Immobilier : les chausse-trappes du tandem Vefa-Befa

Ces deux contrats se rencontrent souvent en couple dans une opération. Un certain nombre de précautions s'imposent alors pour assurer une cohabitation harmonieuse.

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VEFA
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Le bail en l'état futur d'achèvement (Befa) et la vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) sont souvent intimement liés (1). En effet, l'existence d'un locataire influe sur la Vefa, soit qu'elle en conditionne purement et simplement la signature, soit qu'elle impacte directement son exécution, c'est-à-dire son prix ou même, dans les hypothèses les plus extrêmes, la livraison de l'immeuble.

Il existe sur le plan juridique un risque de télescopage de ces deux contrats qui doit conduire à les concevoir et les rédiger de manière coordonnée.

Point de vigilance n° 1 : la possibilité de cession du contrat de Befa pendant la phase de construction

Il faut commencer par déterminer qui est à l'initiative du Befa et, par voie de conséquence, s'il y aura un changement de contractant entre la phase construction et la phase locative.

Si le Befa est signé par le promoteur bien avant la Vefa, celui-ci ne sera donc peut-être plus en place dans la phase locative, et le contrat est appelé à être cédé à un investisseur. Pour autant, le locataire est certainement attaché au fait que le promoteur conserve la charge de la construction et qu'il ne transmette à l'acquéreur que la fonction de bailleur de la phase locative. A l'inverse, si le Befa est signé par l'acquéreur, celui-ci a vocation à être le bailleur en phase locative, mais il n'est pas en charge de l'opération de construction et doit donc clarifier sa responsabilité sur ce sujet.

Distinction des phases. Pour éviter les ambiguïtés, il est important que la structure de rédaction du Befa distingue clairement la phase construction de la phase exploitation locative, en expliquant quelle est l'implication exacte du bailleur dans la première.

Ainsi, si le bailleur est le promoteur, le Befa peut prévoir que les droits et obligations tirés de la phase locative seront cédés à un acquéreur, mais qu'en revanche les obligations tirées de la phase construction seront conservées par le promoteur. A l'inverse, si le bailleur est l'acquéreur, il a intérêt à faire apparaître qu'il n'est pas en charge de la construction et à préciser clairement quel degré d'engagement il entend prendre à l'égard du locataire si cette phase connaissait un problème.

Sur ce sujet, il est conseillé que le Befa soit structuré en distinguant trois séquences : partie 1, phase construction ; partie 2, phase locative ; partie 3, dispositions communes à tout le contrat. Si le Befa est conclu par le promoteur, il faudra préciser que si les obligations de la phase 2 sont cessibles, celles de la phase 1 ne le sont pas.

Point de vigilance n° 2 : les risques liés à l'existence d'un ensemble composé de plusieurs contrats

On touche ici à la délicate question des « ensembles contractuels » : l'édifice formé des deux contrats « Vefa+Befa » peut-il vaciller si l'un des deux est mis en cause ?

La notion d'ensemble contractuel est un risque au regard de l' posant le principe de la caducité des contrats qui dépendent d'une « opération d'ensemble » et de la jurisprudence qui tend à reconnaître assez facilement l'indivisibilité de groupes de contrats.

Dès lors qu'un contrat s'insère dans un ensemble de contrats plus vaste, ici le groupe « Vefa+Befa », il est essentiel de clarifier le degré d'indépendance de chacun d'eux (2).

Organisation de la survie. Le Befa et la Vefa doivent donc traiter ce sujet et prévoir expressément si chaque contrat est ou non soumis à la survie de tel autre.

Par exemple, si la Vefa prend fin par le jeu de la clause résolutoire, à défaut de paiement de l'acquéreur par exemple, souhaite-t-on que le Befa survive ? Lorsque celui-ci a été signé par l'acquéreur après la Vefa, on pourrait soutenir qu'il est atteint par la résolution comme constituant un acte de disposition signé par l'acquéreur. En revanche, s'il a été signé par le vendeur, c'est éventuellement la cession du contrat à l'acquéreur qui va être anéantie, mais pas le contrat de bail ou la promesse de bail, qui devraient donc survivre. Plusieurs solutions sont possibles, mais il convient de bien les prévoir.

Point de vigilance n° 3 : la distinction des différents rapports de droit qui existent

Pour éviter toute déconvenue dans le Befa, la rédaction doit être guidée par les principes de séquençage et de cohérence des obligations.

