"Je ne vois aucune décision forte en faveur du BTP", Michel Gostoli, président d'EGF-BTP

Les Rencontres de la construction, organisées par EGF-BTP (Entreprises générales de France), se tiennent le 12?décembre à Paris. Malgré la crise, son président, Michel Gostoli, a des idées pour valoriser le mieux-disant, baisser les prix, construire plus vite, recruter… Il les livre pour lemoniteur.fr.

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Michel Gostoli, président d'EGF.BTP

Comment se portent les entreprises générales dans la conjoncture actuelle??

Du côté des travaux publics, les perspectives s’éclairciront si des décisions sont prises sur le Grand Paris, sur le plan de relance autoroutier, sur les grands projets (Lyon-Turin et canal Seine Nord)… Dans le bâtiment, les carnets de commandes sont plutôt solides même si les grands projets d’équipement du pays (hôpitaux, prisons, justice) sont derrière nous. Malheureusement, les prix continuent de baisser. Les entreprises sont responsables puisqu’elles font leurs prix. Mais aussi les maîtres d’ouvrage qui optent très souvent pour le moins-disant, porte ouverte à n’importe quoi. On voit des écarts de prix de 25?% entre les offres rendues. Choisir le mieux-disant est le plus créateur de valeur ajoutée pour le maître d’ouvrage, son projet et l’entreprise. La conception-construction en est une belle illustration.

Etes-vous inquiet pour le bâtiment??

Oui, en particulier pour le logement privé et le non résidentiel. Le dispositif Duflot balbutie. Le logement en promotion terminera l’année correctement grâce aux Vefa aux bailleurs sociaux, lesquels sont à peu près les seuls à assurer un bon niveau d’activité aux entreprises. Quant aux prix de l’accession, je n’ai pas changé d’avis depuis un an, ils sont trop élevés. Pour les faire baisser, il faudrait avoir une véritable politique foncière. Malheureusement on en est loin du côté des cessions de foncier public. La concurrence reste rude et, contrairement aux annonces faites, les vendeurs – service des domaines, SEM… – font monter les enchères. Je note toutefois qu’on arrive à lancer des projets avec des prix de sortie plafonnés dans certaines communes, qui jouent le jeu en cédant des terrains à un prix raisonnable.

Voyez-vous d’autres pistes d’amélioration??

Pourquoi ne pas baisser globalement le taux de TVA sur le logement, qui est le plus élevé d’Europe. Mieux vaut construire du logement et engendrer des recettes fiscales et sociales que ne rien faire. En parallèle, il faut continuer à essayer de construire moins cher et débloquer les opérations plus rapidement. Nous allons suggérer à la ministre du Logement de nous aider à promouvoir deux procédures contractuelles qui permettent, avec l’appui des collectivités locales, de répondre à ces deux objectifs.

Quelles sont ces nouvelles procédures??

Premièrement, le bail emphytéotique logement attribué en conception-construction?: lorsque le terrain – public ou privé – est identifié et aménagé, le PLU opérationnel, l’aménageur choisit un lauréat parmi les groupements de concepteurs-constructeurs-bailleurs ou promoteurs-architectes-entreprises sur la base du meilleur projet architectural chiffré, comprenant un montant de loyer pour le bail, un prix de vente et un loyer de sortie pour les logements en accession.

Deuxièmement, le contrat de partenaire opérateur (CPO)?: dans ce cas, le terrain est identifié mais non aménagé?; une phase d’études permet alors d’élaborer un projet urbanistique et de définir, en lien avec le propriétaire du terrain et la ville, une valorisation foncière, éventuellement une modification des documents d’urbanisme pour aboutir au lancement des permis d’aménager et de construire. La particularité du CPO est de tenir des délais courts, la phase d’études ne devant pas dépasser six mois.

Le marché de la rénovation énergétique est-il à la hauteur de vos espérances??

La rénovation énergétique recèle un énorme potentiel d’activité. Des intentions ont été formulées voire traduites dans des textes. Je pense à la signature du pacte de rénovation tertiaire en attendant le décret sur l’obligation de rénovation, aux dispositifs facilitant la rénovation en copropriété. Mais la grande déception vient du manque de dynamisme du secteur public pour son propre patrimoine, qui aurait valeur d’exemple.

Globalement, voyez-vous des éléments de fond qui soient porteurs pour le secteur??

