Une aciérie allemande à la rescousse de Strasbourg
A moins de 10 km à vol d'oiseau de l'une de ses plus grosses chaufferies urbaines, Strasbourg (Bas-Rhin) dispose d'une réserve thermique suffisamment abondante pour alimenter plusieurs milliers de logements. Cette source vertueuse provient de la chaleur fatale d'une industrie lourde.
Problème : le Rhin sépare ces points de départ et d'arrivée. La chaleur émane en effet de l'aciérie Badische Stahlwerke (BSW) de Kehl, la voisine allemande de la métropole alsacienne.
Jusqu'il y a une dizaine d'années, l'obstacle se révélait infranchissable, tant du point du point de vue financier qu'en raison de l'insuffisante capacité de charge des ponts routiers. Mais il sera bientôt levé. La solution trouvée ?
Des canalisations posées sous le lit du fleuve pour rejoindre la centrale de l'Esplanade, épine dorsale du réseau Strasbourg-centre. « Nous lançons en ce mois de novembre l'appel d'offres de délégation de maîtrise d'ouvrage pour recruter le prestataire ou le groupement d'experts qui nous accompagnera dans les études de maîtrise d'œuvre puis les travaux, qui seront réalisés selon un marché global de performance pour une mise en service au début de l'hiver 2026 », annonce Marc Hoffsess , conseiller à l'Eurométropole de Strasbourg en charge des réseaux de chaleur.
Projet à plus de 25 M€. Ce marché est lancé dans le cadre de la SEM « Calorie Kehl-Strasbourg », incarnation binationale du projet. De droit français mais accueillant à son capital la Ville de Kehl et le Land de Bade-Wurtemberg, elle est également composée de l'Eurométropole de Strasbourg, actionnaire principal avec 46,7 %, de la région Grand Est et de la Banque des territoires. L'investissement - chiffré à 25,5 M€ - est principalement consacré à la construction du « caloduc » de 4,5 km sous le Rhin puis dans Strasbourg. Il devrait être subventionné à 46 % par l'Ademe, son homologue allemande Dena et l'Union européenne.
Le potentiel de chaleur fatale valorisable pour le réseau urbain strasbourgeois, moyennant son passage de 1 300 à 150 °C, a été estimé en hypothèse basse à 55 GWh/an, correspondant aux besoins en chauffage et eau chaude sanitaire de 5 500 foyers. Il pourrait à terme plus que doubler, à 135 GWh/an et apporter ainsi une contribution notable à l'extension du réseau Strasbourg-centre à au moins 350 GWh/an à la fin de la décennie. « Si nous ne parvenions pas à réaliser ce projet, il faudrait construire une centrale biomasse nécessitant 27 000 t de bois par an », relève Hervé Lamorlette, directeur général de Réseaux de chaleurs urbains d'Alsace (R-CUA), concessionnaire de ce réseau. Symboliquement aussi, cette chaleur allemande représenterait, en capacité totale, la moitié de celle qu'aurait pu produire à pleine puissance le site géothermique de Vendenheim, dont la mise à l'arrêt fin 2020 suite aux séismes qu'il a engendrés prive cependant l'agglomération d'une carte précieuse en termes d'autonomie énergétique.
Cannes souffle le chaud et le froid
La Ville de Cannes (Alpes-Maritimes) évalue à plus de 1 M€ l'impact de la hausse des coûts énergétiques sur son budget 2023. Pour réduire la facture, elle engage un grand plan d'économies et de production locale d'énergie décarbonée. Pièce maîtresse de cette programmation : l'agglomération Cannes Lérins réalisera quatre centrales d'ici à 2026. Dernière phase avant l'attribution des contrats d'une durée de vingt-cinq ans programmée début 2023, une procédure de délégation de service public (DSP) en-cadre les deux projets les plus avancés.
Le premier s'intéresse à la production de chaleur à partir des déchets verts. Située dans le secteur en renouvellement urbain de la Frayère, cette centrale biomasse, dont la puissance est estimée à 4 MW, produira chaque année 17,8 GW pour alimenter en chaud 25 établissements identifiés dans l'ouest de la cité. La mise en service est attendue en 2025. Le second recourt à la thalassothermie, qui mobilise les calories et frigories de l'eau de mer en vue d'assurer dès 2026 une partie des besoins en chauffage et climatisation de bâtiments publics et privés situés sur le boulevard de la Croisette. Les installations, enterrées sous le jardin de la Roseraie, permettront une production annuelle de 36 GW.
Salles blanches et copropriétés. La troisième centrale consiste en un système de récupération de chaleur et de froid des eaux usées de la station d'épuration Aquaviva. D'un coût prévisionnel de 8 M€, il alimentera dès 2025 en froid les salles blanches du leader européen des satellites Thalès Alenia Space et en chaud des copropriétés de la ville voisine de Mandelieu-la-Napoule. Les arbitrages politiques et techniques en cours précèdent la procédure de DSP annoncée pour le début 2023. Enfin, le pôle métropolitain Cap Azur a validé fin octobre la réalisation à Cannes d'une unité de valorisation énergétique de combustibles solides de récupération et de déchets verts. Sage Engineering en pilote l'assistance à maîtrise d'ouvrage.
