"Nager dans les eaux troubles des lendemains, attendre ici la fin, flotter dans l’air trop lourd du presque rien, à qui tendre la main ?" C’est par l’évocation de la chanson de Mylène Farmer "Désenchantée" que Valérie Fournier a clôturé l’assemblée générale de la fédération des ESH, jeudi 15 octobre 2020 à Paris. Assurant que "cette action du tendre la main" a été au cœur des missions des organismes au plus fort de la crise sanitaire et du confinement, véritable "coup de semonce pour chacun", Valérie Fournier a énuméré les actions mises en œuvre par les entreprises sociales pour l’habitat durant cette période. Elles ont "fortement augmenté leur accompagnement des ménages les plus fragiles, déployé des initiatives en direction des personnes âgées ou isolées, pour qui la privation de tout lien social signifiait une précarisation accrue et, surtout, assuré la continuité de service aux habitants avec leurs équipes", a-t-elle rappelé.
Après ce bilan, Valérie Fournier a interpellé la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, sur les attentes des organismes pour faire "plus et mieux" en matière d’accès au logement dans le parc social. "Sortons des interdits budgétaires […] Il faut appliquer le 'quoi qu’il en coûte' [martelé par le président de la République dans son discours aux Français le 12 mars 2020, annonçant le confinement imposé par la crise sanitaire] dans ces secteurs de l’économie de la vie, comme la santé et le logement social!" Et Valérie Fournier de demander, en premier lieu, le maintien des forfaits de la réduction de loyer de solidarité (RLS) au niveau fixé au 1er octobre 2020 et la baisse du taux du livret A "en dessous du plancher du 0,5 %".
La fédération demande à sécuriser le statut des groupements de bailleurs sur le régime de TVA
Ces deux requêtes n’ont pas obtenu de réponse spécifique de la part de la ministre dont une allocution filmée a été diffusée. Emmanuelle Wargon a d’abord salué "l’effort des ESH pour jouer le jeu des regroupements prévus par la loi Elan", en précisant que "sur les 64 ESH concernées, 52 ont achevé leur réorganisation ou sont en passe de le faire, quand les autres sont en bonne voie". Confirmant que les SA HLM ont "répondu activement aux injonctions de la loi Elan en la matière", Valérie Fournier a toutefois alerté la ministre sur les effets de l’article 45 du projet de loi de finances pour 2021 relatif au régime de TVA appliqué aux groupements. Lequel article consiste en une transposition d’une directive européenne, qui prévoit de considérer un groupement comme un assujetti unique au régime de TVA, et de ne plus se baser sur l’assujettissement des membres de ce groupe.
Dans sa rédaction, cette disposition risquerait de s’appliquer "aux groupes HLM comme aux SAC", explique Didier Poussou, directeur général de la fédération des ESH, sans tenir compte de leur statut spécifique prévu par l’article 261 B du Code général des impôts. "Aujourd’hui, dans un système de groupe HLM, le régime de TVA sur les prestations est celui qui s’applique à chacun des organismes membres. Comme ces derniers ne sont pas soumis à la TVA, le groupe en est également exonéré", explique Valérie Fournier. Si cet article venait à s’appliquer aux groupes et aux SAC, "on risquerait d’avoir une augmentation de 20 points sur le coût de la prestation, alors que des groupements HLM viennent tout juste de se constituer", craint la présidente de la fédération. De son côté, la ministre déléguée au Logement s’est engagée à "vérifier que la transposition d’une directive n’aura pas d’impact négatif sur les regroupements".
Celle qui est aussi directrice générale d’Immobilière 3F depuis le mois de juillet dernier ne pouvait conclure son propos sans avoir un mot pour Action logement qui verra ses ressources ponctionnées d’1,3 milliard d’euros dans le cadre du PLF 2021 (lire AEF info ici et là) et alors que les négociations se poursuivent pour décider du sort de la participation des employeurs. "Le financement de la Peec n’est en aucun cas accessoire", il est au contraire "essentiel" et "sa remise en cause conduira inexorablement à la remise en cause de l’activité de tout notre secteur", a-t-elle averti. En retour, la ministre du Logement a assuré de son "soutien pour ne pas déstabiliser cet acteur, pour maintenir sa gestion paritaire, et maintenir son investissement dans la construction et le développement de logement social".
En 2022, une modification des statuts pour "tenir compte de l’évolution du tissu"
Aux membres de la fédération et aux entreprises sociales pour l’habitat, Valérie Fournier a donné rendez-vous le 24 juin 2021 pour la prochaine assemblée générale. Laquelle entérinera le travail collectif sur "la raison d’être" des SA HLM en tant que sociétés d’intérêt général (lire sur AEF info). Cette démarche de réflexion, qui devait être présentée à l’AG de ce jeudi, a été quelque peu contrariée par la crise sanitaire et Valérie Fournier a dû troquer certains des déplacements de sa tournée régionale contre des visioconférences. Elle entend donc prolonger les échanges avec les ESH des différents territoires, et, si le contexte le permet, "faire une vraie tournée régionale au printemps prochain". De premiers sujets ont toutefois émergé des échanges de ces derniers mois, au premier rang desquels "l’évolution de nos missions sur le logement très social, l’accompagnement social, des points sur lesquels nous n’étions peut-être pas totalement mobilisés il y a dix ans de cela".
Viendra ensuite le temps, d’ici l’année 2022 selon Valérie Fournier, "de changer les statuts de la fédération pour tenir compte de l’évolution du tissu. Même si les ESH arrivaient avec moins de difficultés que les offices sur la loi Elan, elles ont aussi vécu un système de regroupement capitalistique ou en SAC".