L’absence d’indicateurs nécessaires à l’analyse d’un plan local d'urbanisme (PLU) est bien constitutive d’une illégalité… pouvant être aisément régularisée. Ainsi a tranché la Haute juridiction administrative le 7 juillet 2022 dans une affaire opposant des particuliers à une commune dans le cadre de l’élaboration du document d’urbanisme.
De l’opportunité ou non de réviser un PLU
Conformément à l’article L. 153-27 du Code de l’urbanisme, il doit être procédé à une analyse des résultats d’application du PLU/PLUi au plus tard six ans après son approbation. Cet examen donne lieu par la suite à une délibération du conseil municipal - ou de l’organe délibérant de l’EPCI - sur l’opportunité de réviser ou non ce document. L’article R. 151-4 du même code précise en outre que ladite analyse doit être réalisée à partir d’indicateurs devant être recensés dans le rapport de présentation du PLU/PLUi. C’est en se basant sur le défaut de tels indicateurs que des particuliers ont demandé au juge administratif d’annuler la décision d’un conseil municipal d’approuver le document d’urbanisme de la commune. Les juges du fond ont rejeté la requête.
La cour administrative d'appel (CAA) avait considéré que l’absence d’indicateurs dans le rapport de présentation était sans incidence sur la légalité du PLU. Pour la CAA, ces dispositions servent à apprécier l’opportunité de la révision du document d’urbanisme, et sont sans lien direct avec des dispositions opposables du contenu - réglementaire ou graphique - du plan. « Elle a estimé qu'une insuffisance du rapport de présentation sur ce point n’était susceptible ni de remettre en cause les partis d’urbanisme retenus par les auteurs du plan local d’urbanisme, ni d’affecter une règle d’urbanisme adoptée par eux », relate le rapporteur public, Arnaud Skzryerbak, dans ses conclusions devant le Conseil d'Etat, saisi du contentieux.
Illégalité
Pour le rapporteur public, cette position est assez « séduisante » car les dispositions de l'article R. 151-4 précité « formulent une obligation qui est tournée vers l’avenir. Les indicateurs intéressent moins le plan local d’urbanisme à l’occasion duquel ils sont adoptés que le plan suivant ». Mais « elle a l’inconvénient de dévitaliser l’exigence d’une anticipation des conditions d’évaluation du plan local d’urbanisme. [...] Alors que la nécessité de l’évaluation des politiques publiques ne cessent d’être réaffirmée, il serait paradoxal que les procédures qui l’organisent demeurent sans sanction. Pour donner du poids aux obligations d’évaluation prévues aux articles L. 153-27 et 29 du Code de l’urbanisme, il faut considérer que la méconnaissance de l’article R. 151-4 est une cause d’illégalité ».
C'est cette solution qu'a retenue le Conseil d’Etat. Il énonce en effet que « les indicateurs nécessaires à l'analyse des résultats de l'application du PLU à laquelle il devra être procédé [….] doivent être identifiés dès l'élaboration du plan et figurer dans le rapport de présentation ». Et que leur absence dans le PLU approuvé est bien constitutive d’une illégalité.
Annulation partielle, régularisation
Pour autant, « une telle illégalité, qui est par elle-même, eu égard à l'objet des indicateurs, sans conséquence sur le plan local d'urbanisme en tant qu'il fixe les règles susceptibles d'être opposées aux demandes d'autorisation d'urbanisme, n'est de nature à justifier que l'annulation partielle de la délibération approuvant le plan, en tant seulement qu'elle a omis d'identifier les indicateurs en cause. »
Il sera alors loisible aux rédacteurs du PLU/PLUi de régulariser les insuffisances du rapport de présentation, assimilables, selon le rapporteur public, à « un vice de forme ». La modification du PLU n’est donc « pas nécessaire pour procéder à cette régularisation. Il suffit de compléter le rapport de présentation et de repasser en conseil municipal ».
CE, 7 juillet 2022, n° 451137, mentionné aux tables du recueil Lebon