Enquête

Arnaques au DPE (1/3) : quand le formateur est le fraudeur

Les reportages sur les diagnostiqueurs véreux sont nombreux. Dans cette nouvelle saison de notre série d'enquêtes sur les « escrocs de la réno », nous nous sommes intéressés aux autres systèmes de fraude. Moins médiatisés, ils contribuent pourtant à rendre les particuliers méfiants à l’encontre de toute une profession.

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DPE

Une seule lettre vous manque, et tout est compliqué. En France, la politique de rénovation des logements est basée sur le résultat du diagnostic de performance énergétique (DPE). D’abord, parce qu’une mauvaise performance de son logement est sanctionnée par le marché immobilier depuis l’adoption de la loi Climat et résilience, qui exclura petit à petit les passoires thermiques de la location (lire article ici). Ensuite, parce que les maisons et immeubles classés « F » ou « G » qui veulent être cédés doivent réaliser un audit énergétique avant toute mise en vente. Enfin, parce que les aides sont bien souvent conditionnées à l’amélioration effective de la performance énergétique du logement.

Or, c’est le DPE qui permet de vérifier que les travaux ont bien eu les effets escomptés. Entre les aides publiques (MaPrimeRenov’, aides locales, TVA à taux réduit…) et les fonds privés (liés aux certificats d’économie d’énergie), ce sont chaque année un peu moins de 10 milliards d’euros qui sont fléchés sur le secteur de la rénovation énergétique. Et pourtant, les arnaques sont nombreuses.

Fausses attestations

Dans l’imaginaire collectif, les arnaques au DPE sont le fait des diagnostiqueurs sur le terrain. Moyennant un pot de vin, ce dernier change d’un seul clic la lettre du DPE, améliorant fictivement la performance du logement. Cette pratique illégale existe. Mais les diagnostiqueurs véreux ne sont pas les seuls à entacher l’image des entreprises soucieuses de bien faire leur travail. Certains organismes de formation eux-mêmes se mettent parfois hors-la-loi.

Selon un échange de mails dont nous avons pu prendre connaissance, certains de ces organismes délivrent des attestations de formation sans en avoir le droit. Rappelons ici qu’ils doivent être accrédités par un organisme de certification, comme le précise l’arrêté du 24 décembre 2021. Certains font l’impasse sur cette indispensable formalité. Des détails, visibles sur l’attestation, mettent la puce à l’oreille. Par exemple, le logo de l’organisme certificateur n’apparaît pas en entête, comme il est d’usage de le faire. Tout comme la mention concernant les détails de la formation que le diagnostiqueur est censé avoir suivie.

Ces erreurs ont interpellé un professionnel au fait de la réglementation, qui témoigne au « Moniteur » de ces pratiques. Il a lui-même interrogé l’organisme de formation sur ses doutes sur la réalité du suivi de la formation par le diagnostiqueur. Pour toute réponse, l’organisme de formation renvoie illico une autre attestation plus conforme aux attentes du professionnel vigilant. Ce dernier se tourne alors vers l’organisme certificateur, qui est censé avoir délivré un agrément à l’organisme de formation. La réponse ne se fait pas attendre et confirme bien les soupçons : le centre de formation n’est pas certifié.

300€ la fausse attestation

Dans ce cas, un jeune diagnostiqueur dispose d’une attestation de formation, réalisée à distance, lui permettant de réaliser des diagnostics de performance énergétique. Une formation qu’il n’a en réalité jamais suivie. Rappelons que les diagnostiqueurs ont l’obligation de suivre une formation, à chaque opération de surveillance par son organisme de certification, en plus de sa formation initiale.

« J’ai contacté le professionnel, et il m’a avoué avoir reçu cette attestation moyennant 300 euros, indique Hassad Mouheb, président de FED Experts, fédération créée en 2021, pour réunir des diagnostiqueurs immobiliers. Très concrètement, pour réaliser une formation à distance, il faut être en capacité de proposer un service de visioconférence, de mettre à disposition une plateforme permettant de suivre des cours à distance et d’être certifié pour cette spécificité. Cela nécessite donc des investissements. Ces fausses attestations contribuent à mettre sur le marché des diagnostiqueurs non ou mal formés, ce qui peut générer les écarts de note constatés sur le terrain, par les particuliers eux-mêmes, lorsqu’ils font appel à plusieurs diagnostiqueurs pour un même logement.» Enfin, cela contribue à la concurrence déloyale avec les centres de formation : eux, investissent financièrement pour respecter la réglementation…

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