Principe de séquençage. Le principe de séquençage des obligations vise à ne pas entretenir de confusion sur ce qui relève d'un rapport d'obligation et ce qui relève d'un autre. Par exemple, lorsque l'immeuble va être mis en service, il faut clairement distinguer ce qui relève de la séquence « propriétaire/ constructeur »

ou « promoteur/constructeur », de la séquence « vendeur/ acquéreur » et enfin de la séquence « bailleur/ preneur ». De la même manière, il faut bien distinguer ce que le vendeur fait pour lui-même (« je livre à l'acquéreur ») de ce qu'il peut être amené à faire pour le compte d'autrui dans le cadre d'un mandat (« je mets à disposition du locataire sur ordre, sur mandat de l'acquéreur »).

Ce séquençage impose une terminologie précise qui distingue les différents rapports de droit en présence, en particulier en ce qui concerne les différents événements qui rythmeront ces contrats. Seul ce séquençage clair permet de comprendre qui doit quoi, à qui et à quel moment, et de préciser les conséquences que tel ou tel incident dans une relation aura - ou n'aura pas - sur une autre.

Cela s'illustre, par exemple, dans la définition de l'opération par laquelle intervient la délivrance de la chose construite, vendue et louée. Ainsi, dans la relation « constructeur/promoteur » on parlera de « réception » au sens de l' ; dans la relation « promoteur/acquéreur », on parlera de « livraison » ; dans la relation « bailleur/locataire », on pourra parler de « mise à disposition ». Le contrat doit chasser les confusions et ne pas employer dans une relation des concepts qui relèvent d'une autre.

Principe de cohérence. Autre principe tout aussi important : celui de cohérence. En effet, l'opération est à risque si les contrats se contredisent ou si l'un des partenaires a pris des engagements dans un contrat qui ne sont pas couverts par les obligations dont il bénéficie dans un autre. Ainsi, personne ne doit se retrouver dans la situation inconfortable de conférer plus de garanties qu'il n'en a lui-même reçues… ou pire encore, de réaliser des prestations incompatibles avec les engagements qu'il a pris dans l'autre contrat.

Le premier sujet qui requiert de la vigilance est celui de la définition technique de l'immeuble : celle du bail doit être le miroir de celle de la vente, sans quoi il faudra que le bailleur effectue des travaux pour délivrer la chose louée prévue au bail ! Toute discordance entre les contrats est par nature source de risque pour quelqu'un. La chose louée dans un Befa ou vendue dans une Vefa n'est que l'addition d'un texte et de plans, et ceux annexés aux différents actes doivent évidemment être en cohérence. En d'autres termes, la chose vendue doit être la même que la chose louée… et inversement.

Un autre exemple essentiel de cohérence se trouve dans la question des causes légitimes de report ou de retard de livraison : on imagine bien que, si les causes qui sont réputées légitimes dans un rapport de droit ne le sont pas dans un autre, une partie va se retrouver en difficulté, c'est-à-dire dans une situation de responsabilité contractuelle qui ne sera pas contre garantie.

Il en va enfin de même sur la question des travaux modificatifs : il ne faut pas que, dans une relation, l'un s'engage à faire des choses interdites dans l'autre contrat.

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Point de vigilance n° 4 : la délicate question de la mise à disposition anticipée au profit du locataire

La mise à disposition anticipée (Mada) consiste à prévoir que le locataire entre dans les lieux à un moment où l'immeuble n'est pas terminé, afin de réaliser ses propres travaux. Cette pratique est fréquente puisqu'elle repose sur l'idée pragmatique qu'il faut favoriser la mise en service la plus rapide de l'immeuble, qui a été conçu pour être utilisé. Dès lors, tout ce qui permet de gagner du temps et de mettre l'immeuble en état d'exploitation est bon à prendre, notamment lorsque le locataire a lui-même besoin d'aller chercher des autorisations administratives complémentaires.

