Comment faire face au mal-logement à l’échelon local ? Comment mobiliser les élus sur la question ? A quels outils ces derniers ont-ils recours ? Comment se répartir les compétences ?... sont autant d’interrogations auxquelles tentera de répondre la Fondation Abbé-Pierre à travers son colloque « Inégalité territoriales et mal-logement », organisé ce 5 novembre à Lille.
L’organisation a conduit une enquête entre mars et juin 2019 sur 12 sites identifiés par ses agences régionales. Objectif : documenter les situations de mal-logement et croiser l’analyse des différents acteurs rencontrés (élus, opérateurs, associations, techniciens) quelques mois avant les élections municipales.
Et pour la Fondation Abbé-Pierre, le bilan est contrasté. Car si les collectivités territoriales tendent à s’emparer des problématiques du mal-logement, les obstacles s’accumulent : difficulté d’appropriation d’un cadre législatif et réglementaire en évolution, complexité à décliner des politiques nationales au niveau local… Elles peinent également à s’organiser dans la répartition des compétences, notamment à travers les nombreux dispositifs mis en place pour les ménages défavorisés.
Décalage
« L’hébergement est une prérogative de l’Etat tandis que les moyens d’accompagnement social dédiés aux plus défavorisés sont partagés entre les départements, l’Etat, les CCAS [caisses centrales d’activités sociales, qui gèrent les activités sociales, dont les séjours de vacances et les assurances – NDLR] et les métropoles », observe l'organisme dans la présentation du colloque. Sans compter, les EPCI qui sont depuis 2004 les chefs de files des politiques locales de l’habitat.
« Les règles nationales sont souvent vécues comme « aveugles » aux spécificités locales, poursuit la Fondation Abbé-Pierre. Cette critique dénonce la technicité et l’uniformité des dispositifs ou directives « imposés d’en haut » […] mais également, parfois, des orientations fondamentales de la politique publique. » Un décalage qui se traduit notamment sur les territoires d’Outre-mer où « les mécanismes de financement aboutissent trop souvent à la production de logements inadaptés tant sur le plan des typologies, que de la forme urbaine ou du niveau de prix. »
Technicité des sujets
Surtout, pour la fondation créée en 1992, ces difficultés soulignent une politique du logement souvent caractérisée « par une succession ininterrompue de réformes […] qui se déploient sans être vraiment préparées ni accompagnées sur le terrain. » En outre, la problématique du mal-logement peut être minimisée, faute d’une « culture locale » de l’habitat et du logement.
D’autres problématiques s’ajoutent : les réticences des élus à agir, l’éparpillement des compétences entre institutions, la technicité et la sensibilité du sujet du mal-logement, notamment sur les questions de précarité énergétique d’habitat indigne. « L’habitat privé reste un sujet sur lequel les élus des communes se sentent souvent peu légitimes pour intervenir, malgré la compétence de pouvoirs de police du maire », poursuit la Fondation Abbé-Pierre
Malgré ce constat, l’organisation observe une prise en compte croissante des phénomènes de mal-logement par les élus locaux. Les communes acceptent de plus en plus la construction de logements locatifs sociaux sur leur territoire. La mise en place d’instances, comme les Conférences intercommunales du Logement, « forcent les acteurs locaux à aborder les questions sensibles d’équilibre de peuplement et de mixité sociale dans le cadre institutionnel. » Des améliorations encore trop timides pour éradiquer le mal-logement.