Ententes et abus
Un barème d'honoraires pour les architectes épinglé. A la suite de rapports d'enquête transmis par la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence (ADLC) a infligé à l'ordre des architectes une amende de 1,5 million d'euros pour avoir mis en place, diffusé et fait respecter un barème d'honoraires applicables aux architectes intervenant dans les marchés publics de maîtrise d'œuvre - secteur où la fixation des honoraires est libre. L'Ordre avait pris l'initiative d'un certain nombre d'actions ouvertes vis-à-vis des architectes n'appliquant pas le barème et auprès des maîtres d'ouvrage publics, allant jusqu'à éditer un modèle type de saisine des chambres régionales de discipline à l'attention des conseils régionaux. L'Autorité a également sanctionné, à hauteur d'un euro, plusieurs architectes et associations ou sociétés d'architectes ayant participé directement à cette entente par le biais de dénonciations à l'Ordre des pratiques de prix non conformes.
ADLC, décision n° 19-D-19 du 30 septembre 2019.
Eclairages sur la prescription des actions indemnitaires du pouvoir adjudicateur. Les règles de la prescription applicable aux actions indemnitaires du pouvoir adjudicateur pour le dommage subi du fait de pratiques anticoncurrentielles (PAC) ont été modifiées à plusieurs reprises, notamment par l' relative à de telles actions. Dans des affaires aussi longues que celles tranchées récemment par le Conseil d'Etat (CE) et par le tribunal administratif (TA) de Paris, le point de départ de la prescription - aujourd'hui réduite à cinq ans - peut être d'une importance cruciale. Et l'interprétation faite ici par les deux juridictions est cohérente avec les textes les plus récents : la décision de condamnation de l'entente par l'ADLC constitue assurément, en principe, le moment à partir duquel le pouvoir adjudicateur a connu ou devait connaître l'existence desdites pratiques.
Le CE a retenu ce point de départ y compris dans un cas où le pouvoir adjudicateur s'était antérieurement constitué partie civile dans le cadre de l'information judiciaire correspondante. Motif : cela ne traduisait que des soupçons et n'était donc pas de nature à établir la date à partir de laquelle le demandeur en dommages et intérêts aurait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques.
Le TA de Paris retient, lui, un point de départ antérieur dans le cas des lycées d'Ile-de-France, car la décision de l'Autorité avait été précédée, plusieurs années avant, d'une plainte auprès du procureur formée à ce titre par des élus du conseil régional eux-mêmes.
, mentionné aux tables du recueil Lebon ; .
Des micro-PAC dans des marchés publics. A la suite d'une enquête réalisée en 2017, la DGCCRF a caractérisé une concertation d'offres déposées ensuite séparément par deux sociétés dans le cadre d'un marché de travaux de maçon-nerie pour les collèges publics des Alpes-Maritimes. Elle a mis en œuvre la procédure d'injonction prévue pour les micro pratiques anti concurrentielles (micro-PAC) par l' pour ordonner à ces entreprises de s'abstenir, à l'avenir, de procéder à des échanges d'informations préalablement à la remise d'offres présentées comme concurrentes lors d'appels d'offres publics ou privés. En revanche, l'enquête ayant montré que cette pratique avait été circonscrite au seul marché en cause, la DGCCRF n'a proposé aucune transaction sur d'éventuelles sanctions. Même attitude clémente vis-à-vis des deux sociétés concernées par une entente dans le secteur de la remise en état de logements dans les Bouches-du-Rhône sur des bases assez voisines de dépôts d'offres parallèles, en réalité concertés.
Communiqués de la DGCCRF des 15 juillet et 5 novembre 2019.
Concentrations
Autorisation du rachat de l'aéroport de Toulouse-Blagnac par Eiffage. L'Autorité de la concurrence a autorisé en phase 1, sans engagement, le rachat par le groupe Eiffage de la participation de contrôle dans la société Aéroport Toulouse-Blagnac, jusqu'alors détenue par Casil Europe. Eiffage étant déjà concessionnaire de l'aéroport de Lille, l'ADLC a examiné les effets sur le marché de l'octroi des concessions d'aéroports, sur lequel la part de marché cumulée des parties reste toutefois modeste.