Pratique à risques. Mais en droit, cette mise à disposition anticipée présente plusieurs risques : - le concours simultané de plusieurs chantiers et donc le concours de responsabilité dans les travaux ; - la confusion avec les travaux faits par le promoteur, qui pourrait conduire à la situation étonnante qu'à la livraison on lui formule des réserves au titre de travaux faits par le locataire ; - l'immixtion du locataire dans la mission du constructeur et par voie de conséquence, un risque de dégager sa responsabilité ; - la réalisation d'aménagements qui porteraient atteinte à la conformité contractuelle due par le constructeur, à la conformité administrative au regard des autorisations de construire, ou encore au processus de certification des performances environnementales de l'immeuble ; - le risque de voir le bail prendre effet… alors que l'immeuble n'a pas encore été livré à son propriétaire.

Procédure stricte. Il faut donc organiser cette intervention en délimitant précisément ce que le preneur est autorisé à faire et en encadrant ses démarches dans une procédure stricte.

Il convient d'abord de préciser le périmètre de la Mada. Il est en général clairement convenu qu'elle n'a pour objet que de permettre la réalisation de travaux d'aménagement ou de décoration et que tout commencement de l'exploitation est interdit. Il y a donc interdiction d'établir des salariés qui commenceront l'activité prévue par le bail et d'ouvrir aux clients par exemple. Dans la terminologie, on parlera bien de « Mada » et non « d'entrée en jouissance anticipée ».

A cet égard, la question peut se poser de savoir s'il ne serait pas judicieux de prévoir que, pour les fractions d'immeubles concernées, cette mise à disposition vaille constatation de l'achèvement, pour éviter que des réserves soient formulées plus tard au promoteur alors qu'elles seraient le fait du locataire. Dans la relation avec l'acquéreur, ces fractions d'immeubles seraient alors réputées achevées. Le promoteur pourrait ainsi refuser cette mise à disposition si les travaux sont incompatibles avec les siens, s'ils présentent un risque en termes de sécurité du chantier ou encore pour le respect du délai de livraison. Il pourrait aussi être judicieux de prévoir dans la Vefa que l'acquéreur ne pourra pas faire de réserves au titre de travaux qui auraient été faits par le locataire lui-même.

Enfin, lorsque la Mada intervient, il est prudent qu'elle donne lieu à un procès-verbal constatant l'état des fractions d'immeuble que l'on remet au locataire, qu'il soit obligé de donner la liste de ses entreprises réalisant les travaux, leurs missions et leurs assurances, en vérifiant d'ailleurs qu'elles sont bien assurées dans la spécialité dans laquelle elles interviennent et le planning de leurs interventions.

Point de vigilance n° 5 : l'épineuse question de l'impact d'un incident lors de la prise d'effet du Befa sur le contrat de Vefa

Enfin, l'une des questions sensibles est celle de l'impact d'une difficulté dans la prise de possession du bail sur le contrat de Vefa. Lorsque la prise d'effet du bail représente un élément essentiel de la Vefa, il faut s'entendre sur le point de savoir si elle constitue ou non un élément de l'« achèvement ».

Etendue de l'obligation de délivrance. Cette question recèle elle-même des nuances et des chausse-trappes. La prise d'effet s'entend-elle d'un locataire qui est tenu de venir physiquement prendre possession des lieux et commencer à payer son loyer parce que les conditions de droit sont réunies (l'immeuble est en l'état et la créance de loyer est née et se trouve exigible en droit) ? Ou la définition s'étend-elle à une situation de fait (le locataire est effectivement venu, a pris possession des lieux et a commencé à payer les termes exigibles) ?

On touche ici la question de l'étendue de l'obligation de délivrance qui renvoie à la définition contractuelle de la chose vendue. Le promoteur vendeur, si c'est lui qui a signé le bail, est-il uniquement garant de l'existence du bail (garant de l'existence de la créance de loyer) ; ou bien est-il également garant de la prise d'effet matérielle par le locataire (garant de l'exécution de la créance, c'est-à-dire du paiement du loyer) ? Ces questions doivent être traitées de manière très précise dans le contrat, quitte à distinguer, par exemple, selon que le refus de prendre possession du locataire serait réputé légitime ou non légitime dans la relation constructeur/propriétaire.

Mise à disposition et réserves. C'est ici que la nécessité de bien séquencer les opérations de livraison (à l'acquéreur) et de mise à disposition (du locataire) prend toute sa dimension. Ces questions sont des enjeux de négociation, selon la responsabilité que chacun souhaite prendre ou laisser à l'autre. Elles impliquent de traiter deux points : quelle est l'incidence du refus de prise de possession par le locataire dans la relation avec le promoteur ? Et les réserves du preneur sont-elles opposables au promoteur ?

