Rappelons que le contrat de performance énergétique a pour objet de confier à une société de services d'efficacité énergétique la réalisation de prestations (fourniture d'équipement, prestations de services, travaux etc.) pour améliorer la performance énergétique d'un bâtiment, l'entreprise garantissant l'atteinte d'un niveau de performance contractuellement déterminé.
- Quels sont selon vous les leviers nécessaires au développement des contrats de performance énergétique (CPE) ?
Outre les pistes proposées par Olivier Ortega dans son rapport, un premier point me paraît essentiel : il faudrait une intervention rapide des pouvoirs publics pour approuver un ou plusieurs protocoles techniques de mesure et vérification des consommations énergétiques, qui pourrait s'inspirer du dont l'usage est assez répandu. Sans accord des parties sur la « baseline », c'est-à-dire sur l'état initial et au fil du temps de la performance du bâtiment, et donc sur un protocole technique la mesurant, il ne peut y avoir de CPE.
Un autre sujet, directement lié au précédent, est celui de l'expertise des professionnels chargés de mettre en œuvre ces protocoles. Il manque à mon sens une profession de tiers indépendants fiables et dotés de compétences en techniques de bâtiments et en économie, mais aussi en sociologie pour bien appréhender les comportements des occupants. Je souhaiterais donc la création d'une profession réglementée d'énergéticiens, sur le modèle des géomètres-experts, offrant des garanties déontologiques et un très haut niveau d'expertise.
- Comment les assurances devraient-elles prendre en charge la garantie de performance énergétique ?
La situation actuelle est critique car elle est incertaine, et cela risque de durer jusqu'à ce que des contentieux éclatent et amènent le juge à trancher la question du régime applicable à la non-atteinte de la performance promise. Et il est probable que le juge adopte la thèse développée par Hugues Périnet-Marquet, selon laquelle ces désordres relèveraient de la responsabilité décennale des constructeurs et de l'assurance obligatoire. Cette solution logique serait assez catastrophique, pour plusieurs raisons : elle risquerait de faire exploser les coûts du système d'assurance-construction obligatoire, et de neutraliser les gains d'économies d'énergie qui sont l'objet même du CPE. De plus, la décennale ne dure que dix ans alors que les CPE doivent en général avoir une durée plus longue pour permettre un véritable retour sur investissement. Si cette solution devait néanmoins être retenue, il faudrait selon moi prévoir une franchise tellement importante qu'on y réfléchirait à deux fois avant de déclencher l'assurance, pour préserver l'équilibre économique du système. Mais le plus opportun serait sans doute que le législateur sorte expressément et sans attendre la question de la performance énergétique du champ de la décennale, laissant place à une solution moins coûteuse, telle que la couverture au titre de la responsabilité civile professionnelle.
- Selon le rapport Ortega, les collectivités ont commencé par le plus difficile en passant des CPE sous forme de contrats de partenariat. Sont-elles mûres pour explorer la voie des marchés publics ?
Oui ! Avec notre partenaire Best Energies (bureau d'études), nous poussons à fond pour développer le recours aux marchés publics en matière de CPE. C'est en effet le modèle dans lequel la maîtrise d'ouvrage publique a le plus de poids. De plus, le coût d'un montage en contrat de partenariat est souvent rédhibitoire pour une collectivité petite ou moyenne, et a perdu de son intérêt depuis que la déconsolidation de la dette est devenue plus difficile. Pour des contrats d'un montant situé entre 2 et 20 millions d'euros, la forme des marchés publics est tout à fait adaptée. Nous venons d'ailleurs d'assister Honfleur (Calvados) pour la conclusion d'un CPE sous cette forme, une première à ce jour. D'une durée de vingt ans, il porte sur trente-deux bâtiments, et le risque de la performance énergétique est pris à 100 % par Cram, l'entreprise attributaire. Nos préconisations : utiliser le dialogue compétitif et non l'appel d'offres, inadapté compte tenu de la complexité du sujet ; et laisser aux candidats le choix de fournir ou non l'énergie primaire via une option dans le cahier des charges. Cela rend certes plus difficile la comparaison des offres, mais permet de ne pas favoriser un secteur économique plutôt qu'un autre et de prendre en compte au mieux les spécificités locales. Mais même en marché public, le CPE demande beaucoup de préparation : en l'espèce, 1 000 heures de travail au total et une dizaine de rounds de négociation. Ce qui a été le plus chronophage : définir les exclusions de responsabilité de l'entreprise, et les modalités de la mise aux normes.
* Pour retrouver l'article de présentation du "rapport CPE" par Olivier Ortega, cliquez ici
Pour en savoir plus sur les contrats de performance énergétique, retrouvez notre article dans "Le Moniteur" n°5598 du 11 mars 2011.