Jurisprudence

Jurisprudence « social »: trois solutions commentées

Décryptage de trois arrêts rendus dans le domaine du droit social, et notamment de la santé et de la sécurité au travail.

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Palais de justice

Santé au travail

Le préjudice d’anxiété résulte de la seule exposition à l’amiante

Un chimiste met fin à son activité professionnelle, afin de bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA). Il saisit par la suite la juridiction prud'homale, pour obtenir réparation de plusieurs préjudices, dont le préjudice d'anxiété.

Pour sa défense, l’employeur fait notamment valoir que l'amiante avait été très faiblement utilisée dans l'entreprise , qu'elle avait toujours strictement respecté les mesures de sécurité, individuelles et collectives, et que les salariés avaient bénéficié de moyens de protection adéquats .

Question : Dans ces conditions, le travailleur pouvait-il néanmoins invoquer utilement un préjudice d’anxiété ?

Réponse : Oui. Le salarié, ayant travaillé dans un établissement relevant de la loi du 23 décembre 1998 relative à la préretraite amiante, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvait ainsi, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration, à tout moment, d'une maladie liée à ce matériau (Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 13-15631).

Commentaire : Pour rappel, le préjudice d'anxiété répare le trouble né de la peur de tomber gravement malade. La Haute juridiction rappelle que la simple exposition à l'amiante suffit à caractériser l'existence d'un préjudice d'anxiété. Peu importe ainsi que le salarié n'ait développé aucune pathologie liée à l'amiante.

Informatique et libertés

Le contrôle des courriels des salariés doit être déclaré à la Cnil

Une salariée est congédiée pour avoir fait un usage excessif de sa messagerie électronique à des fins personnelles. Le dispositif de contrôle mis en œuvre par l’employeur avait notamment révélé qu’au cours des mois ayant précédé le licenciement, elle avait reçu et envoyé, respectivement, 607 et 621 messages.

Ce dispositif de contrôle n’ayant pas été déclaré à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), l’intéressée saisit les prud’hommes.

Question : Ce licenciement était-il fondé ?

Réponse : Non, car les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la Cnil sont illicites (Cass. soc., 8 octobre 2014, n° 13-14991).

Commentaire : Dans cette affaire, l’employeur avait fait montre de précipitation. Il avait bien procédé aux formalités de consultation du comité d’entreprise et d’information préalable des salariés, mais avait un peu tardé pour déclarer le système de surveillance à la Cnil. La déclaration postérieure au contrôle ne permettait donc pas de le régulariser. Le licenciement était dès lors dépourvu de réelle et sérieuse.

Inaptitude

Quand le salarié prend l’initiative de la visite de reprise

A l’issue de plusieurs arrêts maladie, un salarié se présente de sa propre initiative à la médecine du travail. Le médecin le déclare inapte à son poste de travail avec mention d'un danger immédiat, le dispensant ainsi de la deuxième visite. Deux mois plus tard, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur sur le fondement de cet avis médical. N’ayant pas été averti de la visite de reprise demandée par le salarié, l’employeur fait valoir que celle-ci ne lui est pas opposable.

Question : La prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur était-elle justifiée ?

Réponse : Non. En effet, si la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, encore faut-il en aviser au préalable l'employeur. A défaut, l'examen ne constitue pas une visite de reprise opposable à l'entreprise (Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-18724).

Commentaire : En l’espèce, le salarié arguait que le Code du travail impose uniquement l’envoi à l’employeur de l’avis médical. Or celui-ci avait lui bien été communiqué, par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle n’avait d’ailleurs pas été réclamée. Peu importe, juge la Cour de cassation : pour être opposable à l’employeur, la visite de reprise sollicitée par le salarié doit avoir été portée, au préalable, à sa connaissance. La prise d'acte de la rupture produit ainsi, dans cette affaire, les effets d'une démission.

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