Professeur de génie civilau lycée du bâtiment Saint-Lambert à Paris, Patrick Nataf a récemment dû montrer à ses élèves comment couler une dalle de béton. « En plus de leur expliquer de long en large comment l’on doit procéder, je me suis servi des produits mis au point par les constructeurs spécialisés dans le métier, en m’appuyant sur leur documentation. En effet, différents fabricants nous avaient fait parvenir, quelques mois avant, un cédérom détaillant leur catalogue. D’autres nous envoient des brochures en papier », explique - t- il. Pour l’enseignant, l’intérêt de ces ressources est clair. « Si l’on veut proposer les cours les plus concrets possibles, c’est très utile. Au même titre que les visites sur les chantiers ou les conférences assurées par les professionnels. Car il est tout de même plus facile de travailler sur de vrais projets que sur des ouvrages fictifs », souligne-t-il encore.
De fait, la mise à disposition d’outils pédagogiques par les entreprises ou les syndicats professionnels aux professeurs est une chose désormais répandue dans le secteur. « Cela fait maintenant une dizaine d’années que de telles d’initiatives se développent. D’une part, parce que le corps enseignant souhaitait développer l’aspect pratique de son enseignement et, d’autre part, parce que la profession a bien compris que plus les élèves sont bien formés, et plus ils sont opérationnels et efficaces ensuite », analyse André Montès, inspecteur général de l’Education nationale, en charge de la centaine de formations en lien avec le BTP. Manière de dire qu’il s’agit donc d’un véritable processus gagnant-gagnant auquel tout le monde participe : entreprises, fédérations et corps enseignant.
Des ressources pédagogiques en ligne
Différents types de ressources sont utilisés. Historiquement, le papier est le premier outil auquel ont eu recours les entreprises pour faire partager leurs secrets : brochures, fiches produits, plans, documents juridiques… En fonction des formations et des modules enseignés, ces ressources papier sont mises à profit pour travailler sur des cas pratiques. Viennent ensuite les supports audiovisuels comme les cassettes, les cédéroms et les DVD. Autant de façons de mettre en forme des informations de manière vivante. « Les DVD, par exemple, permettent de donner une traduction concrète et imagée de la matière étudiée. Et ceci, que l’on se situe au stade du développement, de la production, de l’installation ou de la maintenance. L’autre avantage de cet outil est qu’il permet d’accéder immédiatement à la séquence que l’on recherche », explique Daniel Munoz, directeur de la formation du réseau CCCA-BTP, qui fédère l’ensemble des centres de formation d’apprentis (CFA) du secteur et qui vient, avec l’aide d’Eiffage Construction, de lancer une collection de DVD sur les métiers du gros œuvre.
Participer à la formation des enseignants
Enfin, l’essor d’internet a permis aux entreprises de mettre en ligne, sur leurs sites, des contenus web que les professeurs de l’Education nationale peuvent télécharger librement et utiliser ensuite dans leurs cours. Conclusion : « Plus les outils de diffusion se multiplieront, et plus ce type d’initiatives se développera facilement », assure le professeur Patrick Nataf.
Une nouvelle d’autant plus appréciable que les fédérations, associations professionnelles et entreprises ne se contentent pas de mettre à disposition leur savoir, mais participent bel et bien à la formation des formateurs. Un exemple ? Le CCA-BTP a récemment créé des kits de formation à destination de tous les maîtres d’apprentissage du réseau. « Le kit est disponible dans chacun des centres d’information et de ressources que nous avons mis sur pied dans les CFA du secteur. Cet outil qui mêle plaquettes, DVD et cédérom permet d’actualiser les connaissances du corps enseignant sur l’évolution des métiers, des techniques utilisées et des derniers matériaux mis sur le marché. Il s’agit d’un processus continuel, qui nécessite de rester toujours en adéquation avec la réalité de la filière. Ainsi, nous venons de signer une convention avec l’Ademe pour lancer un produit visant à former nos maîtres d’apprentissage à la thématique du développement durable, qui va devenir centrale dans les prochaines années », détaille Daniel Munoz.
Informer pour mieux orienter
Encore plus fort, désormais le Centre d’études et d’industrie du béton (Cerib) accueille, chaque été, dans ses propres locaux, des professeurs en « stage d’actualisation des connaissances » (voir encadré). Un bémol toutefois : si des professions comme le béton, le bois et l’acier sont en pointe, d’autres, notamment les métiers du second œuvre, ont encore des progrès à faire. Mais pas d’inquiétude : « Il s’agit pour nous d’un axe à développer dans les prochaines années. Du reste, nous travaillons actuellement sur plusieurs projets avec les fédérations de ces métiers », rassure André Montès, de l’Education nationale.
Autre chantier enfin : la sensibilisation des professeurs généralistes des collèges et lycées. La classe de troisième est ainsi devenue un objectif important pour les professionnels de la filière. Logique, lorsque l’on sait qu’il s’agit de l’année au terme de laquelle les élèves (et leurs familles) doivent réaliser un choix d’orientation de première importance pour leur avenir.
« Au regard de nos colossaux besoins de recrutement, autant commencer à présenter nos métiers le plus en amont possible. Or, cela nécessite de les présenter aussi à des professeurs qui ne nous connaissent pas forcément très bien », explique Corinne Le Sciellour, directrice de la communication de la FNTP. Elle s’est, à ce titre, chargée de mettre en place puis de diffuser les 3 000 kits de découverte des métiers des TP disponibles dans les 7 000 collèges de France.
De son côté, la FFB a également décidé d’envoyer à tous les professeurs des collèges des informations sur ses publications. La preuve qu’il n’est jamais trop tôt - ni trop tard - pour (se) former.