Jurisprudence

Jurisprudence « santé-sécurité »: trois solutions commentées

Décryptage de trois arrêts rendus dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

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Palais de justice

Accident du travail

Responsabilité de la personne morale en cas de subdélégation de pouvoirs

Sur un chantier du BTP dont une société assure le gros-oeuvre, un ouvrier se blesse en chutant à travers une trémie pratiquée dans un plancher. Une plaque de contreplaqué posée au sol occultait l'orifice, mais n’y étant pas fixée, l’ouvrier avait pu la déplacer avant de tomber.

Au cours de l’enquête, le chef de chantier représentant la société en vertu d'une subdélégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité reconnaît que contrairement aux prescriptions du Code du travail, l’orifice aurait dû être soit clôturé, soit obturé par un plancher provisoire jointif et convenablement fixé.

Question : Dans ces conditions, la société de construction pouvait-elle être mise en cause devant le juge pénal ?

Réponse : Oui. La société pouvait être déclarée coupable pour ne pas avoir suffisamment protégé cette trémie, ce manquement particulier à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ayant directement contribué à la réalisation du dommage. Cette faute imputable au chef de chantier titulaire d’une subdélégation régulière engageait la responsabilité de la personne morale (Cass. soc., 11 juin 2014, n° 13-85601).

Commentaire : Encore un arrêt qui privilégie la mise en cause de la responsabilité pénale de la personne morale employeur. En l’espèce, seule la société a été condamnée pour blessures involontaires, la subdélégation du chef de chantier ayant permis de vérifier qu’il existait bien un représentant de la société pouvant engager sa responsabilité.

Temps de travail

Ne pas prendre en compte le temps de déplacement professionnel dans le calcul du salaire relève du travail dissimulé

Le procès-verbal d’un inspecteur du travail, établi à la suite d’un contrôle effectué au sein d’une société, fait apparaître que le gérant ne prend pas en compte, dans le calcul du salaire de certains salariés, les temps de déplacement pour se rendre du domicile d'un client à un autre, au cours d'une même journée de travail.

Question : Ces temps de déplacement devaient-il être pris en compte pour calculer le salaire ?

Réponse : Oui, car le temps de déplacement professionnel entre le domicile d'un client et celui d'un autre client, au cours d'une même journée, constitue un temps de travail effectif et non un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l'autorité du chef d'entreprise. Le gérant devait donc être jugé coupable de travail dissimulé, l’intention coupable se déduisant de son refus persistant de se soumettre à la législation en vigueur malgré deux rappels de l'administration du travail (Cass. soc., 2 septembre 2014, n° 13-80665).

Commentaire : Cette décision vaut bien entendu pour les déplacements entre l’entreprise et un chantier et vice versa, ou entre deux chantiers. Ce temps de déplacement doit ainsi être qualifié de temps de travail effectif, et être rémunéré et décompté comme tel, à la différence du temps de trajet entre le domicile du salarié et l’entreprise ou le premier lieu de travail quotidien. A défaut, l’employeur peut, comme dans cette affaire, être jugé coupable d’avoir commis l’infraction de travail dissimulé.

Accident du travail

Etendue du droit de l’employeur à la communication du dossier par la caisse

Un  salarié d’une société d’intérim est victime, le 29 mars 2010, d'un accident lors d’une mission. Celui-ci est déclaré sans réserves par l'employeur auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

Par la suite, la société d’intérim demande à la CPAM la communication des pièces du dossier. Cette demande reste sans réponse alors que la Caisse décide, le 15 avril 2010, de prendre l’accident en charge au titre de la législation professionnelle sans instruction complémentaire.

Question : L'absence de réponse de la CPAM caractérise-t-elle une violation du principe du contradictoire ? Sa décision de prise en charge devait-elle être déclarée inopposable à la société d’intérim ?

Réponse : Non. La loi dispose en effet que le dossier constitué par la CPAM peut (et non doit) être communiqué, à sa demande, à l'employeur. Il s'agit donc d'une simple faculté et non d'une obligation. Le défaut d'envoi de copie des pièces à l'employeur, qui n'avait par ailleurs formulé aucune réserve sur le caractère professionnel de l'accident, ne pouvait donc pas entraîner l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge (Cass. soc., 10 juillet 2014, n° 13-20820).

Commentaire : Selon le Code de la sécurité sociale, l’obligation d’information de la CPAM ne s’impose que lorsque la Caisse procède à une enquête ou à l’envoi d’un questionnaire. Mais même en ce cas, il est largement conseillé d’émettre des réserves si les circonstances de l’accident créent un doute sur son caractère professionnel.

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