Immobilier : bureaux flexibles, besoins croissants

Dans un contexte de réduction de l'empreinte immobilière, le coworking et le bureau opéré animent le marché. Et tout le monde s'y met.

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La Maison de la RATP, dans le bâtiment Lyon-Bercy à Paris (XIIe), offre divers espaces de travail : individuels, collaboratifs, bulles, salles de réunion équipées, etc.

Double record pour les opérateurs de coworking. Les 100 plus grandes villes de France comptaient fin 2022 plus de 3 420 espaces de travail partagés, un chiffre en hausse de 23 % par rapport à 2021 et de 101 % par rapport à 2019, selon la plateforme de location de bureaux Ubiq (ex-Bureaux à partager). Leur taux de remplissage est lui aussi historique : 91 %, contre 88 % en janvier 2020 et 62 % lors du premier confinement de mars 2020, d'après les déclarations des exploitants. La pérennisation du télétravail et le passage au flex office expliquent ce succès. « Les entreprises ont besoin de souplesse, afin de gérer ponctuellement des pics de consommation de mètres carrés ou de développer durablement un maillage géographique à proximité des habitations des salariés qui ne peuvent pas travailler chez eux », observe Roman Coste, directeur général du groupe de services immobiliers Kardham.

Cet immobilier d'ajustement permet aux grands groupes de réduire les dépenses liées à l'entretien et à l'exploitation de leurs immeubles. « La préservation du capital et de la trésorerie » est en effet la première motivation des employeurs européens qui installent leurs salariés sur des sites de coworking, selon une étude internationale de la société de conseil CBRE. Pour 14 % des employeurs interrogés, de grandes entreprises tertiaires de la zone EMEA, les espaces de travail partagés avec, en option, des services type restauration et cours de sport représentent plus de 10 % de leur mix immobilier. 59 % d'entre eux estiment qu'ils auront atteint ce stade en 2024. Mais pas de quoi réjouir les brokers : « Au global, le marché des bureaux est destiné à décroître, puisque les entreprises libèrent des surfaces de bureaux traditionnels pour occuper des surfaces plus petites de bureaux flexibles », souligne Roman Coste.

Les poids lourds du coworking
Les poids lourds du coworking Les poids lourds du coworking

Equation économique. Deux sous-catégories se distinguent. Regardons d'abord le coworking. En Ile-de-France, qui représente 40 % du marché national, la demande croissante incite les majors comme la multinationale cotée WeWork à rechercher des surfaces toujours plus grandes, de 1 500 m² minimum, selon la société de conseil Evolis. Quête de centralité oblige, la concurrence entre opérateurs historiques et nouveaux entrants comme l'américain Industrious (qui vient d'ouvrir son premier espace de 7 200 m² à Paris) devrait continuer de se concentrer dans le Quartier central des affaires parisien (QCA), élargi aux Ier, IIe et IXe arrondissements, très demandés. « Faute de bureaux traditionnels disponibles dans le centre de Paris, où le taux de vacance est inférieur à 3 %, des entreprises se rabattent sur des espaces de coworking », relève Roman Coste.

« La conquête des couronnes franciliennes et des régions est plus lente, car l'équation économique n'a été trouvée qu'au cœur des grandes villes où les loyers sont plus élevés », complète Mehdi Dziri, fondateur d'Ubiq. A Paris, comptez 757 € (1) par mois pour un bureau fermé et 365 € en open space, tandis qu'à Marseille, le loyer plonge respectivement à 377 € et 200 €, selon Ubiq. Snobées par les poids lourds WeWork et Morning (Nexity), les métropoles régionales et villes moyennes intéressent toutefois International Workplace Group (IWG). Le leader national, qui détient les marques Regus et Spaces notamment, vise un maillage complet de la France, jusque dans les villages à long terme. « Pour aller d'abord à Brest ou Poitiers, nous misons sur un réseau de franchisés qui nous permet d'installer nos marques dans des hôtels ou des restaurants », explique Christophe Burckart, le directeur général en France.

L'investissement tourne autour d'1 M€ par site : « 700 000 € d'aménagement et 300 000 € de fonds de roulement pour un an, temps moyen pour devenir rentable », confie-t-il. A l'échelle nationale, le dirigeant table sur deux ouvertures par mois en 2023 puis quatre en 2024, pour « atteindre 1 000 sites d'ici sept à dix ans », annonce-t-il. Porté par IWG, le marché du coworking pourrait ainsi passer de 896 000 m² à 1 184 000 m² d'ici à fin 2024 et se rapprocher de 2 000 000 m² d'ici à fin 2027, anticipe la société de conseil Savills. La France part de loin : « La part du coworking représente 3 % du parc immobilier tertiaire à Paris, contre 6 % à Londres et New York », rappelle Fabrice Le Roux, directeur de Workthere, la plateforme digitale de Savills.

Le bureau opéré, une nouvelle tendance. En parallèle, un produit récent se démocratise : le bureau opéré, c'est-à-dire mono-occupant et personnalisable, via un contrat de prestation de services et non un bail classique sur six ou neuf ans perçu comme rigide par les preneurs. « Les entreprises font le choix de plus d'espaces communs en privatisant des plateaux entiers, qui offrent deux fois plus de salles de réunion que le coworking », relate Mehdi Dziri, d'Ubiq. Mais attention : « A Paris, au bout de vingt-quatre à trente-six mois, entre les travaux avant installation, le mobilier et les honoraires, le bail 3-6-9 devient économiquement plus intéressant qu'un contrat de prestation de services », souligne Alexandre Devineau, directeur des bureaux de moyennes et grandes surfaces en Ile-de-France d'Evolis. Un poste de travail au sein d'un bureau opéré à Paris coûte en moyenne 630 € par mois, contre 360 € à Marseille selon Ubiq.

