IUT Génie civil Une filière plébiscitée par les entreprises

Les IUT forment, en deux ans, des techniciens opérationnels. Le génie civil est représenté dans 19 départements. En prise directe avec le monde professionnel, la formation se veut généraliste. A la sortie, les jeunes diplômés travaillent aussi bien sur chantier qu'en bureau d'études. Le diplôme universitaire de technologie permet également une poursuite d'études.

Ils existent depuis plus de trente ans et reçoivent un accueil favorable de la part des professionnels. Les instituts universitaires de technologie (IUT) préparent en deux ans des bacheliers à occuper des postes de techniciens. Autrefois réputés pour leur forte sélection, les bac + 2, notamment dans les disciplines techniques, souffrent d'une désaffection des jeunes. Depuis quatre ans, l'ensemble des départements génie civil a vu le nombre de dossiers de candidature chuté.

Le département génie civil de l'IUT de Bordeaux 1 n'échappe pas à la règle : 1 000 dossiers de demandes d'inscription en 1993, 500 aujourd'hui. L'image d'une profession qui se plaint souvent, la concurrence des filières BTS, les salaires proposés toujours inférieurs à 8 000 francs bruts par mois sont autant de raisons avancées par Michel Mandouze, chef du département génie civil : « Je crois que nous devons aussi mieux expliquer notre filière qui ne parle pas spontanément à des jeunes entrant dans le second cycle, voire à leurs parents », explique-t-il.

Pour enrayer cette hémorragie, les chefs de départements se mobilisent pour faire connaître leur formation. « Nous envoyons nos étudiants dans les lycées professionnels car le message passe mieux. Nos étudiants sont nos meilleurs commerciaux », indique Daniel Ammeux, chef du département génie civil de l'IUT de Béthune.

Patrick Pierson, chef de département à Grenoble, mise sur « la motivation des jeunes dès le collège. Nous allons de plus en plus voir des élèves des classes de première pour leur parler de notre discipline ». Participation dans les forums, création de CD-Rom, portes ouvertes, tous multiplient les actions. Depuis cette année, la baisse semble se stabiliser et certains établissements enregistrent même une hausse des candidatures. Cette situation a entraîné une baisse du niveau des étudiants sélectionnés. « Le choix d'un dossier, explique Jean-Pierre Sceaux, de l'IUT du Havre, se fait par élimination des dossiers les plus faibles. Le niveau de candidature est tel que le niveau de sélection est quasi symbolique ». Constat à tempérer par le fait que la grande majorité des étudiants entrant en génie civil sont issus des bacs scientifiques.

Répartie sur deux années, la formation compte 1 800 heures de cours. Sont enseignées des disciplines technologiques liées à la construction, scientifiques et quelques matières générales comme le français et l'anglais.

Une formation qui allie théorie et pratique

En deuxième année, les étudiants choisissent de se spécialiser en bâtiment, en travaux publics ou en génie climatique.

Certains établissements proposent cette formation par la voie de l'apprentissage. C'est le cas à Béthune et Bordeaux. Ce dernier s'est lancé dans l'apprentissage en 1997. Sept étudiants de la première promotion de 13 apprentis sont sur le point d'entrer sur le marché du travail. Pendant deux années, ils ont suivi, en moyenne, 4 semaines de cours à l'IUT et 4 semaines de formation en entreprises. Le profil des étudiants : 20 à 22 ans, plus mûrs que les bacheliers et ayant déjà suivi quelques années d'études à l'université. « Ils sont plus motivés, savent pourquoi ils ont choisi la formule qui ne leur laisse que 5 semaines de congés annuels. La sélection au départ est la même, les entreprises comprennent que ces jeunes sont en formation et les professeurs admettent qu'ils peuvent bénéficier d'un contrôle des connaissances plus adapté dans le temps bien qu'au final ils obtiennent le même diplôme que les autres », assure Michel Mandouze.

Un ancrage direct avec le monde professionnel

Pour ces étudiants ayant optés pour l'apprentissage, le taux de réussite et l'insertion s'avèrent meilleurs que par la voie classique. Eric Lamère, diplômé en 1998 de l'IUT de Béthune a suivi ce cursus. « Le P-dg de Préventec, bureau de contrôle, m'a demandé de rester dans l'entreprise le jour de ma soutenance », se rappelle-t-il. Entre la première et la deuxième année, 10 à 20 % des effectifs ne passent pas. « Entre les redoublements, les abandons et les exclusions, ce taux est constant chaque année. Il est essentiellement le résultat d'un manque de travail personnel ou lié au manque d'intérêt du génie civil. On essaye de réorienter les étudiants qui peinent dès le mois de mars dans d'autres filières », explique Didier Duhem, chef de département de l'IUT d'Egletons.

Pour « récupérer » ces étudiants quelques départements ont mis en place un système de semestrialisation. A Lyon, sur 150 étudiants qui démarrent le premier semestre, 100 passent dans le second semestre. Exceptés ceux qui sont réorientés, les autres peuvent redoubler ou bénéficier d'une remise à niveau dans des matières de base. « Ce système permet aux étudiants de ne pas perdre une année complète », illustre Christian Coulet, chef du département à l'IUT de Lyon.

A côté des enseignements théoriques, la formation prévoit dix semaines de stage au minimum. La plupart des établissements proposent un stage de quatre semaines en fin de première année et de six semaines en deuxième année.

