"La politique du logement ultramarine a besoin d’un nouveau souffle." Cette affirmation de la ministre des outre-mer, Annick Girardin, n’a pu que remporter l’adhésion des acteurs et élus des différents territoires ultramarins présents dans la salle à l’occasion du lancement de la Conférence logement outre-mer, jeudi 31 janvier 2019. Cette consultation doit permettre, après les Assises des outre-mer et le Livre bleu publié en juin 2018, de faire remonter des propositions des territoires pour définir un nouveau plan logement pour les années 2019-2022. Un effort nécessaire, estime la ministre, tant la politique publique en la matière "n’a pas été à la hauteur des enjeux" jusque-là.
"Il faut dépasser la seule logique quantitative et nous adapter à de nouveaux besoins", explique Annick Girardin qui cite l’accès au logement des seniors et des plus fragiles, la gestion de la demande de logement social, la simplification des normes, la prise en compte de la diversité des territoires ultramarins et celle des risques naturels… Pour avancer sur les sept principes directeurs fixés par son administration (1), la ministre en appelle désormais à la "coalition des acteurs nationaux et locaux". "C’est tout l’esprit du Livre bleu et des consultations auprès de la population", affirme-t-elle.
Coûts de construction supérieurs de 20% à la métropole
Les élus et acteurs présents dans la salle n’ont pas manqué d’allonger la liste des adaptations nécessaires ou des réflexions à mener lors de leurs nombreuses interventions. Sabrina Mathiot, directrice de l’USH outre-mer, met notamment en avant les coûts de construction – estimés 20 % supérieurs à ceux de la métropole par la Caisse des dépôts, rappelle-t-elle –, notamment dus aux coûts des matériaux et à la "difficulté à mobiliser du foncier".
Autre problématique soulevée : la nécessité prochaine de réhabiliter un parc social encore jeune mais qui connaît déjà des problèmes du fait des conditions climatiques extrêmes auxquelles il est confronté. Selon une parlementaire de La Réunion, le phénomène pourrait concerner la moitié du parc social ancien ultramarin, ce qui pose, selon elle, la question de la création d’une nouvelle aide spécifique de l’État mais aussi de l’émergence de filières professionnelles dédiées à sa réhabilitation.
La question des APL accession, supprimées dans le neuf par la loi de finances initiale pour 2018 et rétablie de manière transitoire en 2019, est également revenue maintes fois dans les prises de parole des élus qui souhaitent voir le dispositif installé de manière définitive. Pour Julien Denormandie, "il faut aller plus loin" sur ce sujet de l’accession à la propriété et "réinventer un système pérenne". Une mission est en cours au sein des deux ministères sur le sujet et devrait rendre ses conclusions fin mars, a indiqué le ministre du Logement, qui compte également sur la conférence logement pour faire émerger de nouvelles idées de l’ensemble des acteurs (bailleurs sociaux, investisseurs, promoteurs…) sur ce thème.
« Réflexion spécifique à chaque territoire »
"Nous avons réussi à lancer, sur les territoires, un certain nombre de dynamiques", estime de son côté Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, qui énumère les initiatives mises en place ou en passe de l’être : le "permis d’expérimenter (2), le plan Action cœur de ville qui concerne 13 villes ultramarines et les opérations de revitalisation de territoires prévues par la loi Elan, le NPNRU qui concerne 14 territoires, les projets partenariaux d’aménagement (3) et la création en Guyane et à Mayotte d’établissements publics fonciers d’aménagement qui pourraient servir d’exemple pour d’autres collectivités. Sur le sujet du foncier, le ministre cite encore l’exonération fiscale pour les cessions effectuées avant 2020, la dissociation du foncier du bâti et le renforcement des OFS par la loi Elan, la création de l’outil de vente HLM qui doit "fluidifier l’accession sociale" et qui devrait être lancé le 18 février…
"Il est nécessaire de mener une réflexion spécifique à chaque territoire", estime Étienne Desplanques, sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des Outre-mer qui souligne l’évolution démographique différenciée dans ces collectivités. Est-il nécessaire de construire toujours plus en Martinique alors que la population a tendance à diminuer ? s’interroge-t-il. De la même façon, "on a beaucoup construit de logements sociaux à Cayenne en Guyane alors qu’aujourd’hui les besoins sont plutôt en logements très sociaux et à Saint-Laurent-du-Maroni", poursuit-il. "Maintenant, l’enjeu est de faire dans la dentelle", conclut Julien Denormandie.
Pour cela, quatre ateliers-bilans du plan logement Outre-mer (2015-2020) seront organisés du 8 au 13 février à Paris avec les partenaires historiques (4) puis du 15 février au 25 mars dans les territoires. Une nouvelle série d’ateliers nationaux est prévue en avril 2019 pour lister les problèmes concrets et construire les grands axes du plan 2019-2022, sur la base d’une synthèse des réunions précédentes effectuée par la DGOM. La restitution globale des travaux et la présentation du plan par les ministres sont prévues pour juin 2019.
L’Outre-mer concerné par les sept axes du Plan Action Logement
Présents pour le lancement de la Conférence logement 2019, Bruno Arcadipane, président (Medef) d’Action logement, et Jean-Baptiste Dolci (FO), son vice-président, ont tenu à rappeler que les territoires ultramarins sont bien concernés par les sept axes du plan d’investissement volontaire présenté le 10 janvier par l’organisme paritaire, au-delà de l’axe spécifique outre-mer, qui flèche 1,5 milliard d’euros vers ces territoires.
"Ce plan sera déployé de "manière rapide et efficace en s’appuyant sur les directions régionales spécifiques", a ajouté Bruno Arcadipane. Une mission spécifique a été créée, lors du conseil d’administration d’Action logement qui s’est tenu mercredi 30 janvier, pour "faire remonter les besoins en financement des territoires". Elle sera menée par Ibrahima Dia (CFDT) et Bernard Coloos (Medef) qui devraient rendre leurs conclusions "d’ici l’été".