Il faut aller vite, c’était le maître mot des échanges de la matinée consacrée ce 11 octobre, dans le cadre de Paris Infraweek, au tout nouveau marché global de performance énergétique (MGPE) à tiers-financement (aussi appelé à paiement différé). Cette rencontre était organisée par l’Institut de la gestion déléguée (IGD) et divers partenaires (1) au conseil régional d’Ile-de-France, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
Vite, parce que « l’effort pour atteindre les objectifs de réduction de 55 % des émissions de GES d’ici à 2030 est considérable », a souligné Jean Bensaïd, directeur de FinInfra, mission d’appui au financement des infrastructures. Le patrimoine bâtimentaire public représente environ 400 millions de mètres carrés, et « la rénovation énergétique se chiffre facilement en centaines de milliards d’euros », a-t-il ajouté. Vite aussi, parce que l’outil contractuel créé par la loi du 30 mars 2023 complétée par un décret du 3 octobre pour faciliter le passage à l’acte des acheteurs publics n’est disponible à titre expérimental que pour cinq ans.
Discours de la méthode
Pour accélérer le mouvement, divers instruments sont en cours de finalisation. A commencer par le très attendu guide méthodologique que FinInfra entend faire paraître prochainement – avant Noël, en tous cas – afin d’accompagner et sécuriser les porteurs de projet.
A ce sujet, Jean Bensaïd insiste auprès de l’auditoire de professionnels et spécialistes sur le caractère partenarial de sa rédaction : « Je suis preneur de vos idées, vos contributions, notamment sur des points sensibles comme le contenu de ces contrats ou le périmètre d’une opération de rénovation énergétique ».
Le MGPE à paiement différé, dérogatoire au droit de la commande publique, est en effet réservé aux projets de rénovation énergétique, « mais ceux-ci sont rarement uniquement énergétiques », relève Philippe Mazet, délégué général d’EGF.BTP. Ils embarquent bien souvent d’autres volets (mise aux normes, accessibilité,…), « donc il s’agit de déterminer intelligemment quelles opérations entreront dans le dispositif », conclut le représentant des entreprises générales qui se tient à la disposition des pouvoirs publics pour y travailler. Frédéric Galloo, directeur développement France d’Equans, appelle, lui, à bien « définir dans ce guide les clauses contractuelles qui vont permettre le tiers-financement, et à décrire différents modèles de financement, notamment pour les petites opérations ». Le document sera accompagné d’une foire aux questions.
Un socle contractuel
L’élaboration d’un tel contrat supposant une certaine ingénierie, le Cerema et l’Ademe (qui portent l’Observatoire des CPE) ainsi que le cabinet d’avocats Lexcity dirigé par Olivier Ortega ont été missionnés par l’exécutif pour préparer un contrat-type sur les contrats de performance énergétique avec tiers-financement, afin là aussi de sécuriser les acteurs.
Quasiment prêt, il doit être validé dans les prochains jours avant d’être diffusé. Le CCAG proposé devrait compter une grosse centaine de pages, notamment parce qu’il comporte un certain nombre de clauses directement reprises des CCAG travaux, fournitures & services, et maîtrise d’œuvre, plutôt que des renvois multiples à ces documents. Restera aux utilisateurs à le compléter par un CCAP – qui pourrait être beaucoup plus succinct - pour l’adapter aux spécificités de leur opération.
Aides à la préparation
Autre coup de pouce aux collectivités désireuses de tester le MGPE à paiement différé, les financements proposés via les programmes Actee portés par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) dans le cadre des certificats d’économie d’énergie, dotés au total de 220 millions d’euros.
« Nous mettons à disposition des lauréats un certain nombre de ressources et nous finançons leurs études énergétiques, explique Cécile Fontaine, directrice juridique de la fédération. Et à la suite d’un nouvel appel à projets lancé avec l’Ademe, nous sommes en train de désigner les lauréats qui bénéficieront cette fois d’un financement de la prestation d’AMO pour passer un MGPE avec tiers-financement et en suivre l’exécution pendant deux ans ».
Le Cerema travaille de son côté sur la « fourniture aux collectivités d’une étude de pré-opportunité », dévoile Amandine Bibet-Chevalier, cheffe de projet au département bâtiments durables. Celles-ci doivent en effet, avant d’opter pour le MGPE à tiers-financement, « avoir la connaissance de leur patrimoine et une idée des projets de rénovation à mener, et poursuivre en parallèle une réflexion budgétaire afin de trouver le meilleur outil contractuel à mettre en œuvre ».
Tous ces outils montrent l’importance d’une bonne préparation d’un tel montage. Pour Jean-Luc Champy, avocat associé chez White & Case, « l’argent investi dans cette préparation est bien investi ! Les collectivités ont intérêt à se doter des compétences internes nécessaires ou à recourir à des conseils externes. Cela permettra de gagner du temps - il ne faut pas passer 18 mois à conclure ce type de contrats – et de résoudre plus facilement les problèmes au stade de l’exécution. »
En promo
Enfin, et c’était là l’autre leitmotiv de la matinée d’échanges, il faudra faire connaître largement et rapidement le nouveau contrat. Ainsi Marc Sauvage, directeur général adjoint des services de la région IDF, s’il estime ne pas en avoir forcément besoin tout de suite pour les besoins de la région, entend « en faire la promotion sur son territoire, car il peut être utile pour d’autres collectivités ». Chez FinInfra, « on va essayer de mettre en avant des projets venant de l’Etat ou de ses émanations. Je pense par exemple à des universités qui ont des programmes de rénovation prêts mais n’avaient pas le financement », cible Jean Bensaïd. De premières réussites pourraient être incitatives...
(1) Région Ile-de-France, cabinet White & Case, E&Y, Club des PPP et Cercle Energies et Territoires.