Environnement et urbanisme - Industrie verte : l'accélération des procédures comme mantra pour faciliter les projets

Consultation du public, intérêt national majeur, recours abusifs... Panorama des nouveautés de la loi du 23 octobre 2023.

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Industrie verte
Industrie verte

La relative à l'industrie verte doit permettre de réindustrialiser le pays et de faire de la France « le futur leader européen » en la matière. A cette fin, le texte comprend des mesures très diverses, allant au-delà des projets industriels verts.

La procédure d'autorisation environnementale modifiée en profondeur

Concernant la procédure d'autorisation environnementale, les objectifs poursuivis sont, selon l'étude d'impact du projet de loi, de raccourcir les délais d'instruction, pour un gain de temps estimé à trois mois environ, en supprimant la « succession des délais intercalaires entre les phases de la procédure d'autorisation qui découlent du caractère séquentiel de celle-ci, en particulier pour l'organisation de l'enquête publique ».

Consultation du public. Pour cela, la loi crée une nouvelle procédure de consultation du public permettant audit public de s'exprimer en amont, dès la recevabilité du dossier, et non plus à l'issue de la phase d'instruction ( [C. env.]). L'instruction du dossier, qui débute désormais après que la demande a été jugée complète et régulière par le préfet, se déroule en deux temps : une phase « examen et consultation » suivie d'une phase « décision » (). La saisine par le préfet du président du tribunal administratif pour la désignation du commissaire enquêteur doit intervenir dès la réception du dossier, et non plus quinze jours après la fin de la phase d'examen.

Enquête publique. La nouvelle procédure de consultation du public vient remplacer l'enquête publique et la procédure de participation du public par voie électronique (PPVE) qui pouvaient potentiellement s'appliquer. Elle concerne tous les projets soumis à autorisation environnementale et tient lieu de la participation du public au titre de l'autorisation d'urbanisme lorsque celle-ci est requise. En revanche, la loi précise que lorsqu'il doit être procédé, par ailleurs, à une enquête publique préalablement à une autre décision qu'une autorisation d'urbanisme, nécessaire à la réalisation du projet (par exemple une déclaration d'utilité publique [DUP]) et que cette enquête n'a pas encore été réalisée, la consultation du public est organisée par une enquête publique unique (art. et C. env.), sauf dérogation accordée par le préfet.

Durée. La consultation du public s'allonge : elle dure trois mois, et non plus trente jours. Son point de départ intervient désormais au début de la procédure et non plus à l'issue de la phase d'examen. Dès que le dossier est jugé complet et régulier et que le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête est désigné, le préfet organise la consultation du public, sauf s'il estime que l'autorisation ne peut pas être délivrée en l'état du dossier ().

Lorsque l'avis de l'Autorité environnementale (Ae) est requis, la consultation dure un mois de plus que le délai qui lui est imparti pour rendre son avis. L'objectif est de s'assurer que le public a bien un temps de participation effectif d'au moins un mois avec l'avis de l'Ae.

Etude d'impact et avis. L'étude d'impact, quand elle est requise, doit être jointe au dossier et « mise à la disposition du public au plus tard à l'ouverture de la consultation ». En outre, les avis (de l'Ae, du Conseil national de protection de la nature, de l'Agence régionale de santé…) recueillis par l'administration « sont mis à la disposition du public sans délai au fur et à mesure de leur émission » ().

Réunions publiques. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête ne tient plus de permanences mais organise deux réunions publiques avec la participation du pétitionnaire : une réunion d'ouverture dans les quinze jours à compter du début de la consultation, puis une réunion de clôture, dans les quinze derniers jours de la consultation du public.

Le texte ne précise pas si la réponse écrite du maître d'ouvrage à l'avis de l'Ae doit être versée au dossier de consultation.

   L'instruction du dossier se déroule désormais en deux temps : « examen et consultation », puis « décision ».

Mais la loi indique que « les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu'elles n'en modifient pas l'économie générale » (art. L. 181-10-1-III-5° C. env.). Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rendra « son rapport et ses conclusions motivées à l'autorité administrative, après concertation avec le pétitionnaire et dans un délai de trois semaines à compter de la clôture de la consultation du public » (). La phase de décision, qui s'ouvre alors, n'est plus de deux mois. Le préfet doit dorénavant seulement attendre « l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et des propositions formulées pendant la consultation et des réponses du pétitionnaire ».