Certains préfèrent cumuler les deux pour effectuer un stage longue durée entre les deux années de cours. « Nous avons opté pour cette formule car les entreprises semblent préférer intégrer des étudiants sur une période plus longue. D'un point de vue pratique, c'est plus simple de trouver un stage plutôt que deux », souligne Eric Gervreau de l'IUT de Cergy-Pontoise.

L'implication des professionnels dans cette formation ne se limite pas à l'intégration de stagiaires. Environ 20 % des enseignements sont dispensés par eux. Christian De Bray, directeur d'agence Colas à Amiens, assure des cours dans les deux sections. « En première année, je donne un cours magistral sur la découverte des métiers de la route et en deuxième année, j'assure un TD en études de prix », annonce-t-il. Bien que contraignant, cet engagement lui permet de « garder le contact avec la jeune génération. C'est également un bon moyen d'estimer, pour les recrutements futurs, la qualité des étudiants. »

Une insertion rapide des jeunes diplômés

Pour ceux qui choisissent de travailler après l'obtention de leur diplôme, l'insertion en entreprise se fait dans une période comprise entre trois et six mois. « Même dans les périodes les plus difficiles, nos étudiants ont trouvé du travail », insiste Bernard Crosnier, de l'IUT de Nîmes.

Charles-Henri Détriché, chef de département à Toulouse le confirme : « Je ne connais pas d'anciens qui ne travaillent pas. » Antoine Quesnel, diplômé en 1994 de l'IUT du Havre a trouvé du travail avant même sa sortie de l'Armée. Avec la reprise d'activité, les offres d'emplois affluent. Formation généraliste oblige, les débouchés sont divers. On retrouve autant de jeunes dans la branche travaux qu'en bureau d'études. Yannick Hélias, sorti de l'IUT de Rennes en 1990, travaille chez Ouest métal service, entreprise de cinquante personnes spécialisée en construction métallique. « Je suis entré comme dessinateur projeteur. Trois ans plus tard, je suis passé responsable du bureau d'études », indique-t-il. Au niveau de la production, les jeunes titulaires d'un DUT sont embauchés comme chef de chantier. « Nos étudiants s'insèrent plus vite dans les travaux même s'ils préféreraient travailler en bureau d'études. Ils débutent comme aide chef de chantier, puis passent chef de chantier. Le passage à la fonction de conducteur de travaux est de plus en plus difficile », note Eric Gervreau.

Didier Duhem sensibilise ces étudiants pendant l'année. « Dans nos cours d'organisation de chantier, nous insistons sur le fait qu'ils occuperont le poste de chef de chantier à la sortie ». Cette situation correspond à une forte demande des entreprises. Pour Dominique Gaudin, directeur adjoint de SAC Rhône, « les jeunes d'IUT sont plutôt formés pour être chef de chantier. Quand ils sortent, ils sont jeunes. Pour les postes de conducteur de travaux, ils sont en concurrence directe avec les jeunes ingénieurs » souligne-t-il.

Un niveau de poursuite d'études toujours plus important

Le manque de maturité reste certainement la première explication au fort taux de poursuite d'études enregistré dans l'ensemble des départements. Plus de la moitié des diplômés choisissent de continuer leurs études plutôt que d'entrer sur le marché du travail. Et Thierry Langlet de souligner, « cette année, nous avons des étudiants qui n'ont pas le niveau pour poursuivre. Malgré un avis défavorable de notre part, ils déposent quand même des dossiers plutôt que de chercher du travail. »

Si les meilleurs étudiants entrent en écoles d'ingénieurs, la plupart d'entre-eux s'orientent vers des études courtes. « Un tiers de nos étudiants, qui poursuivent vers des études qualifiantes, ont repris confiance en eux grâce à l'IUT. Les autres se sentent jeunes et désirent acquérir un complément de formation », explique Jean-Pierre Sceaux de l'IUT du Havre. Les IUT sont nombreux à offrir ces années complémentaires. La formation en « maîtrise de projet » du département génie civil de l'IUT de Strasbourg sud a constitué sa principale innovation pédagogique de ces dernières années.

Ouverte chaque année à 25 titulaires du DUT de génie civil ou d'une formation équivalente, cette formation d'un an, dont 8 mois en entreprise, leur offre la chance d'une insertion progressive, dans le cadre d'une pédagogie entièrement assurée par des professionnels et sanctionnée par un diplôme d'université. « Nous n'avions pas eu le temps d'aborder le droit de la construction et la gestion des chantiers pendant notre DUT. Cette formation complémentaire nous offre l'occasion de combler une lacune tout en profitant de l'expérience des autres », confirme Delphine Blondel, 20 ans. « En sortie de BTS, les recruteurs nous demandent souvent une expérience professionnelle. L'année complémentaire nous permet de répondre à cette demande », poursuit Ludovic Chairtrier, 22ans, qui a réalisé son stage dans l'entreprise régionale de gros oeuvre, Schwob.

Pour Philippe Rollet, diplômé de l'IUT de Reims en 1990, la troisième année en « Administration des entreprises de génie civil » n'était pas superflue. « Cette formation axée sur les études de prix, la comptabilité et la gestion me servent aujourd'hui pour exercer ma fonction de conducteur de travaux. » Une offre de formation qui risque d'être remise en question avec la probable naissance des licences professionnelles à la rentrée 2 000 (voir entretien).

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