« Je ne sais pas mieux trier maintenant que la REP est entrée en phase opérationnelle, que la semaine précédente », Philippe Benquet (Acorus)

Le président du groupe Acorus, spécialisé dans les travaux de rénovation énergétique, s'étonne du décalage entre la collecte de l’éco-contribution et la réalité du maillage des points de collecte des déchets du bâtiment.

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Philippe Benquet, président d'Acorus.

Etes-vous prêts pour l'entrée en phase opérationnelle de la REP ?

C’est l’arlésienne cette REP. Les reports se sont multipliés mais il semble que cette fois elle est bel et bien entrée en vigueur. Mais comme me disait un dirigeant de l’un des éco-organismes la semaine précédente : vous verrez ça sur vos factures à partir du 1er mai. Et  c’est effectivement tout ce qu’on va voir. C’est pour cela d'ailleurs que nous n’avons pas particulièrement préparé nos équipes. En réalité, on ne peut rien faire de nouveau. Le décret stipulait par exemple la mise en place « au plus tard fin avril » d’un site internet permettant de trouver les points de collecte pour la reprise gratuite des déchets. J’ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé ce site (NDLR il a été lancé le 2 mai, après la réalisation de cet entretien : oca-batiment.org) . Si vous allez sur le site de Valobat, le plus gros éco-organisme, tout ce que vous trouvez c’est le contrat de producteur de déchets qui vous permettra un jour peut-être, si vous rentrez dans les cases, d’être identifié avec un code sur vos chantiers à plus de 50 m3 de déchets pour bénéficier de la reprise gratuite. Tout cela reste ultra-théorique. Voilà les raisons pour lesquelles je n’ai pas su former mes équipes ni les préparer spécialement, si ça n’a été de se dire « plus on saura trier les déchets moins cela nous coutera cher un jour ». Un jour dont on ne sait pas très bien quand il arrivera...Ce travail de tri existe en réalité depuis longtemps et rien n’a changé d’une semaine sur l’autre. Je ne sais pas mieux trier, maintenant que la REP est entrée en phase opérationnelle, que la semaine précédente. Par exemple personne n’a résolu les problèmes de place pour trier mieux…

Partenaire de Cycle Up, vous êtes tout de même sensibilisé et en avance sur ces questions de tri non ?

Nous travaillons évidemment depuis des années sur le tri des déchets. Nous menons des opérations pilotes de tri, des chantiers zéro carbone ou le tri est clé. Nous travaillons, soit chez nous soit sur chantier, sur du pré-tri, du retour, de la gestion d’emballages... Ce travail, oui, nous le faisons tous les jours. La seule chose qui change avec l’entrée en phase opérationnelle, c’est une facture supplémentaire. Je n’ai aucun nouvel endroit ou aucune nouvelle façon de faire, générés par les filières et financés grâce à l’éco-contribution.

Par ailleurs, si nous avons pris une participation dans Cycle Up, c’est dans cet esprit de travailler sur la gestion des déchets de chantier, et nous espérons qu’avec la REP les filières de réemploi se développeront. Mais rien n’a été signé avec les éco-organismes…

On comprend que le renforcement des obligations de tri va complexifier les chantiers…

J’ai un responsable RSE, déchets, environnement, qui m’a dit : « Cette année je vais vraiment travailler sur les déchets ».  Mais chez Veolia, il y a 20 ans, on travaillait déjà sur les déchets de chantier. Et j’ai l’impression qu’on en est à peu près au même niveau ! Sur un chantier, soit il y a de la place – c’était le cas sur un récent chantier pour Disney où il y a avait une véritable déchèterie sur le chantier et les flux étaient triés sans problème – soit il n’y en a pas : si vous faîtes un chantier dans Paris, il n’y a rien de tout ça ! Vous avez à peine le droit de mettre un échafaudage sur le trottoir…

La phase de préparation aurait pu être l’occasion pour les éco-organismes de générer de vraies évolutions là-dessus. Nous avons testé par exemple deux ou trois start-up qui font de la collecte en big bags, ça fait de toutes petites déchèteries de chantier, vous pouvez faire trois, quatre flux et les faire enlever par de petits camions. Mais ça reste artisanal.

Est-ce que ces incertitudes ne sont pas en réalité normales ?

La création d’une filière REP c’est effectivement toujours long. J’espère que la REP PMCB sera à la hauteur de ses ambitions. Mais j’ai l’impression qu’il y a quand même un déséquilibre entre l’obligation qui pèse sur le producteur et celle qui pèse sur celui qui gère les déchets sur son chantier. Celui-là paye tout de suite alors que les textes annoncent une mise en place progressive de la filière… Je vous donne un exemple : nous venons d’ouvrir un hub logistique aux portes de Paris. Je suis allé en parler avec un eco-organisme qui m’a confirmé que ce hub pourra accueillir des points de collecte afin de bénéficier de l’enlèvement gratuit. J’ai dit « super on commence quand ? ». On m’a répondu en insistant sur le futur « on pourra ».

Je suis très favorable à cette REP c’est d’ailleurs pour ça que nous investissons dans le réemploi, que nous testons des schémas de collecte et logistiques en mobilité douce et en circuit court. Mais j’avais compris que c’était aussi aux éco-organismes de travailler là-dessus…

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