Depuis sa création en 2008, Systovi (21,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, 87 salariés), filiale du groupe Cetih, n’a cessé de développer son site industriel à Carquefou, près de Nantes. En 2022, l’entreprise a ainsi investi 1,5 millions d’euros dans la conception et la mise en place d’une nouvelle ligne de production de panneaux solaires dernière génération afin de lui permettre de doubler sa production de panneaux pour atteindre près de 100 000 unités par an. En octobre 2023, c’est l’arrivée d’un nouveau laminateur qui lui a permis à nouveau de doubler sa production avec 200 000 panneaux par an, soit l’équivalent de 80 MW de puissance installée.
Soutenue et accompagnée notamment par l’Ademe, la BPI et la région Pays de la Loire, cette stratégie visait à faire émerger filière industrielle du photovoltaïque en France et en Europe. En 2020, Systovi s’était même rapproché du seul autre fabricant français, l’alsacien Voltec Solar (groupe Alsapan-Strub) avec comme objectif de créer un leader français du photovoltaïque. « Il y a urgence à créer un leader français. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ambitionne de passer d’une production de 10 GW actuellement à 44 GW à l’horizon 2028, ce qui représente 4 GW installés par an », indiquait à l’époque François Guérin, directeur général de Cetih, en rappelant que neuf des dix plus grands fabricants de panneaux solaires dans le monde sont chinois.
Accélération du dumping chinois
Alors qu’elle a réalisé un premier semestre 2023 solide, Systovi fait face à de grosses difficultés depuis l’été dernier. Les raisons : une accélération soudaine du dumping chinois, conséquence de l’augmentation du capacitaire et de la fermeture du marché américain liée aux mesures protectionnistes de réduction de l’inflation (Loi IRA). Selon Systovi, faute d’un cadre réglementaire adapté, ce contexte a généré un déferlement de panneaux chinois subventionnés, vendus à perte sur le marché français et européen, et a entraîné une baisse brutale des carnets de commandes.
L’entreprise nantaise s’est alors mise à la recherche d’un repreneur. En vain. Systovi n’a reçu aucune offre et suite à la décision du Tribunal de Commerce de Nantes en date du 17 avril 2024, la société est contrainte d’annoncer la cessation immédiate de ses activités. « Cette décision douloureuse était devenue inévitable. Malgré de très nombreux contacts ayant manifesté un intérêt pour Systovi, aucun n’a concrétisé d’offre » regrette Paul Toulouse, directeur général de Systovi, qui tient à remercier « les 87 collaborateurs, les clients et les partenaires qui se sont engagés avec conviction et enthousiasme pour faire exister le solaire français ».
La France veut rattraper son retard dans le photovoltaïque
La cessation d’activité de Systovi intervient alors que la France a lancé début avril un « plan de bataille » pour doubler le rythme de déploiement des capacités d’énergie solaire sur son territoire d’ici 2030 et soutenir la production de panneaux solaires fabriqués en Europe, face à l’ultra-domination industrielle de la Chine. Le gouvernement compte sur la mise en service de deux usines de panneaux solaires dans le pays d’ici 2025 pour relever le déficit d’industrialisation dans le secteur photovoltaïque, où la France accuse un sévère retard.
La France avait ajouté en 2023 3,2 GW de capacités supplémentaires de production solaire, après une hausse de 2,7 GW en 2022, une progression très lente face aux besoins massifs de décarbonation du pays, pour un total de 19,3 GW. Or, dans sa feuille de route énergétique publiée fin novembre, le gouvernement a avancé à 2035 (au lieu de 2050) l’objectif de parvenir à 100 GW de production solaire.
L’objectif est de « produire en France, d’ici 2030, 40 % des panneaux photovoltaïques que nous utilisons », avait affirmé début avril le ministre de l’Economie Bruno Le Maire après une visite d’un parc photovoltaïque dans le sud de la France.
Avec l'AFP