Décryptage

Finances publiques : la rigueur fait son grand retour

Trouver 61 Mds € d'économies, tel était le défi lancé par Michel Barnier. Pour le relever, le projet de budget 2025 élaboré par le gouvernement préconise une baisse de 41 Mds € des dépenses qui n'épargnera pas les acteurs de la construction.

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Les collectivités passent à la caisse

Si elles représentent 20 % de la dépense publique, les collectivités ne se voient demander que 12,5 % de « l'effort exceptionnel » réclamé par le projet de loi de finances (PLF), présenté le 10 octobre en conseil des ministres. C'est avec ces chiffres que Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, tente d'adoucir le choc. Le coup de rabot se limite à 2 % de l'ensemble des budgets publics locaux, calcule son entourage. Surtout, l'Etat ne touche ni à la dotation globale de fonctionnement, ni à ses dotations dites de droit commun, dédiées à l'investissement local, à l'équipement des territoires ruraux, à la politique de la ville et à l'investissement des départements, soit un total de 1,8 Md € en crédits de paiement pour 2025. Cette stabilité tempère le régime sec imposé au Fonds vert, réduit à 1 Md € contre 2,5 Mds € budgétés en 2024. « Il faut noter que c'est un fonds récent, donc les collectivités territoriales se l'approprient un petit peu moins », relativisent les conseillers de la ministre.

Le reste de l'effort demandé prendrait la forme d'un « fonds de réserve » prélevé sur les recettes de fonctionnement des 450 « plus grandes collectivités », à savoir celles disposant d'un budget de fonctionnement dépassant 40 M€. Ce dispositif affecterait 2 % des recettes au profit d'un fonds d'épargne remboursable ultérieurement par l'Etat. Catherine Vautrin épargnerait cette ponction à 20 départements et collectivités territoriales uniques, considérés comme fragiles.

Par ailleurs, le gel de la revalorisation annuelle des recettes de TVA touchées par les collectivités économiserait 1,2 à 3 Mds €. Quant à la suspension du fonds de compensation de la TVA acquittée par celles-ci, elle affecterait les budgets locaux à hauteur de 800 M€.

Déceptions en chaîne pour le logement

Il faut y voir un « recalibrage », et non un « renoncement à l'ambition écologique » du gouvernement Barnier, assure le nouvel exécutif : le budget 2025 de MaPrimeRénov' devrait s'établir à 2,5 Mds €. Sous-utilisée en 2023 et en 2024, cette aide à la rénovation énergétique des logements privés avait déjà été rabotée de 1 Md € en cours d'année.

Autre enseignement du PLF : la réduction de loyer de solida

rité (RLS) ne sera pas supprimée contrairement à ce que souhaitaient les bailleurs sociaux. Cet effort annuel de 1,3 Md € sera « stabilisé », annonce le ministère du Budget. « Autrement dit, le gouvernement respectera l'engagement pris sous Edouard Philippe en 2019 », d

écrypte Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat. En témoigne la non-prise en compte de l'inflation sur un an, une mesure de compensation applicable depuis 2020. Un amendement sera voté et un autre est annoncé sur le front de la rénovation du parc social. Celui-ci concerne les 200 M€ de crédits gelés cette année par le précédent gouvernement qui seront réinjectés dans le budget 2025, assure Valérie Létard, la ministre du Logement et de la Rénovation urbaine.

Les enveloppes dédiées au soutien à la rénovation du patrimoine HLM sont passées « de 1,2 Md € pour trois ans - selon un engagement pris au Congrès HLM 2023 par l'ancien ministre du Logement, Patrice Vergriete - à 378 M€ pour deux ans », calcule Marianne Louis, pointant l'impossibilité de relever les défis de décarbonation et d'éradication des passoires avec une telle « dégradation » du soutien public.

De leur côté, les promoteurs immobiliers n'ont pas réussi à convaincre le gouvernement de prolonger le Pinel, qui ne figure pas dans le projet de budget. Et ce, « malgré le récent rapport de la Cour des comptes assez favorable au dispositif », souligne la FFB. Son extinction est prévue le 31 décembre.

Face à une crise de la demande qui s'éternise, l'idée d'un prêt à taux zéro plus massif n'est pas non plus reprise dans le PLF. Mais l'extension « à tout le territoire pour les primo-accédants » fera bien l'objet d'un amendement, promet le gouvernement. Les modalités de mise en œuvre de la mesure seront là aussi discutées avec les parlementaires. La FFB espère que cet élargissement concernera les acquéreurs de maisons individuelles.

Les infras prêtes à revivre 2023

L'Etat a marqué sa volonté d'investir dans les transports collectifs en fléchant 2,7 Mds € des crédits affectés à l'Afit France pour les financer. Reste que l'enveloppe globale dédiée aux infrastructures de mobilité, elle, n'échappe pas à la cure d'austérité. Là où l'agence disposait de 4,6 Mds€ de crédits de paiements en 2024, le prochain exercice verra ses moyens issus des taxes affectées reconduits au niveau de 2023.

Or, son budget effectivement exécuté sur cette dernière période était de 3,6 Mds €.

Néanmoins, le ministère chargé des Transports ass

ure qu'il fera en sorte d'éviter les interruptions de chantier de constructions neuves, rappelant que la priorité du budget ira à l'entretien et à la rénovation des réseaux pour ne pas laisser le patrimoine se dégrader, « y compris pour des raisons de sécurité ».

Energie : un simple « retour à la normale » ?

Les crédits dédiés à la mission écologie apparaissent en hausse, à 16,8 Mds € en autorisations d'engagement. Mais pour la ministre de la Transition écologique et de l'Energie, Agnès Pannier-Runacher, « il en va plutôt du retour à la normale. Le budget assume des réductions de dépenses de certaines politiques publiques et écologiques e

t le retour à des trajectoires d'avant la crise énergétique. » Au rayon bonnes nouvelles : 125 M€ seront dédiés aux études de dérisquage des champs d'éoliennes - avec l'objectif de lancer un grand appel d'offres de plusieurs gigawatts en 2025 selon la ministre - et le chèque énergie est « sanctuarisé » à 900 M€. Le soutien à l'installation d'EnR est, lui, porté à 4,4 Mds €. En revanche, il est prévu de relever la taxe sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant la crise énergétique. Agnès Pannier-Runacher s'est engagée à faire en sorte que cette hausse ne pèse pas sur la compétitivité des entreprises, le pouvoir d'achat et l'écologie.

Eau et biodiversité préservées

L'enveloppe dédiée à la Stratégie biodiversité 2030 est fixée à 441 M€ pour 2025, équivalente à l'enveloppe pré-crise de l'énergie, selon le ministère de la Transition écologique. Les agences de l'eau voient leurs redevances maintenues à 2,3 Mds €.

Coup de rabot sur l'apprentissage

L'apprentissage fera également les frais des restrictions budgétaires, avec une coupe de 2 Mds € au total. Instaurée à titre exceptionnel à l'été 2020 sur fond de crise sanitaire pour soutenir l'emploi des jeunes, et régulièrement reconduite depuis, la prime à l'embauche d'un apprenti pourrait voir son montant passer de 6 000 à 4 500 euros. Une baisse qui serait toutefois modulée en fonction du niveau de qualification ou de la taille de l'entreprise. Il est également question de n'appliquer les exonérations de cotisations salariales et patronales dont bénéficient les contrats d'apprentissage que jusqu'à la moitié du Smic, contre 0,79 Smic à ce jour.

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