Pascal Lelarge a piloté l’un des quatre groupes de travail mis en place par le préfet de région, Pierre Mutz, dans le cadre des Etats généraux du logement en Ile-de-France. Il revient sur quelques-unes des mesures proposées pour répondre à la crise du logement : renforcement de la portée des PLH (programme local de l’habitat), développement du PLS (prêt locatif social), création d’un nouveau produit d’accession sociale à la propriété, amortissement des droits de mutation... Ces propositions ont été remises à Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, le 13 mai. Certaines devraient figurer dans le projet de loi qu’elle présentera prochainement en Conseil des ministres.
Quelles sont les principales propositions formulées par le groupe de travail sur la gouvernance ?
Il ne s’agissait pas, dans le cadre des Etats généraux du logement, d’inventer une nouvelle structure mais de faire des propositions pour mieux organiser les responsabilités. Aujourd’hui, l’architecture des compétences est simple. Compétent en matière d’urbanisme, le maire a une compétence de premier rang en matière de logement. Il est difficile de construire des logements chez un maire qui ne veut pas en faire. Si un débat sur les compétences doit s’ouvrir, c’est plus entre le maire et l’intercommunalité qu’entre le maire et le préfet. Mais nous considérons aussi qu’être maire ne signifie pas être propriétaire de son territoire ou disposer d’une liberté absolue. Cette observation ne veut pas dire pour autant qu’on s’inscrive dans un schéma de substitution (du maire par le préfet) ou de contraintes. Il vaut mieux faire en sorte que les maires assument leurs responsabilités de « bon cœur » dans un cadre plus solide, autrement dit qu’ils considèrent que s’engager sur la question du logement en élaborant un programme local de l’habitat (PLH) fait partie de leur « job » au même titre que l’action sociale, les écoles primaires ou la police municipale.
Toutes les communes devront-elles élaborer un PLH ?
C’est déjà quasiment le cas. La loi ENL (Engagement national pour le logement) fait obligation aux agglomérations d’une certaine taille de se doter d’un PLH mais ne l’impose pas pour l’instant aux communes isolées. L’idée que nous voudrions faire passer, c’est qu’un maire doit doter sa commune d’un PLH non pas parce que c’est obligatoire mais parce que c’est inhérent à la responsabilité et au métier de maire.
Vous avez évoqué un cadre plus solide…
Ce qui est proposé par les Etats généraux du logement, c’est de rendre désormais le PLH obligatoire et prévoir des sanctions financières en cas de non respect. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faut aussi que les maires élaborent de vrais PLH. Beaucoup de PLH aujourd’hui contiennent trop de généralités, sont incomplets et insuffisamment précis, par exemple, sur le volet foncier… L’élaboration d’un tel document doit donner lieu à un débat démocratique et tracer des perspectives claires.
Comment s’articule l’élaboration des PLH avec l’objectif de production de 60 000 logements par an ?
C’est ce que j’appelle la théorie de l’embrayage souple. La question délicate – et c’est à ce propos que l’on peut parler de gouvernance – concerne la répartition des 60 000 logements/an entre les grands territoires (opérations d’intérêt national, intercommunalités, grandes communes de la zone centrale…). Nous proposons que l’Etat, la région et les départements se mettent d’accord sur les objectifs territorialisés après discussion avec les élus sur leur capacité à construire. En cas de désaccord, l’Etat arbitrerait. Plutôt que de fixer des objectifs très précis, il s’agirait d’indiquer le niveau d’effort à consentir par chacun. Cette partie-là peut être comparée à la boîte de vitesses.
Une fois les objectifs fixés, acceptés, chacun devrait s’y tenir, élaborer son PLH et le mettre en œuvre. C’est la partie mécanique, tout doit suivre derrière. Des sanctions seraient prises en cas de non élaboration ou de non application du PLH, l’Etat se réservant également la possibilité de refuser un document non conforme. Nous ne sommes donc pas dans une logique de substitution mais dans un parti pris de responsabilisation, sans être naïfs pour autant.
