Un réseau de chaleur d’une longueur exceptionnelle se dessine autour de Mulhouse (Haut-Rhin) : pas moins de 50 kilomètres seront nécessaires pour constituer cette infrastructure venant compléter l’approvisionnement énergétique assuré par deux premiers réseaux. Mais le potentiel justifie un tel projet et son investissement de 150 millions d’euros : la communauté d’agglomération Mulhouse Alsace Agglomération (M2A), maître d’ouvrage, entend faire bénéficier les habitants de son cœur urbain des 50 mégawatts de puissance que pourra dégager la « chaleur fatale » de plusieurs entreprises particulièrement énergivores. Elle a voté, le 30 janvier, une délibération qui engage le processus en vue d’un démarrage des travaux l’an prochain et une mise en service entre fin 2025 et courant 2026.
Ces usines (le verrier Euroglas et la plate-forme chimique W Europe) représentent un potentiel annuel de production de 200 gigawattheures selon M2A, soit la consommation de chaleur de 20 000 logements. Le chiffre excède la production des réseaux existants de l’agglomération, située à 180 GWh/an. Mais l’habitat ne sera de loin pas le seul utilisateur, puisque le principal (à hauteur de 15 % environ) pourrait être l’usine automobile Stellantis, situé sur le trajet entre cette « bande rhénane » et le cœur d’agglomération.
Traverser la ville et ne pas perdre des degrés
La longueur des conduites, 30 kilomètres pour le transport depuis les bords du Rhin où les entreprises sont implantées, puis 20 km pour la distribution, représente une « complexité technique », reconnaît Rémy Neumann, vice-président de M2A pour les réseaux de chaleur. « L’enjeu principal sera la maîtrise de la traversée de la ville de Mulhouse », poursuit l’élu, qui se montre moins inquiet sur la déperdition d’énergie préjudiciable au rendement au fil du trajet : « Les avancées techniques permettent de la minimiser. Nous ne devrions perdre que 2 à 3 °C sur la température de récupération de 110 °C », prévoit Rémy Neumann.

Pour réussir son projet d’envergure, la collectivité choisit, dès lors, de s’adosser à un opérateur : la société Réseaux de chaleur urbains d’Alsace (R-CUA) prendra 34 % d’une société d’économie mixte (SEM) qui sera constituée dans les prochains mois.
Filiale commune au distributeur de gaz alsacien R-GDS et au Suisse Primeo Energie, elle construit et exploite déjà (avec Dalkia) le plus récent des réseaux mulhousiens, parmi diverses références dans le Grand Est. M2A détiendra dans un premier temps 66 % de la SEM au capital de 4 millions d’euros. « Nous nous réservons la possibilité de céder une partie de nos parts à des partenaires tels que la Banque des Territoires, la Collectivité européenne d’Alsace et la région Grand Est, mais garderons au minimum 51 % », précise Fabian Jordan, le président de M2A.
Le projet « participera à l’objectif d’une autonomie énergétique autant que possible », poursuit le président. Il doit en effet réduire significativement la dépendance au gaz : de près de 40 %, sa part dans le mode d’alimentation des réseaux de chaleur devrait se réduire entre 10 et 20 % à la mise en service du nouveau.