«L’outil a un impact marginal sur la fiabilité du DPE», Jean-Christophe Protais (Sidiane)

Boussole de la politique de rénovation énergétique, le diagnostic de performance énergétique (DPE) doit s’améliorer, reconnaît Jean-Chrisotphe Protais, président de Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier, de l’analyse et de la numérisation de l’existant (Sidiane), l’un des trois principaux organismes qui défendent les diagnostiqueurs, régulièrement pointés du doigt.

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Jean-Christophe Protais, président du Sidiane

Dans un article du 20 juin, Le Parisien parle d’un « diagnostic de performance énergétique (DPE) de complaisance » entre clients et « escrocs ». Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas dire qu’un diagnostiqueur immobilier sur deux mérite la peine du mort parce qu’il améliore la note du DPE contre un billet sous la table. Selon une récente étude du Conseil d’analyse économique (rattaché à Matignon, NDLR), 1,7 % des DPE sont, je cite, « soupçonnés d’être manipulés aux seuils ». C’est sans doute un peu optimiste car certains professionnels n’enregistrent pas leurs DPE sur la base Ademe, alors que c’est une obligation. On est peut-être à 2 ou 2,5% de DPE magouillés, mais pas plus. Sur un total de 7500 professionnels, ça ne fait pas beaucoup d’escrocs...

Par ailleurs, il y aura toujours des conflits d’intérêts entre celui qui paie, le client, celui qui prescrit, l’agent immobilier, et celui qui fait, le diagnostiqueur. On ne peut pas mettre un agent de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) derrière chaque diagnostiqueur. 

De l’UFC-Que Choisir à 60 Millions de consommateurs, des enquêtes ont remis en cause la fiabilité des DPE.

Le problème de fiabilité n’est pas au niveau de ce qui est raconté dans la presse. La première cause concerne la compétence du diagnostiqueur. Les professionnels ne sont pas tous au niveau. Pour y remédier, un arrêté du 20 juillet 2023 a notamment permis de définir un nombre minimum de jours de formation continue, ainsi que des contrôles sur ouvrage par un auditeur, en présence du diagnostiqueur.

Ce système de surveillance devrait aller plus loin. Je milite pour un contrôle longitudinal pour limiter le phénomène de « bunching », quand le résultat se situe entre deux notes et que le diagnostiqueur s’arrange pour tomber sur la plus élevée afin de faire plaisir au client.

En quoi consiste ce contrôle des pratiques ? 

C’est très simple de repérer les anomalies, à remonter à l’auditeur, qui pourrait creuser, voire sanctionner. Il suffit de demander à l’outil de piocher dans la base de données Ademe où sont stockées toutes les informations du DPE réalisé par le diagnostiqueur.

Ne faut-il pas frapper à la porte du client aussi ?

En effet, l’implication du propriétaire constitue la deuxième cause du problème de fiabilité. Il doit donner un maximum d’informations, se bagarrer pour les obtenir. C’est dans son intérêt, car en l’absence de factures et autres informations demandées, la machine utilisée par le diagnostiqueur est plutôt pessimiste. Dans le cas d’un investissement locatif, le propriétaire est rarement présent. C’est l’agent immobilier qui doit se débrouiller.

Pour motiver le client, nous avons proposé d’afficher sur la première page du DPE un indicateur appelé « indice de complétude » qui indique les pourcentages des informations mises à disposition et des informations nécessaires pour faire un bon diagnostic. Le monde de l’immobilier n’y est pas favorable.

L’outil de calcul de la note du DPE est souvent décrié. Faut-il encore le modifier ?

Les récents changements censés gommer les désavantages des logements de petite surface ont débouché sur la création d’une usine à gaz. Mais oui, l’outil est encore à perfectionner. Le confort d’été pourrait être mieux pris en compte par exemple. Il faut juste avoir en tête que les évolutions de l’outil auront un impact marginal sur la fiabilité du DPE. Il faut en priorité se concentrer sur les trois principales causes de ce problème : la compétence des diagnostiqueurs, l’implication des clients et les conflits d’intérêt.

Quel que soit la couleur du prochain gouvernement, nous avons surtout besoin de stabilité jusque 2026, quand il faudra mettre à jour le DPE, en ligne avec la directive européenne DPEB (pour directive sur la performance énergétique des bâtiments, NDLR). Dès qu’il y a modification, le consommateur repousse son projet, qui reste une contrainte pour lui.

Dans son programme pour les élections législatives dont le second tour est prévu le 7 juillet, le Rassemblement National veut revenir sur l’interdiction de louer des passoires thermiques. Faisable ?

Très compliqué. Le RN devra à la fois modifier la loi Climat & Résilience (qui interdit en France la location de biens G à partir de 2025, F en 2028 et E en 2034, NDLR) et s’assoir sur la DPEB (qui vise, entre autres, à lutter contre la précarité énergétique et à réduire les factures énergétiques, NDLR).

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