Quelles mesures préconisez-vous en matière d’urbanisme ?
A la base, la crise du logement est une crise de l’urbanisme. La plupart des spécialistes portent ce diagnostic : il y a eu une sorte d’effondrement de la production de logements par anémie de l’urbanisme opérationnel. Il apparaît donc fondamental de relancer les ZAC. Contrairement à l’idée reçue, il ne faut pas dix ans pour faire une ZAC et les procédures ne sont pas devenues plus compliquées. Ne confondons pas le courage politique et l’application du Code de l’urbanisme. On peut aussi jouer sur l’urbanisme réglementaire mais pour relancer la construction de logements, il faut faire de l’aménagement. Sinon, on ne parviendra pas à tenir un rythme de croissance suffisant et on ne résoudra pas la grave crise que nous traversons.
Autre thème abordé : les produits immobiliers. Sont-ils bien adaptés à l’Ile-de-France ou faut-il en inventer d’autres ?
Nous pensons qu’il faudrait développer le PLS (prêt locatif social), qui finance les logements sociaux de gamme intermédiaire. A 9 euros le m2 loué à Paris, c’est un produit intéressant, surtout en période de crise et de manque de tonicité de l’investissement privé locatif. En plus, il peut être mis en œuvre par des opérateurs privés. On considérerait comme normal que les PLS passent de 5 % à 10 % du nombre de logements sociaux neufs. A propos des logements sociaux, nous avons considéré qu’il fallait maintenir leur part à 25 % du parc total de logements, ce qui est le cas aujourd’hui en Ile-de-France. Cela représente déjà un gros effort financier pour l’Etat, de l’ordre de 300 millions d’euros par an. Si l’on ajoute l’effet de la TVA réduite, on arrive à près d’un milliard d’euros par an.
Vous êtes-vous intéressés à l’accession à la propriété ?
Les produits d’accession sociale à la propriété sont marginaux en Ile-de-France. C’est vraiment un problème. Le récent Pass-foncier ne porte que sur les maisons individuelles alors que le cœur de cible de l’accession en Ile-de-France concerne le logement collectif. Nous proposons, dans le cadre des Etats généraux, un produit adapté, simple, avec le moins d’intermédiaires possibles, et très lisible pour le marché. Il s’agit de permettre aux ménages disposant de revenus inférieurs aux plafonds des logements sociaux d’acheter un appartement à TVA réduite (5,5 %), la vente étant assortie d’une clause antispéculative pour éviter l’effet d’aubaine. L’idéal serait d’impacter entre 5 et 10 % du marché c’est-à-dire de construire entre 3 000 et 6 000 logements de ce type par an.
Proposez-vous de supprimer les droits de mutation comme certains le prétendent ?
Aujourd’hui, les propriétaires ont beaucoup de mal à envisager leur mobilité compte tenu du prix des biens immobiliers. Il ne faut donc pas en rajouter. Nous proposons donc non pas de supprimer les droits de mutation, même s’il n’est pas interdit de se poser la question, mais de ne les payer qu’une seule fois et non plus lors de chaque transaction. Ce ne serait plus « double peine ». L’instauration d’un dispositif d’amortissement des droits de mutation sur une période de dix ans ou quinze ans (1) permettrait, selon nous, de faciliter la mobilité familiale et professionnelle.
Certaines des mesures envisagées prévoient-elles un renforcement du pouvoir des préfets ?
Nous rappelons simplement qu’il y a des règles et que les préfets sont chargés de les faire appliquer. Nous ne sommes pas dans une logique de réponse par la substitution mais dans une logique de réponse par la mise en responsabilité des uns et des autres sous le regard collectif de l’Etat, de la région et des départements, le préfet, conformément à son rôle, étant là pour assurer un minimum de rigueur.
Que vont devenir les propositions des groupes de travail ?
Le ministre les a qualifiées de sérieuses et de novatrices. C’est à présent à Christine Boutin de décider lesquelles elle reprendra dans son projet de loi.