Elle a également analysé les effets de la concentration sur les marchés de travaux et d'entretien des infrastructures aéroportuaires pour déterminer si Eiffage pouvait, à l'avenir, utiliser sa position pour se réserver certains chantiers dans l'aéroport. L'Autorité a toutefois écarté un risque d'atteinte à la concurrence compte tenu du fait que la quasi-intégralité des marchés passés par l'aéroport est soumise à une procédure de publicité ou de mise en concurrence encadrée par le Code de la commande publique.
ADLC, décision n° 19-DCC-229 du 11 décembre 2019.
Autorisation sous conditions du rachat de Point. P TP par Frans Bonhomme… L'Autorité a en revanche autorisé sous conditions le rachat de Point. P TP par le groupe Frans Bonhomme. S'il a été jugé que l'opération ne soulevait pas de problème de concurrence sur les marchés amont de l'approvisionnement auprès des fournisseurs, celle-ci aurait conduit à des chevauchements significatifs sur trois zones de chalandise. L'acquéreur s'est donc engagé à céder un magasin sur chacune de ces zones.
ADLC, décision n° 19-DCC-221 du 27 novembre 2019.
… et de l'acquisition de Katexplo par Titanobel. L'opération autorisée sous conditions par l'ADLC de Nouvelle-Calédonie (ACNC) concerne le rachat par un producteur métropolitain d'explosifs, Titanobel, d'un acteur local - Katexplo - produisant et surtout achetant pour revendre un certain nombre de produits explosifs utilisés dans l'industrie minière, les carrières et les travaux publics (TP).
La décision de l'ACNC fournit une grille d'analyse qui sera vraisemblablement utilisée dans d'autres cas dans le secteur des TP et au-delà, lorsqu'une concentration permet à un acteur global et intégré de prendre pied de manière décisive sur un marché aussi étroit et isolé que la Nouvelle-Calédonie. Katexplo était avant l'opération le seul négociant grossiste pour ces produits - et serait à l'avenir aussi le seul fabricant local d'émulsion mère - destinés à la confection de certains explosifs en local, en étant verticalement intégré à un groupe global fournissant un certain nombre d'intrants et d'autres produits. L'opération a en effet également pour objectif de constituer une installation de production locale.
Les engagements pris par Titanobel pour obtenir l'autorisation de l'ACNC sont substantiels : il est question de lever des clauses de non-concurrence et de prévoir expressément des aménagements pour permettre à Katexplo de s'approvisionner auprès de tiers, d'assurer le fait que celui-ci continuera à fournir d'autres produits que ceux issus de sa production locale et de limiter ses capacités de développement sur un marché aval où Titanobel était également présent, ou encore de ne pas avantager Titanobel par rapport aux autres clients de Katexplo.
ACNC, décision n° 2019-DCC-06 du 25 novembre 2019.
Enquêtes
La procédure de communication des fadettes quasiment opérationnelle. Le décret d'application de la nouvelle disposition issue de la (dite « Pacte ») autorisant l'accès aux fadettes des opérateurs faisant l'objet d'investigations a été publié fin novembre. Pour rappel, il sera désormais possible aux enquêteurs de l'ADLC et de la DGCCRF d'accéder aux données de connexion des lignes téléphoniques et adresses IP directement auprès des opérateurs de télécommunications, dès lors qu'ils auront obtenu l'autorisation préalable d'un contrôleur des données de connexion, qui reste, lui, à nommer. Aucun recours n'est prévu contre les conditions d'autorisation de cet accès et aucun mécanisme d'information de l'entreprise et/ou des personnes concernées n'est par ailleurs prévu. Ce n'est donc, le cas échéant, qu'au stade d'auditions, voire d'une notification de griefs, qu'une entreprise pourra découvrir que l'Autorité se fonde sur de telles données de connexion pour établir une éventuelle infraction.
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