Formation : chez Constructys, le règne du grand flou

Prenant acte de l’annulation par la justice de son arrêté d’agrément, Constructys a suspendu jusqu’à nouvel ordre les engagements et les paiements sur les fonds de la formation. Mais l’Etat a annoncé le 7 juillet avoir interjeté appel de la décision, avec demande de sursis à exécution.

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L'annulation de son arrêté d'agrément génère une situation d'insécurité juridique au sein de l'Opco.

Tsunami au sein du paysage de la formation dans le BTP. A la suite d’un recours formé en juin 2019 par la CGT construction, le Tribunal administratif de Paris a annulé, le 29 juin, l’arrêté d’agrément du 29 mars 2019 de Constructys, l’opérateur de compétences du secteur.

En cause ? L’accord de branche constitutif de l’Opco, sur la base duquel a été délivré ledit agrément, prévoit concernant la composition du conseil d’administration de l’organisme des mesures plus limitatives, à plusieurs titres, que le Code du travail. Des stipulations qui ont eu pour effet d’exclure la CGT, non signataire du texte.

« Une situation intenable »

Or, d’après le Code du travail, l’agrément est accordé lorsque les Opco sont dirigés par un CA « permettant d’assurer une représentation de l’ensemble des organisations syndicales et des organisations d’employeurs relevant des branches adhérentes » de l’organisme. La ministre du Travail ne pouvait dès lors valablement agréer Constructys.

Conséquence : si les employeurs peuvent continuer à transmettre leurs demandes de financement à l’Opco, et que ses collaborateurs continuent à les instruire, l’organisme a suspendu jusqu’à nouvel ordre les engagements et les paiements sur les fonds de la formation.

« Une situation intenable à moyen comme à court terme : la filière de la formation est menacée d’une mise à l’arrêt, réagit Olivier Donnay, secrétaire national à la CFDT Construction, qui se dit également très préoccupé par le sort des 400 collaborateurs de l’Opco. Les entreprises ont besoin de remboursements concrets pour les sessions déjà suivies par leurs employés, mais aussi de la certitude d’obtenir leur financement pour les démarches qu’elles avaient prévu d’initier. »

« S’agissant des CFA, on peut estimer qu’ils ont reçu, à cette période de l’année, environ 80 % des sommes finançant leurs coûts contrats, évalue Joël Ellen, secrétaire fédéral à la CGT Construction. De sorte que la situation n’est à ce jour pas dramatique, mais il faut remédier, et vite. »

Insécurité juridique

« Quant aux autres conséquences concrètes du jugement, c’est le plus grand flou qui règne », reprend Olivier Donnay, qui pointe une insécurité juridique sur les deux années qui viennent de s’écouler.

De nombreuses questions demeurent en suspens. « Puisque l’agrément n’aurait pas dû être délivré, on peut s’interroger sur une éventuelle remise en cause des décisions prises depuis avril 2019, soulève le responsable cédétiste. Ce jugement a généré un véritable branle-bas de combat : nous ignorons ce que va devenir l’Opco.»

Chez Constructys comme au sein des organisations concernées, les juristes travaillent ainsi d’arrache-pied  sur cette situation inédite dans le monde de la formation.

Plusieurs pistes ont été imaginées, comme l’intégration du secteur de la construction au sein de l’Opco interindustriel (2I), ou encore la publication d’un texte délivrant un agrément exceptionnel de plusieurs mois à Constructys, afin de permettre aux partenaires sociaux de se mettre enfin d’accord autour de nouveaux textes. C’est précisément le blocage du dialogue social qui a entraîné, il y a plus d’un an, la mise sous administration provisoire de l’organisme.

Mais pour l’heure, l’Etat a annoncé le 7 juillet avoir interjeté appel de la décision du 29 juin. L’appel contre un jugement administratif n’étant en principe pas suspensif, il a assorti son recours d’une demande de sursis à exécution auprès de la cour d’appel.

« Une requête destinée à gagner du temps compte tenu du « chamboulement » que risque de provoquer ce jugement », devine Joël Ellen. Côté CGT comme CFDT, on affiche une volonté de reprendre les négociations afin de sauver l’Opco. «La raison doit l’emporter sur des passions allant à encontre des intérêts des salariés et des entreprises », assène Joël Ellen. Affaire à suivre.

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