Jurisprudence « santé-sécurité »: trois solutions commentées

Décryptage de trois arrêts rendus dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

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Palais de justice

Longue maladie

Licenciement : le remplacement définitif doit être nécessaire

Une assistante de direction est en arrêt de travail pour maladie à de nombreuses reprises à compter de janvier 2009. Pour pallier cette absence, l'employeur recourt à un CDD pour remplacer la salariée dans ses fonctions d'accueil, et répartit ses tâches administratives ses deux collègues. L’intéressée est néanmoins licenciée le 21 septembre 2009. Motif : son absence perturbait le bon fonctionnement de l’entreprise, ce qui entraînait la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Le 16 novembre suivant, l’employeur recrute une salariée en CDI pour la remplacer

Question : Le licenciement était-il fondé ?

Réponse : Non. La nécessité de remplacer définitivement la salariée absente n’était pas établie par l'employeur qui était en mesure de la remplacer provisoirement jusqu'à son retour (Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-11533).

Commentaire : Le licenciement d’un salarié pour absences répétés ou prolongées n’est possible que si les absences perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise, et si l’employeur démontre la nécessité de remplacer le salarié de façon définitive.

Pour se prononcer sur la légitimité du licenciement, les juges se placent à la date du licenciement. La jurisprudence exige, à cet égard, que la rupture du contrat de travail et le remplacement soient concomitants, ou à tout le moins espacés par des délais proches. Dans cette affaire, le délai de deux mois entre le licenciement et le remplacement a ainsi été jugé « particulièrement long ». Mais la Cour fonde avant tout sa décision sur l’absence de nécessité du licenciement : l’employeur aurait pu pérenniser l’organisation provisoire ainsi mise en place jusqu’au retour de l’intéressée.

Santé au travail

Amiante : le salarié n’a pas à démontrer le préjudice d’anxiété

Un salarié admis, entre 2001 et 2008 au régime de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), et accompagné dans sa démarche par 22 autres anciens salariés d’une société, saisit la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice économique, d'un préjudice d'anxiété et d'un préjudice lié au bouleversement dans ses conditions d'existence.

Question : Le salarié a-t-il droit à la réparation de ce préjudice ?

Réponse : Oui, le salarié ayant travaillé dans l'un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante se trouve, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante (Cass. soc., 2 avril 2014, n° 12-29825).

Commentaire : Pour refuser à l’intéressé l’indemnisation du préjudice d’anxiété, les premiers juge avaient considéré que celui-ci (comme ses collègues) ne versait ni document objectif ni témoignage de tiers, et qu’il n'apportait pas d'élément sur un changement de ses conditions d'existence.

A tort selon la Cour de cassation : le préjudice d’anxiété est nécessairement constitué du seul fait de l’exposition, qu’il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers. Le salarié n’a donc pas à démontrer la réalité de l’anxiété ressentie.

Accidents du travail

Formations des intérimaires aux risques particuliers

Un salarié intérimaire est mis à la disposition d’une société de Travaux Publics (l'entreprise utilisatrice) en qualité d'ouvrier électricien afin d'installer des illuminations de Noël. Il est victime d'un malaise pendant la pause déjeuner. Cet accident est pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (la CPAM) au titre de la législation professionnelle. Puis le salarié saisit une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur pour obtenir des dommages intérêts en réparation de son dommage.

Il estime que son poste de travail présentait des risques particuliers pour les intérimaires, et qu’il aurait dû être identifié comme tel par l’employeur. L’entreprise utilisatrice aurait de surcroît dû lui fournir des vêtements le mettant à l'abri de la pluie et du froid, et il lui appartenait de prévoir des temps de pause adaptés aux conditions de travail de l’hiver.

Question : Dans ces conditions, la faute inexcusable de l’employeur est-elle être présumée ?

Réponse : Non. En effet, la tâche confiée à l’intérimaire ne nécessitait aucune formation particulière, et ses conditions de travail le 2 décembre 2007 au matin respectaient la norme attendue sur un chantier extérieur du BTP au début d'un mois de décembre. Enfin, l'intéressé disposait d'une base-vie chauffée composée d'un vestiaire, ainsi que d'une salle de réfectoire qui lui étaient accessibles à tout moment (Cass. civ., 2ème ch., 23 janvier 2014, n° 12-29159).

Commentaire : Les travailleurs temporaires, souvent exposés à des risques d’accident, doivent bénéficier d’une formation à la sécurité renforcée, d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise où ils sont occupés. A défaut, en cas d’accident, l’employeur est présumé avoir commis une faute inexcusable. Encore faut-il pour cela que les travaux qui leurs sont confiés soient effectivement à risque. Ce n’était pas le cas dans cette affaire selon la Cour.

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