Une vingtaine de centres de données – data centers – pourraient sortir de terre d’ici peu en région parisienne, essentiellement dans le département de l’Essonne, relate la MRAe d’Ile-France dans une lettre d’information datée de mai 2023, publiée le 2 juin.
Une ruée vers les centres de données
Selon l’institution, cinq facteurs expliquent cette « ruée » vers les centres de données :
- la disponibilité électrique qui, grâce au maillage des réseaux, reste à un bon niveau,
- les infrastructures très importantes de fibres numériques,
- la baisse de la fiscalité tant sur le prix de l’électricité que sur les bâtiments (ils sont classés comme entrepôts au regard du droit de l’urbanisme),
- l’importance du nombre d’habitants et d’activités localisés dans la partie centrale de l’Île-de-France,
- les moratoires et contestations dans d’autres grandes villes européennes (Dublin, Amsterdam, Stockholm) qui reportent les investissements vers d’autres pays.
Vous avez dit sobriété énergétique ?
Mais le revers de la médaille interroge : peu d’emplois créés – 12 postes pour l’un des derniers data centers sur lesquels l’Autorité environnementale (Ae) a émis un avis – et surtout une consommation de surface et d’énergie considérables. A cet égard, le schéma régional climat air énergie indiquait qu’« un data center de 10 000 m² a besoin d’une puissance de raccordement au réseau électrique de 20 MW et consomme autant en électricité qu’une ville de 50 000 habitants », relève la MRAe.
Quant aux chantiers en cours dans l’Essonne, « la puissance appelée sera au total l’équivalent de celle produite par un réacteur nucléaire », constate la MRAe. Les appels à la sobriété énergétique lancés par le gouvernement à l’automne dernier ne semblent donc pas « avoir contrarié les projets ».
Pollution de l’air
C’est sous l'angle des installations classées (ICPE) que la MRAe examine les projets qui lui sont soumis. « C’est souvent l’important stockage de matières dangereuses et les conditions de fonctionnement des groupes électrogènes, des batteries, des onduleurs électriques, des systèmes de refroidissement et des aires de dépotage (livraison) qui conduisent l’Autorité environnementale à recommander une vigilance accrue ». Elle est même parfois amenée à réévaluer le risque, notamment s’agissant de la pollution de l’air (rejet de dioxyde d’azote).
Chaleur fatale
Autre point de vigilance : la chaleur fatale, cet air chaud issu du système de refroidissement des serveurs et qui est rejeté dans l’air. « Sa puissance est considérable », relève la MRAe. « Chaque data center […] rejette une énergie qui pourrait contribuer à chauffer des milliers de logements »… A condition d’être utilisée. C’est là que le bât blesse car en région parisienne, « on ne récupère que très rarement la chaleur fatale, souligne la MRAe. Ceux qui le font apparaissent comme des pionniers », à l'instar de Bailly-Romainvilliers avec sa piscine et son centre d’affaires chauffés grâce au data center ou encore du ministère de la Défense qui économise ainsi une énergie importante pour le chauffage du « Balardgone ».
Patate chaude
« Certes, les projets annoncent toujours une récupération possible de la chaleur fatale, mais dans les faits, cela reste au stade des intentions et les porteurs de projet renvoient la responsabilité de son utilisation vers les élus locaux. » Les raisons invoquées ? « La distance avec les lieux d’habitation ou encore le refus d’utilisation de cette énergie par le concessionnaire de chauffage urbain. Bien souvent, il n’a même pas été envisagé d’en faire bénéficier au moins les voisins au sein de la zone d’activité », déplore l’institution.
« Pourtant, cela fonctionne dans plusieurs communes et dans de nombreux pays ». Depuis quelques années, ces derniers ont organisé et anticipé, au sein de leur document d’urbanisme, la venue de ces infrastructures avec « des zonages particuliers et des prescriptions spéciales. De fait, la récupération énergétique est organisée en phase amont et est assurée au bénéfice de tous et de l’environnement ».