Sur le premier sujet, la question est de savoir qui convoque le preneur et quand. Si l'on fait de la prise d'effet du bail un élément essentiel de la Vefa, l'acquéreur cherchera à associer un maximum le locataire aux opérations de livraison voire à exiger que la mise à disposition au locataire intervienne avant sa propre livraison, de façon à être certain que le locataire a accepté l'immeuble et que le bail a pris effet pour considérer que l'immeuble est achevé. Dans ce cas de figure, la livraison à l'acquéreur ne pourra intervenir que si la mise à disposition au profit du locataire a déjà eu lieu.

A l'inverse, le promoteur, s'il considère qu'il est étranger aux questions locatives, cherchera à n'avoir de relations qu'avec son acquéreur et à livrer à celui-ci, à charge pour ce dernier de mettre à disposition à son tour.

Sur le second sujet, l'investisseur cherchera à organiser un processus qui fasse en sorte que les réserves de son locataire soient automatiquement considérées comme des réserves faites au promoteur, de façon à créer une obligation contractuelle sur la tête du promoteur de lever les réserves du preneur. Autrement dit, « toute remarque de mon locataire est une remarque légitime parce que la finalité est que qu'il soit autant satisfait de l'immeuble que moi ». Tout cela est évidemment un enjeu de négociation et une question de rapport de force, étant entendu que, là aussi, il semble légitime de protéger les constructeurs de toute manœuvre qui proviendrait d'un fait extérieur à leur propre travail, c'est-à-dire de tout fait extérieur à l'acte de construire.

On retombe finalement toujours sur la question de savoir ce qui est « vendu » ou « construit » et quelle est la mission du promoteur/constructeur. Tous les professionnels ont rencontré des opérations dans lesquelles il a été prévu que le refus de prise de possession est soit un élément de refus de livraison, soit un élément de déclenchement d'une garantie locative financière - c'est-à-dire du paiement du loyer par le promoteur, outre d'éventuelles pénalités de retard. L'incidence sur le contrat de Vefa est liée à ce que nous avons dit précédemment : tout dépend de la portée que les parties ont donnée à la prise d'effet du bail.

Expertise. La recherche d'un certain équilibre devrait conduire à distinguer les refus dont la cause serait liée à la mauvaise réalisation de la construction, de ceux qui ont d'autres motifs. Ainsi, si l'on peut admettre que le promoteur soit concerné par des refus qui seraient la conséquence de la mauvaise exécution de sa mission, il est plus difficile d'admettre qu'il soit garant d'autres problèmes ou du changement des circonstances économiques du preneur.

Pour protéger le promoteur d'une éventuelle mauvaise foi du locataire - qui chercherait des prétextes pour renégocier le bail par exemple -, la prudence commande de prévoir une procédure d'expertise dans laquelle on vérifierait si le refus du locataire provient d'une cause imputable à l'acte de construire (elle serait alors légitime) ou au contraire d'une cause étrangère au promoteur.

Mais là encore, et c'est ce qui fait l'intérêt de ce schéma contractuel, tout cela est une question de négociation et de définition de ce que chacun attend de l'autre…

Image d'illustration de l'article
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Ce qu'il faut retenir

Le Befa et la Vefa se rencontrent souvent en couple. Pour éviter le risque de télescopage, il convient de les concevoir et les rédiger de manière coordonnée, en ayant à l'esprit trois idées-forces :

  • clarification des engagements, en précisant qui « construit » et qui sera le vrai « bailleur » en phase locative ;
  • séquençage des engagements, pour prévenir toute confusion sur ce qui relève du rapport propriétaire/constructeur ou promoteur/constructeur, ce qui relève du rapport vendeur/ acquéreur et, enfin, ce qui relève du rapport bailleur/preneur ;
  • cohérence des engagements en évitant que les contrats se contredisent ou qu'une personne se retrouve avoir pris des engagements dans l'un des deux qui ne soient pas couverts par les obligations dont elle bénéficie dans l'autre.

(2) Ce raisonnement pourrait être dupliqué à d'autres ensembles comme « contrat de promotion immobilière (CPI)+vente du terrain », « achat+prêt » et même « achat du terrain+contrat de construction ou de réhabilitation avec l'entreprise générale+Vefa avec l'investisseur+bail+prêt ».

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