % sur un an. « L’investissement locatif (70 000 Pinel en 2016), les effets du PTZ (12 000 distribués en 2016), des taux d’intérêt bas, le moral des ménages, sont des signes porteurs d’amélioration ». La construction reprend, mais le bois semble très peu bénéficier de cette reprise. Plusieurs raisons : d’une part, la construction bois est peu présente sur le marché du primo-accédant car elle a longtemps privilégié le moyen – haut de gamme. Le marché du logement locatif (souvent collectif), est généralement proposé par des promoteurs, avec peu de constructions bois. Bref, le bois ne profite de la reprise que pour la partie agrandissement : « il s’agit d’un marché de proximité, avec des particuliers, sur lequel les avantages sont déterminants ».
Des axes de progrès
Pour Loïc de saint Quentin, si la construction bois veut suivre la courbe ascendante de la reprise, les constructeurs doivent proposer des maisons dans le cadre d’un CCMI, ce qui permettrait de faire bénéficier les clients des aides gouvernementales mais aussi de développer l’offre de maisons économiques. « On estime aujourd’hui à moins de 2 000 le nombre d’entreprises qui proposent de la construction bois, dont une petite centaine seulement sont des CCMI. Le tissu de ces entreprises est essentiellement constitué de charpentiers », estime Loïc de Saint Quentin.
Plus que d’y voir une catastrophe, il faut au contraire y voir un challenge, commente Marc Remusat qui a présenté une deuxième étude sur le bois dans la construction neuve. « Les architectes tirent la construction bois vers le haut alors que les papillonneurs constructeurs la tirent vers le bas ». Et c’est justement là où il faut se positionner : à savoir introduire les maisons bois dans un segment en progression aujourd’hui, les maisons individuelles à petits budgets, poursuit Marc Remusat. "Si le bois veut progresser, il doit s’installer dans ces segments. Il faut arrêter l’élitisme et aller vers des marchés de masse." Un marché à conquérir donc !
Les professionnels confiants
Les professionnels restent cependant plutôt confiants. « Les entreprises, interrogées sur leurs perspectives d’activité, espèrent une sortie de crise proche et anticipent une relance de la construction bois, quel que soit le secteur d’activité », indique Eric Toppan. En effet, 29% des entreprises prévoient des investissements d’ici 2 ans et 40% d’entre elles souhaitent embaucher en 2017. « Nous voyons aussi des initiatives portées par des professionnels visant à développer la construction bois sur le marché de la maison économique ou sur celui du petit immeuble collectif, à travers différents concepts, ou visant à se regrouper pour répondre à plusieurs à des appels d’offres », poursuit-il.
Enfin, les professionnels voient également en la future réglementation une opportunité : « la future règlementation E+C- sera propice au bois ». Reste à communiquer d’une seule et même voix. "Il faut un langage plus unitaire avec un accent plus marketing", martèle Christian Louis Victor, président d'AFCOBOIS, le syndicat français de la construction bois. "La filière bois est encore trop éclatée alors que son poids est considérable : 60 milliards de chiffres d’affaires, 60 000 entreprises et une ressource abondante : 16,5 millions d’hectares de forêt, la troisième d’Europe. Le bois est le matériau du XXIe siècle, c’est indéniable ! »