L'entreprise bretonne Cardinal sur le banc des accusés pour "travail dissimulé"

lundi 18 juin s'est ouvert au tribunal correctionnel de Rennes le procès de 23 professionnels du BTP pour "travail dissimulé" ou emploi d'étrangers en situation irrégulière. Parmi les prévenus figurent le patron d'une des plus grosses entreprises de BTP de Bretagne, la SAS Cardinal, son directeur d'exploitation, ainsi que 21 artisans, principalement de nationalité turque, qui travaillaient en qualité de sous-traitants.

Cardinal est soupçonné d'avoir "sous-traité des travaux de maçonnerie au cours de l'année 2002 à une quinzaine d'artisans turcs pour un chiffre d'affaires de 2,4 millions d'euros".

Menée par le GIR (Groupement d'intervention régionale), l'enquête, qui a nécessité de gros moyens, a débuté au printemps 2003.

Les enquêteurs avaient constaté que "de nombreux ressortissants turcs" se retrouvaient sur le parking d'une grande surface de Rennes, d'où ils étaient ensuite emmenés sur des chantiers "dans des véhicules contenant du matériel de maçonnerie".

Le procès, dans lequel la Fédération nationale des salariés de la construction (FNSC) CGT s'est portée partie civile, est prévu jusqu'au 29 juin.

"Nous avons voulu donner une dimension nationale à cette affaire car, trop souvent, les enquêtes sont bâclées, les patrons pas inquiétés et les salariés (clandestins) expulsés", a expliqué lors d'une conférence de presse Eric Aubin, secrétaire général de la FNSC.

"Pour une fois, s'est-il réjoui, une enquête sérieuse et des moyens appropriés ont permis de démanteler le réseau. On pense qu'il en existe un grand nombre du même type sur notre territoire", des réseaux principalement organisés par les grands groupes, a-t-il dit.

Dans le cas présent, le gain pour l'entreprise Cardinal était de 10 euros le m2 de parpaing, a indiqué le syndicat .

"Sachant qu'un maçon monte entre 10 à 15 m2 de parpaing par jour, l'entreprise faisait entre 100 et 150 euros par jour sur son dos", a souligné l'avocat du syndicat, Me Claude Larzul.

"De même, les sous-traitants turcs devaient donner à l'entreprise Cardinal du liquide, de l'ordre de 500 euros, pour pouvoir travailler pour elle", somme qui n'était jamais récupérée par l'artisan, a ajouté l'avocat.

Lors de la perquisition, plus de 84.000 euros en liquide avaient été découverts dans le grenier du domicile du patron.

"Il faut que les vrais coupables, les donneurs d'ordre, soients sanctionnés", a estimé René Defroment, secrétaire fédéral de la FNSC.

M. Aubin a insisté sur "les conséquences très néfastes (de ces pratiques) pour l'ensemble des salariés" du BTP.

"Les CFA (Centres de formations des apprentis) sont remplis à 115%, avec 75.000 jeunes. Mais la moitié ne rentre pas dans la profession ou en sort dans les deux ans" en raison des faibles salaires sans rapport avec des conditions de travail difficiles, selon lui.

Selon la Délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal, ces pratiques aggravent les difficultés des caisses de solidarité sociale (sécurité sociale, retraite, Assedic) et engendrent un déficit fiscal estimé à 55 milliards d'euros.

AFP

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