Alors que la loi de transition énergétique prévoit que 70% des déchets du BTP soient valorisés en 2020 et que le Programme National de Prévention des Déchets 2014-2020 préconise d’identifier les leviers d’action pour développer le réemploi des matériaux du secteur du BTP, l’Ademe a publié début juillet une étude sur "l'identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériaux de construction".
Freins
Leur recensement et leur analyse ont mis en évidence trois constats majeurs :
I. Pour les secteurs du Bâtiment et des Travaux Publics, la rédaction du Règlement Produit de Construction laisse place à une incertitude quant aux obligations de marquage CE pour les produits de réemploi et de déclaration de leurs performances.
II. Dans le secteur du Bâtiment, la majorité des freins identifiés concernent le réemploi de matériaux ou produits issus de dépose (démolition, entretien, réhabilitation), notamment les freins liés à l’aptitude à l’usage des produits, les risques sanitaires ou l’assurabilité (décennale, dommage ouvrage). Pour les surplus de chantier ou les invendus de négoce se posent principalement des problèmes (communs également aux produits de dépose ou chutes de chantier) de mise en relation des acteurs et de mise à disposition des matériaux et produits (plateformes d’entreposage ou distribution) ainsi que de prescription.
III. Pour le secteur des Travaux Publics, les pratiques de réemploi semblent plus développées. La culture de l’utilisation de matières recyclées apparaît plus ancrée.
Cette utilisation de matériaux recyclés a conduit les acteurs des TP à mettre en place un encadrement des pratiques qui peut servir de cadre au réemploi, d’autant que pour certaines pratiques (ex : traitement in situ de terres ou de matériaux de chaussées) les distinctions entre réemploi, réutilisation et recyclage sont très ténues. Ce sont notamment des documents techniques tels que des normes « Produit » couvrant explicitement les matériaux recyclés, des normes d’exécution ou encore des guides techniques qui portent sur les aspects d’aptitude à l’usage et de mise en oeuvre. Les aspects environnementaux et sanitaires sont également pris en compte : c’est l’objet notamment du guide SETRA d’acceptabilité environnementale des matériaux alternatifs en technique routière, et de ses déclinaisons.
Solutions
Une fois ces freins identifiés, l'Ademe a mis en avant 37 actions (compilées dans le tableau ci-dessous) visant soit à créer les opportunités de réemploi soit à maintenir une vigilance sur la qualité technique de l’ouvrage ou des parties d’ouvrage incorporant des matériaux et produits de réemploi, sur les performances sanitaires et une maitrise des risques environnementaux.

Perspectives
Au-delà de la mise en oeuvre de ces plans d'action, les travaux de l’Ademe font apparaître des perspectives de développement du réemploi distinctes d’un secteur à l’autre.
Pour le secteur des Travaux Publics
Le développement du réemploi reposera principalement sur le renforcement de la prescription : il s’agira de sensibiliser les acteurs (notamment les maîtres d’ouvrage) en s’appuyant sur les « retours d’expérience » et de les former aux bonnes pratiques de réemploi.
Au-delà de l’incitation, la réglementation apparaît comme un facteur d’essor des pratiques, en particulier dans le cadre des commandes publiques qui représentent près de 50% du marché des travaux publics. C’est le cas avec les obligations prévues à l’article 79 de la de transition énergétique pour la croissance verte (1). Pour les collectivités de taille limitée, le développement des compétences nécessaires pourrait nécessiter un accompagnement.
Le réemploi présente des contraintes (changement d’habitude, de clauses de marché, d’évaluation des offres, etc.) mais au bénéfice d’un budget maîtrisé voire même en baisse le plus souvent (environ -10 €/m² de chaussée ou environ -20 €/m3 de tranchées soit respectivement jusqu’à 20% et 50% d’économie) et d’un impact GES réduit ! (environ -0,4 kgCO2/m² de chaussée).
Enfin, certaines problématiques spécifiques, comme la compatibilité géochimique des terres ou la présence d’amiante dans les enrobés, même si elles dépassent le cadre strict du réemploi, nécessiteront la mise en place de solutions techniques et organisationnelles.
Pour le secteur du Bâtiment
L’Ademe estime que l’effort à fournir sera plus conséquent. Avant de renforcer la prescription, il faudra au préalable mettre en place les éléments nécessaires à l’encadrement des pratiques de réemploi et rassurer les acteurs (maintien de la qualité technique des ouvrages, vigilance sanitaire, maîtrise des risques environnementaux).
A moyen terme, le développement de référentiels, de guides permettant la requalification des produits de réemploi (performances et constance de la qualité) en fonction de leurs usages et précisant au besoin leurs mises en oeuvre, améliorera la maîtrise des risques de sinistralité et instaurera un niveau de confiance plus élevée : la garantie décennale sera facilitée pour les entreprises ; les maîtres d’ouvrage et maîtres d’oeuvre « rassurés » prescriront plus facilement des produits de réemploi.
Une fois le cadre en place, il faudra également créer l’offre (répertorier les possibilités de réemploi et identifier les gisements de produits réemployables), mettre en relation les acteurs du réemploi et faciliter la mise à disposition des matériaux et produits (plateformes d’entreposage ou de distribution).
L’Ademe souligne enfin que ces perspectives seront favorisées par l’émergence d’ouvrages éco-conçus dans une optique d’usage raisonné des ressources tout au long du cycle de vie. Ces ouvrages devront tenir compte des notions d’évolutivité et de démontabilité du bâtiment et favoriser d’une part, le démantèlement de tout ou partie de ses composants, sans préjudice du maintien de ces caractéristiques, et d’autre part, sa durée de vie.