Les projets estampillés « agriculture urbaine » revêtent de nombreuses formes, avec une vocation à dominante pédagogique, sociale ou économique, des cultures de plein champ ou sous serre, installées au sol ou sur les toits, sur l'espace public ou privé. Si le secteur des jardins familiaux ou partagés bénéficie d'un regain d'intérêt depuis une trentaine d'années, les fermes urbaines à vocation productive enregistrent une forte progression depuis peu. Alors qu'une soixantaine de projets de ce type avaient été répertoriés en France dans l'étude réalisée en 2015 par l'Institut technique de l'horticulture (Astredhor) pour les journées techniques de janvier 2016 consacrées à cette thématique, la jeune Association française des agriculteurs urbains professionnels (Afaup) en recense une centaine à ce jour, et uniquement pour les 42 adhérents de sa jeune structure créée en 2016. Christine Aubry, responsable de l'équipe agricultures urbaines de l'unité mixte de recherche SAD-APT de l'Inra/AgroParisTech, confirme cette envolée en Île-de-France, l'une des régions les plus actives, avec cinq porteurs de projets en 2012, dix en 2013, dix-huit en 2014 et plus de trente en 2015.
Une centaine de projets sont déjà à l'actif de la jeune Association française des agriculteurs urbains professionnels.
De nombreuses initiatives existent cependant en province, avec par exemple le projet de ferme urbaine lyonnaise, accompagné par le pôle de compétitivité Végépolys pour le développement d'une ferme maraîchère ind o or, conçue avec une ingénierie écoresponsable ; les Jardins perchés de Tours Habitat, des logements sociaux associés à une exploitation de maraîchage urbain menée en partenariat avec l'Inra, la chambre d'agriculture du département et la direction du développement durable de la métropole Tour(s)plus ; ou encore l'aménagement de la zone d'agriculture urbaine expérimentale installée au cœur du projet Darwin implanté sur les anciens magasins généraux de Bordeaux. « Leur mise en œuvre requiert des compétences multiples et une approche complexe liée au contexte urbain. Nous sommes à la croisée de la production horticole maraîchère ou fruitière et de l'aménagement paysager », explique Guillaume Morel-Chevillet, chargé de mission agriculture urbaine au sein d'Astredhor. Disposant souvent de formations éloignées du domaine agricole, les porteurs de projets doivent acquérir des connaissances techniques sur les cycles de culture, les modes de conservation, le transport des produits à vocation alimentaire… Pour les cultures de pleine terre, la question de l'innocuité des sols se pose, en particulier dans le cadre de la reconversion d'anciennes friches industrielles. C'est d'ailleurs pour s'affranchir de cette problématique qu'une majorité des réalisations s'opère en hors sol, avec d'autres contraintes liées à la réglementation spécifique sur les travaux en hauteur pour les aménagements sur toiture. « Le développement de substrats adaptés, la recherche de systèmes d'irrigation ou d'éclairage performants, ou encore les serres verticales sont autant de domaines d'innovation pour les professionnels de la filière production. Et, en matière de semences de variétés anciennes et de jeunes plants bio et locaux, la demande est supérieure à l'offre », précise Guillaume Morel-Chevillet. Concernant les professionnels du paysage, les savoirs à renforcer sont non seulement techniques, mais aussi pédagogiques. « Même lorsque le projet est avant tout axé sur l'aspect productif, le contexte urbain impose une prise en compte de la donne sociale et l'acquisition de compétences dans le domaine de l'animation », souligne Guillaume Morel-Chevillet.

