Le 5 novembre 2018, deux bâtiments de la rue d'Aubagne s'écroulent, faisant huit morts dans le quartier de Noailles, cœur battant et populaire de la cité phocéenne, à deux pas du Vieux-Port. Depuis, des centaines d'immeubles menaçants ont été évacués en urgence, révélant l'ampleur du problème de l'habitat dégradé ou insalubre. Comme un symbole, la locataire d'un studio insalubre a d'ailleurs demandé réparation jeudi devant la justice à son propriétaire... adjoint au patrimoine à la mairie.
Accélération du relogement
« On est toujours dans une situation de crise et d'urgence. Le temps est long, surtout pour les délogés », déplore Florent Houdmon, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre. Les évacuations d'immeubles se poursuivent, menant de nouvelles familles dans des hébergements temporaires, même si « le relogement s'accélère et qu'on arrive désormais à reloger plus vite qu'on évacue », reconnaît-il. Aujourd'hui 603 personnes dorment encore à l'hôtel. Certains habitants ont retrouvé, après plusieurs mois d'inoccupation forcée, des appartements « plus insalubres qu'ils ne les avaient quittés », les propriétaires s'étant par exemple contentés d'étayer la structure de l'immeuble sans traiter le reste, ajoute-t-il.
Ce n'est pas le cas de Zina Mostefa, soulagée d'en avoir fini avec les nuits à l'hôtel. Depuis que cette mère de famille est relogée dans un T3 en bon état du centre-ville, ses quatre enfants ne font plus de crises d'asthme comme dans son ancien logement, perclus d'humidité. Quant à l'avenir, « tout est précaire et provisoire », déplore-t-elle. Des années de travaux sont à redouter dans son ancien immeuble, et personne ne peut dire jusqu'à quand la famille pourra rester dans le nouveau. Impossibilité de se projeter, absence d'intimité à l'hôtel... La situation à Marseille a eu un lourd impact psychologique, « et les angoisses ressurgissent souvent au moment du relogement », explique Evelyne Bachoc, psychologue membre d'un groupe de 18 bénévoles qui offrent leur aide aux personnes touchées.
Expérimentation du permis de louer
Depuis le 1er avril, la municipalité ne finance plus que partiellement les repas des évacués, servis au restaurant universitaire. Débordée par la crise dans les premières semaines, la mairie, épaulée par la métropole, assure faire face désormais. Le maire LR Jean-Claude Gaudin, qui a entamé sa dernière année de mandat après un quart de siècle à l'hôtel de ville, assure qu'il « pensera sans cesse » aux victimes de la rue d'Aubagne « jusqu'à sa mort ».
La métropole a pris une série de mesures pour s'attaquer enfin au problème, qui avait pourtant déjà été soulevé il y a plusieurs années par un rapport officiel. Le permis de louer, notamment, va être expérimenté. L'Etat a promis de débloquer 240 millions d'euros pour des « travaux de réhabilitation d'urgence » de l'habitat.