A titre de comparaison, il faut compter 1 040 € pour un poste de travail traditionnel, selon l'organisation professionnelle Inspirer et développer les environnements de travail (Idet, ex-Arseg).

Les spécialistes du bureau opéré comme MyFlexOffice et Deskeo doivent composer avec des acteurs du coworking qui se diversifient. C'est le cas de Morning, qui a convaincu L'Oréal d'occuper les huit niveaux d'un bâtiment à Clichy (Hauts-de-Seine), et la fintech Swile de s'installer dans un immeuble entier de 2 000 m² à Paris (IIe). Dans la capitale, qui concentre 94 % des 213 000 m² de bureaux opérés de France selon les brokers, les marchés des espaces de travail partagés et privatisés demeurent en déficit d'offre. En région, la demande de bureaux flexibles est particulièrement insatisfaite à Toulouse, Strasbourg et Montpellier.

Mouvement général. Y voyant un relais de croissance, les grands propriétaires tertiaires se convertissent. Plus de 25 sites de coworking et bureaux opérés, de 500 m² à plus de 6 000 m², sont loués par le groupe La Française aux opérateurs IWG, WeWork, Deskeo ou encore Hiptown. Ce dernier, exploitant de bureaux opérés, occupe à lui seul 6 500 m² entre Paris, Lille et Rennes. « Ce chiffre devrait doubler en 2023 avec de nouveaux espaces à Paris et Lyon notamment », annonce Jean-Marie Célérier, directeur de la cellule de transformation locative de La Française.

Pour aller plus loin que le bureau opéré, le bailleur a lancé en 2022 Hiptown by La Française. Cette offre s'adresse d'une part aux locataires qui souhaitent lui confier la gestion de la sous-location de surfaces temporairement inutilisées, et d'autre part aux travailleurs indépendants en quête de « bureaux flexibles économiques dans des zones périphériques », poursuit Jean-Marie Célérier. Quatre chantiers d'aménagement doivent être lancés d'ici juin à Puteaux (Hauts-de-Seine), Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Massy (Essonne) et Vélizy (Yvelines), pour un total de 2 200 m² à livrer d'ici à la fin d'année. Chez Covivio, « toutes les opérations tertiaires en gestation sont adaptées au bureau traditionnel, au bureau opéré et au coworking. A Paris, cela représente un potentiel de 25 000 nouveaux m² de bureaux flexibles », assure Olivier Estève, directeur général délégué. En parallèle, à chaque fin de bail, la foncière se pose la question de restructurer ses bureaux traditionnels pour les adapter au coworking. Sa filiale dédiée, Wellio, gère actuellement neuf sites, de Lyon à Bordeaux, pour un total de 34 800 m². Covivio loue en outre 11 500 m² de bureaux opérés à quatre clients. L'ex-Foncière des régions détient en France un total de 1,4 million de m² tertiaires.

De son côté, le groupe RATP, à travers l'offre Urban Station de sa filiale RATP Solutions Ville, transforme ses locaux franciliens à proximité des gares pour loger ses équipes et des salariés externes, minoritaires. La Maison de la RATP Lyon-Bercy à Paris (XIIe ), son bâtiment phare de 50 000 m², comprend 30 000 m² de surface consacrée au coworking et au bureau opéré. Il compte plus de 4 000 inscrits pour 3 215 postes, 11 salles de réunion de 20 à 50 places et deux amphithéâtres. Un sixième site est en travaux pour une ouverture au printemps. « L'objectif est de compter dix nouvelles adresses de 4 000 m² minimum d'ici à 2027, annonce Céline Mazières, directrice de la stratégie de RATP Solutions Ville. L'investissement comprenant les travaux de gros œuvre et de lots techniques s'élève à près de 20 000 € par poste. »

Bureau flexible
Bureau flexible Bureau flexible

Des bureaux de poste à transformer. Le groupe La Poste, via sa filiale La Poste Immobilier, s'y est aussi mis. L'actionnaire de Startway (depuis 2016) et de Multiburo (depuis 2022) compte passer de 60 à 100 sites d'ici à 2027. « Cette trajectoire de croissance passe par la transformation de bureaux vacants proches des gares, de commerces en pied d'immeuble ou de bureaux de poste », explique Rémi Feredj, directeur général de La Poste Immobilier. Une autre réflexion porte sur des créations de m² en périphérie pour éviter aux salariés de venir travailler en centre-ville. Cette diversification immobilière doit permettre à La Poste de s'imposer comme « la première entreprise de services de France », poursuit-il.

Enfin, les promoteurs prévoient de plus en plus de m² dans leurs programmes résidentiels et tertiaires neufs. Le leader national Nexity a livré 65 000 m² adaptés au coworking en 2021, puis 110 000 m² en 2022, à 85 % en Ile-de-France. Il table cette année sur 126 000 m², dans des proportions identiques entre la région parisienne et les métropoles régionales. Chez les nouveaux entrants dans la catégorie tertiaire, WO2 compte « évidemment » créer des espaces de travail partagé, déclare son président Philippe Zivkovic. « Nous pouvons réserver quelques milliers de m² dans les grandes opérations », précise-t-il. Les 125 000 m² de l'Arboretum à Nanterre (Hauts-de-Seine), qui n'ont toujours pas trouvé preneur à quatre mois de la livraison, en font partie.

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