HAUTE-NORMANDIE Compter sur le passé et l’avenir industriels

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Le tribunal de commerce a fini par prononcer, mi-octobre, la liquidation de la raffinerie Pétroplus, à Petit-Couronne (Seine- Maritime). Près de 500 chômeurs de plus, 10 % du trafic du port du Havre rayés d’un trait de plume. Mais les Normands ne renoncent pas. « La situation économique est très difficile, le contexte compliqué, et nous nous trouvons, sur le plan de l’emploi, face à un champ de ruines, explique Nicolas Mayer-Rossignol, conseiller régional délégué aux entreprises. Mais la Haute-Normandie est un territoire industriel qui dispose de savoir-faire. Cela permet de se mobiliser. L’usine de Cléon a été retenue par Renault pour la fabrication des moteurs de voitures électriques de tout le groupe, et sans doute d’autres. L’éolien est une filière d’avenir avec une ferme offshore face à Fécamp, la réouverture de l’appel d’offres de la ferme face au Tréport, la création de près de 1 000 emplois entre les sites de construction et d’assemblage d’éoliennes du Havre et de Fécamp. La région est la troisième en termes d’emplois pour la filière aéronautique nationale, dont les carnets sont pleins pour plusieurs années. La plasturgie, liée à l’industrie du verre, découvre de nouveaux marchés dans l’automobile, l’éolien. La volonté de la région est de découvrir les métiers, voir leurs réalités et leurs perspectives, et construire les formations. »

Économie régionale

La Haute-Normandie semble en fait vivre avec un temps d’avance, se projeter dans le futur. Les responsables politiques et économiques voient les atouts - réels - dont la région dispose pour rebondir après la crise. D’autres, plus pratiques, rappellent pourtant que la crise est bien présente, toujours là. « La crise n’est pas terminée, commente Nicolas Mayer-Rossignol. La stratégie de la région est de s’appuyer sur ce qui fonctionne le mieux, ce qui semble le plus d’avenir, pour structurer les filières sur le territoire. Notre avantage est d’avoir des finances saines, des capacités d’investissement. » En bon Normand, chacun veut en fait se féliciter autant de la prudence que de l’esprit conquérant d’une région qui met surtout sa géographie en avant comme gage de son avenir. En effet, 500 000 entreprises bordent l’axe de la Seine, de Paris à la Normandie, le tiers de l’activité économique française. Les élus haut-normands ne voient pas du tout la « crise terminée », mais entendent trier les « fausses promesses » et définir un « contrat de développement économique ». Enterrée ainsi la ligne à grande vitesse Paris-Le Havre, estimée à plusieurs milliards d’euros mais non financée, présentée comme nécessaire au projet du Grand Paris. On préfère parler d’un axe Seine-Paris. Les élus ne se situent pas en avant non plus pour le projet de canal Seine- Nord, craignant surtout de voir Le Havre débordé par l’intérieur par les ports du Northern Range : Rotterdam, Anvers, Hambourg, etc.

Économie du BTP

Le chômage a fortement progressé à la fin du premier semestre 2012. Il reste cependant un peu supérieur à la moyenne nationale, à 10,7 % des actifs ; la région n’est pas bien classée, mais n’a pas décroché.

De façon moins attendue, le BTP demeure « un moteur de croissance », selon l’Institut de la statistique. « On a tout et son contraire, confirme Pascal Dufour, secrétaire général de la Capeb régionale. Le neuf est très compliqué, mais le nombre de constructions reste élevé. On observe une dynamique volontariste en collectif, de la part des bailleurs sociaux, mais des projets de collectivités sont bloqués faute de financement. La rénovation est stable. Les entreprises du bâtiment les plus fragiles ont fermé, les plus solides tiennent, mais leur trésorerie ne s’améliore pas et les chantiers sont toujours plus tendus sur le plan budgétaire. L’augmentation du coût des matériaux et la loi LME enfin ne leur facilitent pas le travail. Les entreprises engrangent des commandes, mais attendent encore avant d’embaucher. Elles savent qu’elles auront besoin de main- d’œuvre, mais elles veulent privilégier la compétence pour la reprise, notamment sur le thermique. Celui-ci sera le grand enjeu de la rénovation. Et ceux qui, déjà, font de la rénovation thermique sont les mieux placés, même si ce n’est pas toujours flagrant. »

