Le BTP avait presque disparu du radar de l’Autorité de la concurrence ces derniers mois – ou tout du moins de ses décisions de sanction. Les amendes infligées ce 17 avril remettent en lumière des pratiques destinées à fausser la concurrence à l’occasion d’un marché public, qui ont longtemps placé le secteur en tête des plus condamnés par l’Autorité.
L’entente ici épinglée a pour cadre l’appel d’offres restreint lancé par la direction régionale des services pénitentiaires de Toulouse pour la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan. L’enquête menée par l’Autorité de la concurrence a établi que deux entreprises, Eiffage construction Roussillon et Vilmor construction, ont échangé des informations avant de répondre à la consultation. Ce, de façon à ce que Vilmor construction dépose une offre de couverture rendant celle de son « concurrent » plus attractive. Il ne s’agissait pas de se répartir différents marchés comme souvent dans ce type d’affaire : la contrepartie pour Vilmor construction était le paiement d’un surloyer par la filiale d’Eiffage pour la location d’un terrain adjacent au lieu des travaux appartenant à une SCI dont le dirigeant de Vilmor était associé. Le cahier des charges du marché prévoyait en effet la location, par le futur titulaire, de ce terrain, pour réaliser les travaux sans risquer de favoriser une évasion des détenus.
Les pratiques de la filiale imputées à la société mère
L’Autorité de la concurrence, fidèle à sa pratique décisionnelle, qualifie la pratique entravant le jeu de la concurrence sur un marché public de grave par nature. Le dommage à l’économie est toutefois jugé modéré, en raison du caractère local de l’entente, portant sur un marché unique, et sur un enjeu financier modeste (marché d’un montant estimé de 660 000 euros H.T.).
L’Autorité relève toutefois que le comportement de la filiale, « de par son appartenance au groupe Eiffage, familier des procédures d’appels d’offres, est de nature à induire un risque de banalisation et d’entraînement à l’égard d’entreprises de moindre importance, notamment des PME agissant souvent dans le cadre de contrats de sous-traitance avec des entreprises plus importantes. » Elle décide d’ailleurs d’imputer le comportement de la filiale à la société-mère, et calcule donc le montant de l’amende en tenant compte de la taille et de la puissance du groupe. Elle majore également la sanction de 30 % pour réitération, au regard de sanctions précédemment infligées au groupe Eiffage (en 2005 et 2007). Au final, 960 000 euros d’amendes sont prononcées pour quatre sociétés du groupe Eiffage, tandis que Vilmor construction est condamnée à payer 5 000 euros compte tenu de sa situation de redressement judiciaire et de ses difficultés financières.