Entrée en vigueur. Ce nouveau régime implique l'adoption d'un décret pour procéder aux modifications de coordination dans la partie réglementaire du Code de l'environnement. Sa publication doit intervenir au plus tard le 24 octobre 2024.

L'urbanisme opérationnel assoupli

EPF. Par ailleurs, afin de faciliter l'implantation des projets, la loi renforce les capacités d'action des établissements publics fonciers (EPF). Le texte précise que les stratégies foncières mises en place par les EPF d'Etat et locaux peuvent intégrer « des actions ou des opérations de renaturation » et qu'ils peuvent également contribuer « au maintien et à la transformation » des activités économiques, notamment pour « faciliter les projets d'implantations industrielles » (art. et du Code de l'urbanisme [C. urb.]). Plus significativement, ces établissements ainsi que les établissements publics d'aménagement de l'Etat peuvent « procéder à toute acquisition ou cession de baux commerciaux, de fonds de commerce et de fonds artisanaux ».

GOU. La loi assouplit le dispositif prévu pour les grandes opérations d'urbanisme (GOU) (), en vue d'en favoriser la création et la réalisation. Pour rappel, dans ces périmètres, les autorisations d'urbanisme sont délivrées par les présidents des EPCI qui sont à l'initiative de la GOU. Dorénavant, la commune ne perd plus nécessairement sa compétence en la matière puisqu'il revient à l'acte instituant la GOU - ou tout acte ultérieur - de préciser quelle est l'autorité compétente sur tout ou partie de son périmètre (nouvel ). En outre, les GOU bénéficient désormais des mêmes possibilités de dérogations aux PLU que celles applicables dans les opérations de revitalisation des territoires (ORT), lesquelles sont plus larges que les dérogations de droit commun ().

Par ailleurs, afin de libérer du foncier pour de nouvelles activités, les regroupements de surfaces commerciales situées dans le périmètre des GOU qui comporte la transformation d'une zone d'activité économique (ZAE) sont exemptés d'autorisation d'exploitation commerciale. Il doit toutefois s'agir de transferts de surfaces de vente autorisées sans création de surface de vente supplémentaire (). Cette dispense a en outre été ouverte, à l'initiative du Sénat, à titre expérimental pendant trois ans, hors GOU, au sein d'une même ZAE ou entre différentes zones situées sur un même EPCI.

Le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux peut être institué après avis de la commune par l'acte qualifiant l'opération de GOU (ou par un acte ultérieur), avec des dispositions spécifiques, comme la possibilité de préempter lors d'aliénations de terrains accueillant ou destinés à accueillir des commerces d'une surface de vente comprise entre 1 000 et 4 000 m2 (au lieu de 300 à 1 000 m2 dans le droit commun) [nouvel .

L'implantation d'industries vertes facilitée

Le chapitre 5 de la loi vise plus particulièrement les industries vertes. En raison de leur nature stratégique pour la souveraineté nationale, ces projets nécessitent très souvent la mise en compatibilité des documents de planification et d'urbanisme (Scot et PLU), soit par une déclaration de projet, soit par une DUP. Il s'agit de procédures dérogatoires et moins lourdes que les procédures d'évolution de droit commun (modification et révision).

Déclaration de projet. La loi inclut dans le champ de la déclaration de projet () la réalisation de certains projets industriels favorables au développement durable. Est ainsi visée l'implantation : - des installations de production d'énergies renouvelables (EnR), de stockage d'électricité, de production d'hydrogène renouvelable ou bas carbone (y compris leurs ouvrages de raccordement, ou d'un ouvrage du réseau public de transport ou de distribution d'électricité) ; - des installations industrielles de fabrication, d'assemblage ou de recyclage des produits ou des équipements, qui participent aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable ; - des installations de recherche et développement ou d'expérimentation de nouveaux produits ou procédés qui participent directement aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable mentionnées ci-dessus.

