L'USH fête ses 90 ans. Comment convaincre de l'efficacité du secteur à l'heure de la « start-up nation », où ce qui est vieux est forcément dépassé et peu innovant ?
Le mouvement HLM a passé deux guerres mondiales, des chocs pétroliers… Nous ne fêterions pas nos 90 ans si nous n'étions pas par nature innovants. Le Congrès HLM, qui fête ses 80 ans, aura pour thématique ce modèle français. L'idée consiste à déterminer ce qui est consubstantiel au modèle et lui a permis de durer, et ce qui doit évoluer.
Justement, comment le modèle de financement peut-il évoluer ?
Nous avons beaucoup étudié les modèles européens du logement social, et ce qui fait notre différence, ce sont les prêts adossés au livret A. Evidemment, ce financement peut être diversifié, et c'est d'ailleurs déjà le cas avec les prêts de haut de bilan bonifiés. Cette tendance doit se poursuivre. Lors du Congrès, nous signerons d'ailleurs un protocole avec la Banque européenne d'investissement (BEI) pour permettre aux bailleurs sociaux de décrocher plus facilement des financements auprès d'elle, à travers une plate-forme.
Le gouvernement a confié une mission à l'Inspection générale des finances et au Commissariat général au développement durable sur les conditions d'un retour des investisseurs dans le secteur…
Nous avons été auditionnés dans le cadre de cette étude et avons rappelé notre position : nous sommes favorables au système du livret A et à l'utilisation pleine et entière des marges de diversification qu'il autorise. Les prêts bancaires peuvent venir compléter la gamme de prêts, notamment pour financer la réhabilitation. Le secteur HLM est sans but lucratif ou à but lucratif limité, c'est notre histoire et c'est aussi une obligation compte tenu du service d'intérêt économique général [SIEG, conception européenne du service public, qui donne droit à des aides publiques, NDLR] définissant le logement social. Nous nous opposons à la financiarisation du modèle, qui inciterait des acteurs privés à investir pour obtenir chaque année des rémunérations à deux chiffres ou à tirer profit de la vente de HLM qui ont été créés par de l'argent public. On ne veut pas d'un système dans lequel ces investisseurs privés seraient à la fois juges et bénéficiaires, car si la rémunération attendue dicte l'activité, l'entretien-rénovation finira par être réduit pour limiter les dépenses, et les loyers augmenteront. Nous servons l'intérêt général, pas des intérêts privés.
Est-ce que des fonds de pension toquent à la porte ?
Certains en rêvent peut-être, mais nous ne sommes pas des sociétés comme les autres. Les offices publics de l'habitat ne versent pas de dividendes. Et très peu d'entreprises sociales pour l'habitat le font. Lorsque c'est le cas, la rémunération est indexée sur le taux du livret A majoré de 1,5 point.
Evidemment, pour faire venir les investisseurs privés, il faudrait supprimer ces plafonds. Nous nous y opposons, car ils garantissent notre modèle, nous permettent de bénéficier du SIEG et imposent des obligations sociales légitimes en contrepartie d'un modèle de financement spécifique.
Qu'est-ce qui peut donc évoluer ?
Au-delà du financement, qui capte beaucoup l'intérêt, il faut regarder comment la société évolue. Par exemple, imaginer que, dans le cadre des attributions, nous prenions mieux en compte la question des revenus, mais aussi leur nature.
A ressources équivalentes, une personne en intérim ou en CDD aura moins de facilités à accéder à un logement privé, alors que ce sont des formes de salariat qui se développent.
Confrontés aux coupes budgétaires, les bailleurs font la chasse au gaspillage et rationalisent les cahiers des charges. Ne risquent-ils pas alors de produire des HLM de mauvaise qualité ?
Il y a un risque de standardisation de l'offre, car l'innovation coûte un peu plus cher. Et lorsque le gouvernement pousse la vente des HLM, il incite les bailleurs sociaux à construire autrement. L'arbitrage d'un directeur de la maîtrise d'ouvrage différera s'il doit développer un patrimoine à gérer durant cinquante ans, ou s'il sait qu'il doit le revendre dans vingt ans. Mais nous sommes vigilants, et culturellement, les bailleurs sociaux sont attachés à la qualité.
Qu'allez-vous négocier dans le cadre du budget 2020 ?
Il faut que toute la clause de revoyure signée avec le gouvernement pour limiter, à partir de 2020, l'impact de la réduction de loyer de solidarité [RLS, instaurée en parallèle de la baisse des APL, NDLR] soit bien retranscrite. Je pense par exemple au retour de la TVA à 5,5 % pour les logements PLAI, ceux en acquisition-amélioration et les opérations lancées dans le cadre de l'Anru (démolition, construction, rénovation, etc. ). Nous avons aussi des propositions complémentaires : le retour de la TVA à 5,5 % pour tous les HLM, le retour de l'APL accession, le maintien du prêt à taux zéro dans les zones B2 et C [alors qu'il doit s'y éteindre au 1er janvier 2020, NDLR], etc. Enfin, nous serons vigilants sur la réforme de la fiscalité locale afin qu'elle ne constitue pas un frein au développement du logement social (lire p. 34).
Les missions des bailleurs sont-elles en train d'évoluer ?
Les organismes peuvent avoir des missions plus larges que le « simple » fait de loger, et notamment des missions sociales à destination des locataires. Des bailleurs ont engagé des réflexions avec des partenaires comme La Poste sur le service de visite des seniors pour développer le maintien à domicile. D'autres travaillent sur l'accès à l'emploi. Mais le mode de financement de ce type de missions n'est pas encore stabilisé. Par le bailleur lui-même ? les charges ? les bénéficiaires ?
Quelles sont les tendances du développement HLM en 2019 ?
En 2018, 108 600 agréments pour l'ensemble des acteurs du logement social ont été accordés, soit 4 % de moins sur un an. Il est encore un peu tôt pour connaître la tendance pour 2019, mais nous tablons plutôt sur une stabilité globale. Nous avons néanmoins noté que l'annonce, dans le cadre de la clause de revoyure, du retour de la TVA à 5,5 % sur les PLAI (logements très sociaux, NDLR), a incité les bailleurs sociaux à en programmer plus. Concernant la rénovation, nous risquons d'observer un creux de l'activité à cause de la finalisation des opérations liées à l'Anru 1, et le temps de démarrage opérationnel de l'Anru 2 qui a tardé à cause du manque de visibilité sur le doublement du budget [qui est passé à 10 milliards d'euros, NDLR].