"Il faut aménager des aires de jeux" par Hugues Ochsenbein, Président national honoraire de l’ATTF

Pourquoi faut-il des aires de jeux ? La fabrication et le développement des agrès de jeux publics sont récents. Il fut un temps, pas trop éloigné, où ce genre d’équipement n’existait pas. Que faut-il aux enfants pour jouer, pour pouvoir s’épanouir ? En premier lieu, de l’espace. L’espace naturel et sauvage était naguère à la portée des enfants, il faisait partie de leur environnement. Or, ce n’est plus le cas. Même dans les villes petites ou moyennes, ces espaces naturels, favorables au développement ludique, physique et même moral, n’existent plus. Ou, s’il en subsiste, leur éloignement les rend inexploitable par les enfants.

Le manque de place. Ces espaces naturels n’existant plus, nous sommes contraints de les créer artificiellement. Ces créations entraînent automatiquement la question de la sécurité des utilisateurs. Or, le terrain dévolu aux aires de jeux publiques est le plus souvent celui qui n’est pas rentable pour les promoteurs et pour les collectivités publiques. Des enquêtes ont été faites d’où il ressort que la cause principale d’accidents sur les aires existantes est le manque de place qui entraîne l’utilisation trop intensive des jeux et le détournement de leur destination par les classes d’âges auxquelles ils n’étaient pas destinés.

Comment régler les problèmes de sous-équipement, de saturation, d’utilisation intempestive ? Faut-il en arriver à créer non plus des aires, mais des plaines de jeux sur les terrains encore disponibles à la périphérie des communes ?

Le projet peut paraître séduisant, à la fois aux fabricants par l’importance prévisible de marchés d’équipement, et au gestionnaire par les économies sur les infrastructures et les travaux d’aménagement réalisables éventuellement par un groupement de communes.

Cependant, il possède un défaut, celui d’être assez éloigné de la plupart des usagers. Et l’expérience en la matière n’est pas suffisante pour pouvoir affirmer que la maintenance et la sécurité puissent être mieux assurées sur ces méga-aires de jeux. L’idéal serait bien évidemment de combiner les deux solutions : aires de jeux voisines de l’habitat pour les petites pauses et plaine de jeux pour les loisirs.

Il est donc nécessaire d’implanter des aires de jeux à proximité des lieux d’habitation mais sans générer de nuisances insupportables pour les riverains. Je voudrais attirer l’attention sur deux possibilités qui mériteraient que l’on intercédât en leur faveur :

– pour les projets de constructions neuves : imposer aux promoteurs de réserver des terrains aux aires de jeux, proportionnellement au nombre de logements à construire ; inclure dans le PLU des zones non aedificandi spécifiquement réservées à cette fonction et à aménager en conséquence ;

– pour les cités et les quartiers existants : essayer de faire pression sur les élus pour qu’ils deviennent conscients de cette exigence, qu’ils l’intègrent dans leur programme et se donnent les moyens de la réaliser, d’une part, en créant et en utilisant le droit de préemption en cas de vente d’un immeuble ou d’un terrain, d’autre part, en budgétisant les dépenses d’entretien et de surveillance.

La fiabilité du matériel. Il ressort d’une récente enquête que l’une des causes d’accident est liée aux actes de vandalisme que l’on dit gratuits (alors qu’en réalité, ils coûtent chers !). Il n’existe pas de moyens de juguler ces actes, sauf à améliorer l’éducation générale et individuelle afin de développer un esprit civique, temporisateur de violence et améliorer le cadre de vie. Si l’on clôture certains terrains de jeux, c’est en premier lieu, non pour empêcher d’y entrer mais, vu leur implantation en bordure de voies de circulation, d’y sortir pour empêcher les enfants de se jeter sur les voies de circulation en courant derrière leur ballon. Serait-ce la solution, de faire jouer les enfants dans des cages ?

Autre facteur de sécurité, la fiabilité du matériel. Les travaux de normalisation et de réglementation, dont il faut souligner l’exemplarité, aboutissent à l’élimination progressive des mobiliers et agrès les plus dangereux de par le choix du matériau ou de leur conception. Je dirai même qu’aujourd’hui, les fabricants sont souvent des précurseurs. A titre d’exemple, je citerai les sols synthétiques qui sont une réussite tant du point de vue de la fabrication que de l’utilisation. Il faut souligner la surenchère actuelle avec des produits innovants qui accroissent les coûts d’investissement : ces produits ne devraient pas s’apparenter à des articles de mode que l’on change saison après saison. Plus les jeux seront sophistiqués, plus leur coût d’entretien sera important.

Mais la normalisation et la réglementation, aussi précises soient-elles, ne peuvent garantir infailliblement une sécurité totale. Resteront bien présents les problèmes liés au caractère ludique des utilisateurs : nul adulte n’est capable d’entrer dans l’imaginaire de chaque enfant pour y découvrir de quelle manière il va « autrement » se servir du jouet qu’on lui propose.

Hugues Ochsenbein est président national honoraire de l’Association des techniciens supérieurs territoriaux de France (ATTF) et membre de la commission Afnor Aires de jeux.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !