Les acteurs du logement neuf n’ont pas le moral. « Je suis très inquiète, très pessimiste », a déclaré, Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), à l’occasion de la présentation des résultats du logement neuf au deuxième trimestre 2020. « Les chiffres sont très mauvais. Ils révèlent la paralysie de notre secteur », s’alarme la chef de file des promoteurs.
Entre avril et juin, 25 423 logements ont été réservés, soit une chute de 37,8% par rapport à la même période de 2019. Les ventes aux particuliers ont chuté de 51 %, retombant au niveau de 2012, tandis que les ventes en bloc aux investisseurs -et notamment à CDC Habitat qui a lancé, pendant le confinement, une commande 40 000 logements- progressent, eux, de 39 %.
Côté offre, rien ne va plus. Les mises en vente avaient déjà baissé de 15 % entre 2018 et 2019. Elles ont littéralement plongé au premier semestre (-46,7 %), avec une accélération marquée au deuxième trimestre (-53,8 %).
Ainsi, entre début avril et fin juin 2020, 16 657 logements sont entrés en commercialisation, soit 20 000 logements de moins qu’au T2 2019.
Le phénomène affecte toute la France, à l’exception du Centre Val de Loire, de la Bourgogne et de la Franche-Comté qui sont dans une dynamique positive.
"A bas bruit, on installe le logement dans un modèle décroissant"
La situation est d’autant plus préoccupante que les mises en chantier et les permis de construire sont eux aussi en net recul : - 8,4 % et -27,4 % respectivement.
Selon les prévisions de la FPI, la baisse du nombre de permis délivrés en 2020 pourrait approcher 100 000, soit un quart de la production annuelle. Les prévisions pour 2021-2022 sont encore plus sombres, avec une production qui pourrait descendre sous la barre des 250 000 logements neufs par an.
Pour les promoteurs, cette situation ne date pas de la crise sanitaire. « La pandémie ne fait que marquer une accélération de la crise du logement neuf », analyse Alexandra François-Cuxac, qui avait déjà tiré la sonnette avant le confinement.
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La fédération en tient responsable la période des élections municipales, généralement considérée comme défavorable à l'octroi de permis, et, au-delà, une tendance globale des maires à se montrer timides en matière de construction de logements.
De nombreuses municipalités, "réduisent tous les espaces constructibles", a insisté Alexandra François-Cuxac.
C'est du jamais vu", a regretté Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France. "Il y a un effet élection et un effet ambiance générale qui est impressionnant." Il a évoqué "un certain nombre de permis remis en cause, qu'on nous demande de retirer ou qu'on n'aura jamais".
« La crise est bel et bien là, mais nous avons le sentiment que sa gravité n’est pas comprise. A bas bruit, on installe peu à peu le secteur du logement dans un modèle décroissant. C’est le plus sûr moyen d’aggraver la pénurie de logements, y compris sociaux, et de retarder l’émergence de la ville durable dont nous avons besoin », renchérit Alexandra François-Cuxac.
Les maires en première ligne
Dans ce climat de morosité ambiante, les dernières annonces gouvernementales ont fini de plomber le secteur.
S’estimant laissés de côté par un plan de relance qui fait la part belle à la rénovation(6,7 milliards d’euros contre 650 M € pour le neuf), les promoteurs ont également été piqués au vif par l’annonce récente du gouvernement de ponctionner 1 milliard d’euros à Action Logement.
« Cela fait beaucoup de signaux contre-productifs. Ce sont des positions choquantes alors que nous avons tous besoin de soutien », regrette Alexandra François-Cuxac.
Pour autant, la profession poursuit le combat. « Nous sommes entrés dans une phase d’échange avec la Ministre Emmanuelle Wargon sur les dispositions que nous souhaitons pousser dans le Projet de Loi de Finances », détaille Alexandra François-Cuxac.
Parmi les priorités de la FPI figurent la prorogation de deux ans des dispositifs Pinel et du PTZ, la mise en place simple et sans délai des aides du plan de relance (aide aux maires densificateurs et fonds friches) ainsi qu’une action résolue du Gouvernement en matière de simplification et de digitalisation de l’urbanisme.
Pour Alexandra François-Cuxac, cela ne se fera pas sans l’appui des élus locaux. « L’Etat est là pour fixer la stratégie mais il faut engager un" build deal" avec les élus locaux et en particulier les maires. Ce sont eux qui signent les permis de construire. Ce sont les premiers urbanistes de la ville ».