« Alors que le gouvernement a pris, dans l'entre-deux-tours des législatives, plusieurs décrets liés à la loi Industrie verte (*), Notre Affaire à Tous, Zero Waste France et leurs antennes locales ont déposé vendredi 6 septembre 2024 des recours gracieux demandant leur annulation », ont-elles déclaré en début de semaine.
- Décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024 modifiant le code de l'urbanisme et le code de l'environnement en vue de favoriser l'implantation des installations industrielles vertes
- Décret n° 2024-708 du 5 juillet 2024 qualifiant de projet d'intérêt national majeur l'usine de recyclage moléculaire des plastiques de la société Eastman à Saint-Jean-de-Folleville
- Décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d'application de la loi industrie verte et de simplification en matière d'environnement
Recours contentieux en vue
Si ces demandes écrites auprès de l'administration devaient rester lettre morte, les associations prévoient d'aller devant le Conseil d’État sous deux mois, ont-elles indiqué à l'AFP. Parmi les textes visés par les deux associations, un décret du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d'application de la loi industrie verte et de simplification en matière d'environnement. Ce texte vise entre autres à réduire les délais d’implantation et facilite l’accès à des friches industrielles.
Ces dispositions « minent le principe fondamental du pollueur-payeur », jugent-elles. « Le gouvernement accroît le risque qu'en cas de pollution ou de catastrophe industrielle, les frais pour couvrir la dépollution incombent exclusivement à l’État, ou pire, que celle-ci ne soit pas réalisée faute de moyens », estime Adeline Paradeise, juriste de « Notre Affaire à tous », citée dans le communiqué.
Raison impérative d'intérêt public majeur
Par ailleurs, la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 a introduit la possibilité de reconnaître de manière anticipée l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) en matière de dérogation à la réglementation sur les espèces protégées. Cette procédure (décret n° 2024-704 du 5 juillet 2024) s’applique à un très large éventail de projets industriels, et en particulier, à ceux bénéficiant de la qualification de « projet d’intérêt national majeur ». C’est le cas de la future usine de recyclage chimique des plastiques Eastman à Saint-Jean-de-Folleville (Seine-Maritime) à qui le gouvernement a attribué cette qualification par décret n° 2024-708 du 5 juillet 2024. A ce titre, elle peut bénéficier des facilités d'implantation et « déroger plus facilement au droit des espèces protégées », selon les associations requérantes.
Ces dernières craignent « des impacts significatifs « de ce projet sur la biodiversité et la qualité de l'air, et pointent du doigt « un risque élevé de dispersion de microplastiques dans l'environnement ». Contacté par l'AFP, Eastman n'avait pas réagi dans l'immédiat.
« A travers la reconnaissance anticipée de la RIIPM, la loi Industrie verte vient acter une baisse généralisée du niveau de protection des espèces végétales et animales concernées, contraire au droit européen, qui plus est au profit de projets industriels dont l’intérêt pour la transition écologique n’est pas contrôlé », commente par communiqué Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable juridique de Zero Waste France. « Pire, à travers cette procédure, le gouvernement prive pour une large part les collectivités territoriales et les associations environnementales de leur droit de regard et de leurs moyens d’action ».
Principe de non régression bafoué
Enfin, les associations estiment que ces décrets méconnaissent le principe de non-régression en matière environnementale, en allégeant les procédures et en permettant de nombreuses dérogations en matière de gestion des pollutions industrielles.
« Le gouvernement souhaite rassurer les marchés, les investisseurs et les nouveaux exploitants par l’allègement de nombreuses mesures et procédures », relate par communiqué Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous. « Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la protection du vivant et des milieux sujets à une forte pollution, surtout dans le contexte actuel, où les risques, en particulier industriels, pour la santé environnementale sont de plus en plus inquiétants, à l’instar du scandale des “polluants éternels” ».