RIIPM. Concernant l'implantation d'une installation industrielle de fabrication, d'assemblage ou de recyclage de produits et équipements visés ci-dessus, ainsi que pour les projets d'infrastructures qui lui sont directement liés ou les projets de création ou de modification d'ouvrages du réseau public de transport d'électricité destinés à les raccorder, lorsque la déclaration de projet est prononcée par l'Etat, la loi pourra lui reconnaître, dans des conditions qui seront définies par décret, le caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) au sens de la législation des espèces protégées. Cette reconnaissance ne pourra être contestée qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre la déclaration de projet. Elle ne pourra donc plus l'être à l'appui d'un recours dirigé contre la dérogation elle-même.

   La loi inclut dans le champ de la déclaration de projet certaines implantations favorables au développement durable

Projets d'intérêt national majeur. Dans le même esprit, une procédure spécifique de mise en compatibilité, engagée par l'Etat, des documents de planification est instituée mais seulement pour des projets industriels importants pouvant être qualifiés - par décret - d'intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale du fait de leur objet et de leur envergure, notamment en termes d'investissement et d'emploi (). Cette faculté avait cristallisé les désaccords entre députés et sénateurs. La rédaction finale prévoit que cette procédure ne peut être utilisée qu'avec l'accord de l'exécutif de la collectivité compétente au titre de ce document (maire, président de l'EPCI, président de région). Le décret qualifiant le projet d'intérêt national pourra lui reconnaître le caractère de projet répondant à une RIIPM dans les mêmes conditions et effets que pour la déclaration de projet.

DUP. Plus largement, qu'il y ait ou non mise en compatibilité des documents d'urbanisme, la loi prévoit qu'une DUP d'un projet industriel, d'un projet d'infrastructure directement liée à ce projet industriel ou d'un projet de création ou de modification d'ouvrages du réseau public de transport d'électricité destiné à le raccorder, peut, dans des conditions prévues par décret, leur reconnaître le caractère d'opération ou de travaux répondant à une RIIPM, pour la durée de validité de la DUP ().

Ces dispositions tendent à sécuriser les porteurs de projet, en évitant que l'intérêt public majeur ne se discute de nouveau dans le cadre de la demande de dérogation, laquelle est généralement formulée bien après la DUP ou la déclaration de projet. Les opposants conservent la possibilité d'invoquer l'éventuel non-respect des deux autres conditions d'octroi de la dérogation, à savoir l'absence de solution alternative de moindre impact et le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Ces deux dernières conditions restent en effet requises, mais elles s'avèrent souvent moins difficiles à satisfaire.

Des innovations contentieuses

Référé. S'agissant du volet contentieux, la loi prévoit que le juge administratif des référés doit faire droit à toute demande de suspension d'une décision prise sans que la participation du public sous l'une des formes mentionnées à l' (enquête publique, PPVE, nouvelle procédure de consultation du public de l') ait eu lieu, alors qu'elle était requise. Ainsi, en l'absence d'organisation de ces procédures, la suspension de la décision sera acquise pour ce seul motif et sans nécessité de démontrer la condition d'urgence.

Recours abusifs. A l'instar du mécanisme existant en droit de l'urbanisme, le bénéficiaire d'une autorisation environnementale pourra demander, en première instance ou pour la première fois en appel, au juge administratif saisi du recours contre l'autorisation, de condamner son auteur à lui verser une indemnité, s'il démontre que ce recours a été mis en œuvre de façon abusive (). Les exemples de condamnations en droit de l'urbanisme restant très exceptionnels, il est sérieusement permis de douter de l'efficacité de ce nouveau dispositif.

Ce qu'il faut retenir

  • La loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte revisite plusieurs procédures environnementales et d'urbanisme afin de faciliter les implantations industrielles.
  • Une nouvelle procédure de consultation du public pour les demandes d'autorisations environnementales est créée.
  • Elle permettra au public de s'exprimer dès la recevabilité du dossier.
  • Le champ de la déclaration de projet est étendu à des projets industriels favorables au développement durable. Certains projets pourront en outre être qualifiés d'intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.
  • La déclaration d'utilité publique d'un projet industriel pourra lui reconnaître le caractère d'opération ou de travaux répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens de la législation espèces protégées.
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