En 2019, la structurante loi d'orientation des mobilités (LOM) fixait l'objectif de changer de paradigme en doublant la part modale du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains. Dans cette perspective, le président de la République annonçait, en novembre 2022, sa volonté de développer, dans les dix ans, des réseaux express régionaux métropolitains dans 10 grandes agglomérations.
Ce projet a ensuite été confirmé en février 2023 par Elisabeth Borne, alors Première ministre, par la création d'un Plan d'avenir pour les transports doté de 100 Mds € en faveur du développement ferroviaire d'ici 2040. Puis les parlementaires, par le dépôt d'une proposition de loi le 25 avril, ont décidé de fixer un cadre juridique. Après accord en commission mixte paritaire, la relative aux services express régionaux métropolitains (Serm) du 27 décembre a vu le jour.
Définition des Serm et objectifs
Le Code des transports comporte désormais une nouvelle section dédiée aux Serm. Son article L. 1215-6 les définit comme « une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s'appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire ». Autrement dit, le cœur des Serm porte sur le transport ferroviaire mais l'objectif va au-delà de simples RER métropolitains. Ces projets doivent systématiquement inclure en complément des réseaux cyclables et une offre de car express à haut niveau de service afin de desservir les territoires les plus enclavés. Ces Serm pourront aussi intégrer des services de transport fluvial, de covoiturage, d'autopartage, de transports guidés (métros, tramways), des gares et des pôles d'intermodalités.
Les objectifs poursuivis par les Serm ont été directement intégrés dans leur définition légale : amélioration de la qualité des transports du quotidien, réduction de la pollution de l'air notamment via la montée en puissance des zones à faibles émissions mobilité, lutte contre l'autosolisme (le fait de se déplacer seul dans sa voiture), désenclavement des territoires périurbains et ruraux, meilleure accessibilité notamment pour les personnes en situation de handicap, et décarbonation des mobilités.
Pour garantir l'interopérabilité des services d'information des voyageurs et de billettique, les usagers pourront se déplacer dans le périmètre d'un Serm muni d'un titre unique de transport.
Les collectivités au cœur des projets
La réalisation d'un Serm doit procéder d'une concertation entre l'Etat, la région, les départements, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et, le cas échéant, les gestionnaires d'autoroutes et de voies routières express du périmètre couvert. Par ailleurs, les maires dont le territoire est concerné par le projet de Serm doivent être informés avant son déploiement. Et, lorsque deux métropoles sont distantes de moins de 100 km, elles peuvent étudier les conditions de faisabilité et d'opportunité d'une élaboration conjointe d'un Serm.
Le ministre chargé des transports arrête le statut de Serm sur la base d'une proposition des régions et AOM qui contribuent à son financement. Cette proposition inclut un plan financier composé d'une estimation des coûts d'investissement (infrastructure et matériel roulant) et d'exploitation ainsi qu'une présentation des modalités de financement projetées. Les collectivités qui s'engagent financièrement dans les Serm occupent ainsi une place de premier plan notamment dans leur phase de création.
Afin d'encourager cette nouvelle offre, le texte prévoit la mise en place d'une tarification des péages ferroviaires spécifique pour les circulations opérées dans le cadre des Serm.
Coordination des maîtrises d'ouvrage
Enfin, la coordination entre les différents maîtres d'ouvrage devra s'opérer dans le cadre d'un groupement d'intérêt public ou toute autre structure locale de coordination. Ce groupement sera notamment chargé de veiller à la bonne articulation des interventions de ses membres, ainsi qu'au respect des coûts et du calendrier des projets d'infrastructures de transports. Pour chaque projet de Serm, une convention permettant d'assurer le suivi de la réalisation des infrastructures sera conclue entre l'entité de coordination, l'Etat, les AOM concernées et, le cas échéant, les collectivités territoriales qui ont participé au financement.
Une nouvelle SGP aux commandes
En février dernier, Elisabeth Borne indiquait déjà que la Société du Grand Paris (SGP) serait le « pilote » du grand chantier des Serm aux côtés de SNCF Réseau. Le choix a été fait de capitaliser notamment sur les compétences d'ingénierie de cette entité qui construit actuellement le métro du Grand Paris Express, plus grand projet d'infrastructure d'Europe.
