Interview

« Il ne peut pas y avoir de Socotec performant sans une activité France performante », Hervé Montjotin, CEO

Mi-janvier, le leader des services de testing, d'inspection et de certification des projets de construction a annoncé avoir dépassé le milliard d'euros de chiffre d'affaires et fait l'acquisition de deux sociétés, Urbads et sa filiale Urbycom, spécialisées dans l’instruction déléguée des autorisations d’urbanisme et l’élaboration de plans locaux d’urbanisme (PLU). Le CEO de Socotec explique ce choix stratégique au Moniteur.

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Hervé Montjotin, directeur exécutif de Socotec.

Pourquoi avoir investi dans l’externalisation des procédures d’urbanisme ?

C’est la loi Elan qui a ouvert la possibilité d’externaliser l’instruction des permis de construire. En 2019, Coprec (aujourd'hui Filiance, qui regroupe les acteurs du Testing, Inspection et Certification, dont Socotec préside la commission construction) a travaillé sur les types de services que l’on pouvait mettre en avant.

Les équipes Socotec Construction et Immobilier France (une entité qui représente 220 M€ de chiffre d’affaires sur les 500 M€ de la France) ont travaillé sur le sujet pour plusieurs raisons.

C’est d’abord un espace de développement assez logique pour une société comme la nôtre. Ensuite, Socotec a toujours été immergé dans le monde de la promotion privée, ce sont ses racines, mais moins dans le monde de l’urbanisme. C’est une manière de nous ancrer plus profondément dans l’écosystème général de la construction. Enfin, Socotec se définit comme un tiers de confiance pleinement acteur de la filière construction, filière qui bute aujourd’hui sur un problème de pression du côté de l’offre notamment dû à la délivrance des permis de construire. Il y a eu un goulet d’étranglement avec le confinement de 2020, intensifié par le renouvellement des exécutifs municipaux, et parfois par la pénurie de ressources dans les services d’urbanisme.

Pourquoi une croissance externe sur ce secteur? Vous ne possédiez pas les compétences en interne ?

Je ferais un parallèle avec le diagnostic amiante : il y a quelques années une acquisition nous a permis de doubler de taille et « d’isoler » cette activité existante au sein de Socotec, pour lui donner sa pleine puissance. C’est un peu la même chose ici. Nous avions un embryon d’activité dans ce domaine mais UrbaDS a un savoir-faire plus important et une « base de production » avec des juristes spécialisés qui ne font que ça, bien en place.

Nous souhaitons intégrer cette équipe située à Hénin-Beaumont (Nord) et avoir des relais dans nos agences. Socotec a le premier réseau d’agences TIC (150) en France.  Nous n’aurons pas des correspondants dédiés à l’instruction des permis de construire dans chaque agence mais peut-être dans chaque métropole ou ville d’une certaine taille.

Cette approche a aussi intéressé l’équipe d’UrbaDS qui peut désormais rayonner sur l’ensemble du territoire national. Il y a là une conjonction de motivations qui a permis que l’on se rencontre.

UrbaDS et Urbycom seront-elles renommées ?

La logique à terme est de développer une marque qui embarque l’ensemble de nos métiers et de nos services mais nous le faisons toujours par étapes, à l’étranger comme en France en particulier, quand il y a quelque chose de très spécifique. Nous avons par exemple conservé l’appellation BIM in Motion, parce qu’il y avait une expertise que nous souhaitions continuer à rendre visible. Là, l’activité rentre totalement dans la gamme de services de Socotec Construction et Immobilier - nous avons également ce type de services déjà aux Etats-Unis dans le « building code » - mais ça se fera par étapes.

L’acquisition de cette activité est-elle un premier pas dans le secteur qui en appelle d’autre ou se suffit-elle à elle-même ?

Quand on rachète une société, on le fait d’abord pour acquérir un savoir et une compétence que l’on souhaite développer. Il faut donc s’assurer que l’intégration se passe bien sans perturber les bons fonctionnements opérationnels. Mais c’est bien un mouvement pour développer l’activité « instruction des permis de construire » en profitant du réseau Socotec.

Je pense qu’en tant que tiers de confiance, nous pouvons proposer beaucoup de services permettant d’épauler l’Etat et les collectivités, notamment pour gérer les pics d’activités. Nous allons le faire sur l’instruction des permis de construire mais je suis convaincu qu’il y aura dans le futur d’autres domaines.

Ce renforcement en France est-il un rééquilibrage d’une entreprise très internationalisée ?

Rappelez-vous que Socotec a doublé de taille en cinq ans. Fin 2016, Socotec réalisait 500 M€ de chiffre d’affaires et opérait dans 27 pays mais la France faisait 90% de l’ensemble. C’était un très beau bateau français avec des petites chaloupes un peu éparpillées à l’international.

Aujourd’hui Socotec est une entreprise qui réalise 1 Md€ de chiffre d’affaires, la France ne représente plus « que » 50% de son activité. A travers notre stratégie de plateformes, si vous rajoutez à la France, la Grande-Bretagne, les USA, l’Allemagne, l’Italie et maintenant les Pays-Bas, cela fait 95% de l’ensemble. Nous nous sommes concentrés sur ces plateformes et nous opérons dans 23 pays.

Notre ambition est la suivante : avoir un Socotec qui navigue autour d’1,4 Md à horizon 2024 et avec un équilibre France hors-France qui serait plutôt à 40% /60%. Cela veut dire que nous allons continuer à faire grandir plus vite l’international mais que la France, si elle veut rester à 40%, va croître aussi. La France restera le point d’ancrage de notre activité. Il ne peut pas y avoir de Socotec performant sans une activité France performante.

Pourquoi ce choix ?

Pour faire grandir et transformer l’entreprise il fallait l’exposer beaucoup plus internationalement. D’ autre part, comme nous avons fait le choix de nous concentrer sur la construction et les infrastructures, le fait d’être bien équilibré géographiquement est une façon de se prémunir des effets de cycles. Il n’y a pas de cycles de construction internationaux, il n’y a que des cycles domestiques. C’est une recherche d’équilibre qui a extrêmement bien fonctionné dans le contexte de la pandémie de Covid en 2020. Socotec en France a décroché avec le premier confinement alors que nos autres géographies (Allemagne, Etats-Unis, Italie) ont continué à plutôt bien fonctionné. Ça nous a permis d’amortir le choc.

La France va continuer à grandir en particulier en développant de nouveaux services (comme Urbads) éventuellement par croissance externe. Mais pas uniquement. Nous prenons beaucoup d’initiatives « intrapreneuriales » en lien avec les transitions environnementale et énergétique.

Comment vont les équipes ?

Je sens beaucoup de fierté sur la manière dont l’entreprise a traversé la crise du Covid et sur ce que nous faisons en France, en particulier autour du recrutement, de l’intégration et du développement des compétences. Le rebond de l’activité du dernier semestre 2020 et en 2021 a probablement à voir avec cette fierté d’appartenance. D’autre part, il y a beaucoup d’effervescence et d’initiatives, aujourd’hui autour des enjeux de la filière construction en matière de transition environnementale.

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