L'obligation réelle environnementale (ORE) est un instrumentum méconnu du grand public et encore peu employé par les professionnels de l'immobilier. Instauré par la pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ce contrat permet au propriétaire d'un terrain d'imposer une protection environnementale sur son propre bien immobilier. L'ORE est également utile aux entreprises qui peuvent ainsi remplir leurs obligations en termes de compensation environnementale.
Un dispositif contractuel foncier…
L'ORE est une convention ayant pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques (). Elle permet à tout propriétaire de terrain d'envisager une protection environnementale de son bien par la contractualisation d'une obligation réelle avec une entité publique. Le propriétaire signataire d'une ORE peut être un particulier, une entreprise ou, encore, un établissement privé qui agit pour la protection de l'environnement.
Contribution volontaire ou stratégie foncière. Un propriétaire privé peut souhaiter agir de lui-même en faveur de la biodiversité, en apportant une contribution écologique sur son bien. Il peut, par exemple, choisir de maintenir une espèce de faune ou de flore, voire de réintégrer ou de restaurer de la biodiversité sur son terrain.
Pour un acteur immobilier, cet outil est l'un des moyens lui permettant d'anticiper l'obligation de compenser les atteintes prévues ou prévisibles de son projet sur la biodiversité qui serait imposée par les autorités administratives.
Contrat de droit civil. L'ORE est un contrat de droit civil qui comprend un engagement réciproque du propriétaire et du cocontractant. Il pourra s'agir d'obligations de faire ou de ne pas faire. A titre d'exemple, un propriétaire foncier peut s'engager à réhabiliter des cultures humides en prairies ou, encore, à ne pas supprimer d'arbres sur sa propriété.
En contrepartie, la personne publique cocontractante peut opter pour un soutien financier ou matériel au bénéfice du propriétaire. Ainsi, une collectivité peut envisager de mettre à disposition du propriétaire des plants d'arbre participant à la restauration de la biodiversité globale dans la zone géographique où se situe le bien.
Durée et modalités. La convention d'ORE doit prévoir une durée, qui peut aller jusqu'à 99 ans. En moyenne, les contrats sont signés pour 30 à 70 ans. L'ORE est une obligation réelle, ce qui signifie qu'elle est attachée au bien immobilier - non à la personne - et se transmet automatiquement aux propriétaires successifs, pour la durée de la convention.
Parmi les dispositions devant impérativement être intégrées au contrat, figurent une clause de révision et une clause concernant les conditions de la résiliation. L'objectif est d'assurer la pérennité et l'équilibre de la convention.
A noter encore que le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut, à peine de nullité absolue, mettre en œuvre une ORE qu'avec l'accord préalable du preneur et sous réserve des droits des tiers (art. L. 132-3, dernier alinéa, du Code de l'environnement).
… simple à formaliser et présentant de nombreux atouts…
Le contrat d'ORE induisant une obligation réelle, il fera nécessairement l'objet d'un acte authentique notarié, enregistré au service de la publicité foncière.
Fiscalité réduite. D'un point de vue fiscal, ce contrat n'occasionne pas de coût, puisqu'il n'est pas passible de droits d'enregistrement. Il ne génère pas de perception de la taxe de publicité foncière (articles et du Code général des impôts) ni la contribution de sécurité immobilière prévue à l'article 879 du même code.
Pour les propriétaires fonciers, l'intérêt de signer une ORE réside dans la transmission d'un bien immobilier grevé d'une obligation environnementale, dans le cadre d'une succession ou d'une donation. C'est une manière de préserver un terrain dans la durée.
Pour les collectivités locales, la conclusion d'une ORE est un engagement de soutien environnemental à un projet ou à un bien, dans une zone géographique que la collectivité entend protéger en favorisant la biodiversité, dans le but d'éviter l'artificialisation des sols.
Compensation environnementale. Pour les acteurs immobiliers, l'ORE peut être judicieusement utilisée à des fins de compensation environnementale. Lorsqu'une opération projetée est susceptible d'avoir un impact résiduel significatif sur la biodiversité, des mesures compensatoires doivent être engagées. Dès lors, plusieurs modalités s'offrent au débiteur de cette obligation : la mise en œuvre par lui-même, la délégation à un autre acteur ou, encore, l'acquisition d'« unités de compensation » dans le cadre d'un site naturel de compensation.
Si le maître d'ouvrage met lui-même en œuvre les mesures de compensation, il peut conclure une ORE avec l'une des personnes visées à l'(cf. supra). Il doit alors disposer des compétences techniques nécessaires et doit être propriétaire du bien visé par l'ORE.
Dénuée de valorisation commerciale «automatique», l'ORE participe, par ricochet et par l'effet du temps, à mettre en valeur tout le foncier environnant.
Il peut également choisir de confier la réalisation des actions compensatoires à un opérateur dédié. Dans cette hypothèse, deux mécanismes contractuels s'entrecroisent : celui du contrat de compensation entre le maître d'ouvrage, débiteur de l'obligation de compensation, et l'opérateur de compensation, d'une part ; celui du contrat d'ORE signé entre le propriétaire du foncier et l'opérateur de compensation. Ici, le débiteur de l'obligation de compensation environnementale délègue la réalisation de la compensation. Il n'est pas non plus nécessairement le propriétaire du foncier sur lequel la compensation doit être inscrite.
Enfin, l'obligation de compensation peut être remplie par l'acquisition d'« unités de compensation » auprès d'un site dédié. Ainsi, un promoteur, en s'engageant à travers une ORE, pourrait créer de la valeur écologique sur son terrain, laquelle serait ensuite traduite en unités de compensation, qui pourraient servir à des fins de compensation pour ses futurs projets.
… mais qui reste peu utilisé
Le terrain grevé d'une ORE est « marqué » par sa dimension environnementale. Cette protection n'étant pas habituelle, elle est perçue comme une contrainte économique. Ainsi, avant l'acquisition d'un tel foncier, il peut être conseillé d'analyser précisément la convention d'ORE, afin de déterminer les droits et obligations du propriétaire, et la compatibilité avec le projet envisagé.
Ancrage environnemental. Si la restauration de la biodiversité d'un terrain ne garantit pas une valorisation commerciale « automatique », celle-ci optimise l'ancrage environnemental du foncier concerné. Il s'agit d'un autre type de valorisation qui, par ricochet et par l'effet du temps, participe à la mise en valeur de l'ensemble du foncier environnant. Près de quatre ans après sa création et malgré ses atouts, l'ORE n'est pas encore assez connue
ni utilisée de façon optimale par les acteurs de l'immobilier. Certes, les praticiens manquent encore de recul pour évaluer le dispositif. Mais il conviendra, sans nul doute, de le faire évoluer pour le rendre plus efficace et attrayant.