Elle devient ainsi la Société des Grands Projets (SGP toujours) et, tout en conservant son statut d'établissement public, voit son périmètre d'action étendu. Avec SNCF Réseau, qui reste maître d'ouvrage sur le réseau en exploitation, elle participera à la conception, à la maîtrise d'ouvrage des infrastructures nouvelles et au financement des infrastructures des Serm. La loi, profitant de l'importante capacité d'emprunt de la SGP, prévoit que cette dernière peut emprunter jusqu'à 39 Mds €.
Simplification et accélération des projets
Des mesures sont prises en matière d'urbanisme et de commande publique. Le texte étend ainsi aux projets de Serm l'accès à la procédure intégrée de l' qui permet de simplifier considérablement les procédures administratives. Jusqu'alors, les constructions d'infrastructures de transport ne pouvaient en bénéficier. Toujours dans une perspective d'accélération, est instaurée la possibilité de recourir à une procédure d'expropriation d'extrême urgence ou encore d'arrêter la déclaration d'utilité publique en décret en Conseil d'Etat plutôt que par arrêté préfectoral, et ce afin de limiter les risques contentieux pouvant en résulter.
La loi élargit par ailleurs le champ de l' relatif aux marchés globaux sectoriels en prévoyant la possibilité, pour la nouvelle SGP, de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur tout ou partie de la conception, de la construction et de l'aménagement des infrastructures des Serm.
Des modalités de financement absentes
Le déploiement d'une dizaine de Serm implique de réaliser un investissement de 15 à 20 Mds € selon le Sénat (1), une somme devant couvrir les dépenses d'investissement et les coûts de fonctionnement. Or, la loi ne règle pas cette problématique essentielle du financement. Pour l'heure, dans le cadre des négociations des contrats de plan Etat-région (CPER), les Serm ne sont financés qu'à hauteur de 767 M€ pour cinq ans, ce qui permet selon certains parlementaires de financer tout au plus quelques études (2).
Une première réponse à cette question devrait être apportée lors de la conférence nationale de financement sur les Serm qui se tiendra d'ici le 30 juin 2024 en présence de représentants de l'Etat, des régions, des métropoles et d'associations nationales de collectivités territoriales. Ce rendez-vous vise à identifier les modèles de financement de chaque Serm et les nouvelles sources pour les AOM. Il sera aussi l'occasion pour le gouvernement de se prononcer sur son intention d'abonder en ce sens les CPER et à quelle hauteur.
Les projets déjà en cours de réalisation
Certaines collectivités n'ont pas attendu la publication de la loi pour se lancer. Peuvent notamment être cités : le Léman Express incluant la liaison ferroviaire franco-suisse Annemasse-Genève, opérationnel depuis 2019 ; le RER métropolitain de Bordeaux depuis 2018, doté depuis 2019 d'une ligne complémentaire de cars express ; le Reme de Strasbourg, en service depuis décembre 2022.
Douze autres projets d'ampleur sont en cours d'étude ou de déploiement, par exemple à Nice, Marseille, Toulouse, Nantes, Rennes ou encore Rouen.
Ce qu'il faut retenir
- La loi du 27 décembre 2023 vise à permettre la création de services express régionaux métropolitains (Serm) dans au moins 10 grandes agglomérations françaises, d'ici dix ans.
- Pour ce faire, elle apporte une définition des Serm, détermine ses objectifs et fixe ses modalités de mise en œuvre.
- La Société du Grand Paris, rebaptisée pour l'occasion Société des Grands Projets, voit son champ d'action élargi afin de faire profiter les collectivités territoriales de ses importantes capacités d'ingénierie. Toutefois, demeure une zone d'ombre autour de la question cruciale du financement, qui devrait être levée lors de la conférence nationale du financement des Serm fin juin.
- Certaines collectivités n'ont pas attendu l'adoption de cette loi pour lancer des projets d'envergure, en témoignent le Léman Express ou encore les Serm de Bordeaux et Strasbourg.
(1) Rapport d'information n° 830 (2022-2023), déposé le 4 juillet 2023. (2) Parmi lesquels le sénateur Didier Mandelli (LR - Vendée).