Voilà dix-huit mois que l’on réfléchit, que l’on discute, que l’on vote des textes. Mais sincèrement, je ne vois aucune prise de décision forte pour notre industrie. Pourtant, les entreprises du secteur mobilisent énormément d’emplois. Et peuvent être un booster pour soutenir la croissance du pays. J’appelle donc l’Etat à se mobiliser.

Comment analysez-vous le coup de frein enregistré cette année en matière de PPP (25?opérations pour 2?milliards d’euros, contre 41?projets et 5,6?milliards en 2012, selon la Mappp)??

Ce coup de frein, concomitant à l’arrivée d’une nouvelle majorité, est indéniable. Mais le gouvernement, principe de réalisme oblige, abandonne des positions qui pouvaient paraître dogmatiques. EGF-BTP va d’ailleurs ouvrir un site Internet pour faire témoigner des maîtres d’ouvrage qui ont recouru à ce schéma contractuel et mettre en avant de remarquables réussites dont on ne parle pas assez. Ce mode de dévolution n’est certainement pas valable pour tous types de projets. Il en est un parmi d’autres mais il aura quand même permis de réaliser 17?milliards d’euros d’équipements en dix ans, dont 75?% lancés par les collectivités locales.

Les entreprises générales se sont mises d’accord sur un Pacte social et sociétal en juin. Où en êtes-vous??

Ce pacte social et sociétal adopté à l’unanimité de nos adhérents est un engagement fort que nous diffusons auprès de nos entreprises et de l’ensemble de nos partenaires. Même si nous avons déjà réalisé un gros travail en matière sociale, que ce soit en termes de maintien de l’emploi, de formation, de rémunération, nous avons souhaité aller encore plus loin, définir et afficher de nouveaux engagements, qu’à activité égale, nous sommes prêts à prendre.

Quels engagements concrets prenez-vous??

Nous formulons cinq engagements forts, chiffrés, que nos entreprises générales mettront en œuvre à court terme et qui sont autant d’arguments que nous offrons aux maîtres d’ouvrage pour choisir nos entreprises dans le cadre du mieux-disant. C’est un véritable «?new deal?» que nous proposons à nos clients?: associer étroitement leurs partenaires sous-traitants à leurs démarches de progrès social (santé et sécurité)?; recruter 13?500?nouveaux collaborateurs au total en?2013 et?2014, dont 7?000?jeunes de moins de 30?ans et 85?% en CDI?; accentuer l’effort de formation pour y consacrer 4?% de la masse salariale, contre 1,6?% prévu par la loi?; demander systématiquement aux clients maîtres d’ouvrage, publics et privés, d’inscrire dans leurs cahiers des charges une clause d’insertion portant sur 5?% des heures travaillées?; et enfin mettre en place un système de badge systématique pour tous les intervenants de leurs chantiers.

Pourquoi est-ce si difficile de mettre en place un système de badges sur les chantiers ?

De gros progrès ont été faits depuis 10 ans. Mais paradoxalement davantage sur les gros chantiers que sur les petits. Sans doute parce qu’ils sont installés pour de longues durées, et qu’il est alors plus facile de les sécuriser. Nous envisagions au départ de pouvoir recourir aux caisses de congés payés ou à l’Urssaf, mais divers problèmes techniques (gestion, informatique) rendent, suivant les caisses, cette option difficile. Nos entreprises sont déterminées à tout mettre en œuvre pour parvenir à faire la chasse à ce qu’il subsiste de travail illégal sur ces chantiers.

Quelle est votre position sur le détachement de travailleurs étrangers??

On ne peut pas empêcher la libre circulation. Le seul moyen valable pour faire respecter la réglementation était de multiplier les contrôles. Parallèlement, les maîtres d’ouvrage sont responsables des chantiers qu’ils lancent. Ils ne doivent pas faire semblant de ne pas voir ce qui se passe. Les entreprises aussi doivent prendre leurs responsabilités et afficher leur volonté d’apporter une réponse globale tous corps d’Etat avec des ouvriers polyvalents et formés, afin de livrer un ouvrage de qualité au prix convenu. L’accord annoncé par les ministres européens le 9?décembre (voir notre article en cliquant ici), qui doit être adopté par le Parlement européen, va dans ce sens. Les documents qui pourront être contrôlés seront, je pense, suffisamment nombreux pour que les fraudes régressent.

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