Si les plans de relance, européen et français, ont pour objectif premier de contrer les dommages économiques engendrés par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, ils n'en constituent pas moins une excellente occasion de construire un avenir énergétique sûr et durable. Pour relever ce défi, l'autoconsommation collective, portée par l'Union européenne, renforcée par la relative à l'énergie et au climat, et plébiscitée par la Convention citoyenne pour le climat, s'impose comme un outil indispensable.
Une réponse appropriée aux enjeux énergétiques
L'autoconsommation collective constitue sans aucun doute un levier majeur pour répondre aux objectifs ambitieux fixés aux niveaux européen et français pour l'énergie (diviser par deux la consommation énergétique finale entre 2012 et 2050 selon l' ; atteindre 33 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique d'ici à 2030 d'après l'article 1er de la loi Energie-climat)… mais également pour le bâtiment qui doit faire face à une triple transformation sociétale : énergétique, climatique et numérique (1).
Elle se définit comme la possibilité pour un groupe de consommateurs, en s'associant à un ou plusieurs producteurs, de produire eux-mêmes tout ou partie de l'électricité consommée. Codifié à l', ce dispositif (rendu expérimental par la loi « Pacte » n° 2019-486 du 22 mai 2019) a été introduit en France il y a plus de quatre ans ( ratifiant deux ordonnances de 2016 sur l'autoconsommation d'électricité [n° 2016-1019] et sur la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables [n° 2016-1059]).
Décentralisation énergétique. Ce dispositif offre la possibilité de massifier le recours aux énergies renouvelables - en installant par exemple des panneaux photovoltaïques - mais aussi de permettre aux entreprises et aux collectivités territoriales, à l'échelle d'un bâtiment ou d'un quartier, de s'emparer de ce sujet, et de devenir les acteurs d'une véritable décentralisation énergétique.
Une réglementation nationale jugée jusque-là trop rigide
Néanmoins, la réglementation encadrant ce dispositif a freiné considérablement le développement des opérations. Le collectif « Energies renouvelables pour tous » a ainsi relevé des freins socio culturels, économiques - faible prix de l'électricité, refus des assurances d'accorder la garantie décennale… - et juridiques - interdiction du tiers-investissement, limitation du périmètre des opérations, fiscalité désavantageuse, problème de raccordement (2)… Les chiffres sont éloquents : à la fin du deuxième trimestre 2020, 77 678 installations en autoconsommation auraient été raccordées au réseau, dont seulement une vingtaine d'opérations d'autoconsommation collective (3). Pour mémoire, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), feuille de route énergétique de la France d'ici à 2028, fixe à 200 000 le nombre d'opérations d'autoconsommation à l'horizon 2023, dont 50 en autoconsommation collective.
Le rôle clé de l'Union européenne
Fort heureusement, l'Union européenne a consacré un véritable droit à l'autoconsommation en adoptant la directive 2018/2011 du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, issue du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » lancé en 2016. Ces opérations ne peuvent désormais subir aucuns frais, charges ou procédures discriminatoires ou disproportionnées. Aucun périmètre n'est fixé et le tiers-investissement est autorisé. Ces grands principes, notamment la possibilité de recourir au tiers-investissement, ont été transposés en droit français dans la loi Energie-climat, mettant fin au caractère expérimental du dispositif.
Bailleurs sociaux. Autre apport du texte : l' impose dorénavant aux producteurs et aux consommateurs participant à l'opération d'être réunis au sein d'une même personne morale organisatrice (PMO). Jusqu'à présent, les organismes HLM qui souhaitaient participer à une telle opération devaient créer une structure juridique nouvelle. L'article L. 315-2 assouplit le dispositif et les considère dorénavant comme une PMO.
Périmètre élargi. La loi Energie-climat a en outre créé un second type d'opération d'autoconsommation collective, dite « étendue », qui permet d'inclure plusieurs bâtiments situés sur le réseau basse tension et devant respecter des critères, notamment de proximité géographique. L' a ainsi prévu une distance maximale de 2 km entre participants et une puissance maximale de 3 MW. Cela ayant été jugé trop restreint par les professionnels, un nouvel vient permettre au ministre chargé de l'énergie d'autoriser, sur demande, l'intégration de deux participants séparés par une distance allant jusqu'à 20 kilomètres. Une telle dérogation doit tenir « compte notamment de l'isolement du lieu du projet, du caractère dispersé de son habitat et de sa faible densité de population ». Si le gouvernement envisageait initialement de porter en outre la puissance maximale autorisée à 5 MW, il y a renoncé dans la version finale de l'arrêté, comme préconisé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Des freins encore importants
Les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe) - servant au financement de l'acheminement et qui sont révisés tous les quatre ans - devraient être réduits pour l'autoconsommation collective puisqu'elle permet la production et la consommation de l'électricité sur un même lieu, s'effaçant ainsi des réseaux et diminuant les pertes techniques. Mais la CRE s'y refuse au motif que les effets sur le réseau n'ont pas été encore quantifiés.
Une double tarification optionnelle pour l'utilisation du réseau a cependant été proposée. Elle est appliquée depuis le 1er août 2018 avec un tarif plus bas que la moyenne pour les flux autoconsommés et plus haut (+ 15 %) pour l'électricité achetée. Censée améliorer l'équilibre économique des opérations, cette tarification spécifique n'a pour le moment été choisie que pour un seul projet, celui d'Enercoop Midi-Pyrénées. Le Conseil d'Etat a de son côté confirmé cette tarification (). Espérons que le prochain Turpe - dont la consultation publique est en cours jusqu'au 12 novembre - incitera réellement à l'autoconsommation collective.
Installations de faible puissance. Par ailleurs, les opérations d'autoconsommation collective restent cantonnées à des installations de petite puissance (< 250 kW) sans aucune justification alors que des installations de moyenne puissance (écoles, maisons de retraite, etc. , disposant de grandes surfaces de toiture) pourraient être intégrées dans ce type d'opérations.
Appels d'offres. Enfin, le surplus d'électricité produit localement, pour les installations d'une puissance supérieure à 100 kWc, doit passer par un appel d'offres, jugé complexe. Les acteurs adoptent alors une stratégie de sous-dimensionnement des capacités installées pour éviter cette procédure. Ce seuil devrait être bientôt relevé à 300 ou 500 kWc. En définitive, l'autoconsommation collective a franchi une nouvelle étape. Souhaitons que l'engouement de l'ensemble des acteurs de la filière de l'énergie soit pleinement suivi et soutenu par les pouvoirs publics.