Les chiffres de la construction présentent aussi « tout et son contraire ». Les autorisations de construire diminuent en maisons et en collectif début 2012, mais progressent en non-résidentiel, peu en entrepôts, beaucoup en hôtellerie ( 150,6 %) et en locaux pour l’artisanat ( 120,5 %). Globalement, sur une année, le nombre des constructions autorisées a progressé de 6,1 %, les mises en chantier de 9,3 %, et auraient encore repris à l’été, celui des locaux non-résidentiels baisse de - 9,3 %. Les travaux publics plongent, avec une faible visibilité. L’emploi dans le bâtiment est toujours orienté à la baisse, intérim compris.

Dans le négoce, des visions différentes selon les spécialités

« La tendance en début d’année était plutôt moyenne, à cause du mauvais temps, le printemps plutôt mauvais, juillet et août assez convenables, l’automne semble médiocre », observe Philippe Bataille, président régional de la Fédération des négociants bois matériaux. Selon lui, le négoce devrait perdre 2 à 5 % en chiffre d’affaires dans l’année, les préparations de budgets pour 2013 se situant à - 5 % en volumes. « Les menuisiers et charpentiers ont un fond de clientèle, et de bons carnets de commandes. On relève une bonne santé de la construction à ossature bois en Normandie. Les couvreurs également se portent bien, et ces métiers creusent un écart énorme avec la maçonnerie, par exemple, qui court à la catastrophe. Les permis sont en baisse de 20 %, les mises en chantier de 10 % sur les maisons individuelles. La rénovation apparaît assez stable. En Seine- Maritime, Le Havre et sa région semblent aller plutôt mieux, Rouen moins bien, mais dans l’Eure, le marché est très bas. En fait, l’ensemble du bâtiment est mieux soutenu par le collectif, mais ces marchés ne concernent pas les négoces comme les nôtres. » Les petites structures vont mieux.

Les entreprises artisanales plus anciennes résistent mieux

« Il n’y a rien de catastrophique, relève de son côté Jean-Luc Germain, de la Fédération des négociants en quincaillerie. Quelques-uns souffrent, d’autres sont au-dessus ; ce n’est pas l’euphorie, et les indépendants se portent sans doute mieux parce qu’ils peuvent jouer sur leurs marges. Les Normands sont des gens prudents, moins « m’as-tu-vu » qu’ailleurs, ils étalent peu, ne provoquent pas de problèmes de paiements, sauf cas exceptionnel. Ce sont souvent les auto-entrepreneurs qui tombent, par manque d’expérience. Les entreprises plus anciennes, et plus importantes, n’ont parfois aucune visibilité ni carnet, pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, puis elles voient du jour au lendemain beaucoup de projets se décanter. Je pense qu’il ne faut pas entretenir de catastrophisme. »

« Les petites structures du bâtiment vont mieux que les plus grosses entreprises qui sont confrontées à des problèmes de rentabilité, relève Marc Sauvage, ancien président de la Capeb régionale, et président de la Cellule économique régionale de la construction. L’axe Paris-Le Havre s’en tire plutôt bien, même en secteur rural. En Normandie, la commande publique tire le marché, mais le logement individuel se maintient malgré tout, et l’immobilier industriel soutient l’activité. Mais je crois qu’on commence à arriver dans les difficultés. Il y a moins d’envies de construire, et il y aura de la casse en cascade. Comme un jeu de mikado. Seuls les plus costauds, et les plus compétents, subsisteront. »

« On a une grande ligne de développement, pour 25 ou 30 ans, c’est tout ce qui tourne autour de l’efficacité énergétique, confirme Pascal Dufour. Les entreprises doivent évoluer vers ce grand enjeu, et on observe déjà une prise de conscience de la part des chefs d’entreprise. Mieux connaître les enjeux aidera encore à faire davantage, et c’est la motivation du public qui donnera l’impulsion. »

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Date de réponse 16/10/2025