Les dispositions du code 2006
Quels sont les traits saillants de l’appel d’offres ?
L’appel d’offres est une procédure formalisée définie à l’article 33. Son emploi suppose l’attribution d’un marché à l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base de critères objectifs définis préalablement, après mise en concurrence des opérateurs économiques à partir des besoins établis par le pouvoir adjudicateur et en l’absence de toute négociation. L’appel d’offres ouvert (art. 57 à 59) est celui au cours duquel tout intéressé peut présenter une offre ; il se distingue de l’appel d’offres restreint (art. 60 à 64), qui suppose une limitation du nombre de candidatures par le pouvoir adjudicateur.
Quel est le domaine de l’appel d’offres ?
Dans la pratique, la procédure d’appel d’offres est largement concurrencée par d’autres mécanismes qui ont été créés en raison de ses inconvénients (lourdeur…). Le nouveau Code confirme cette tendance dans les hypothèses classiques, puisque les autres procédures formalisées (procédure négociée, dialogue compétitif et concours) ont été reconduites et parfois étoffées. Par ailleurs, les marchés passés en application d’un accord-cadre peuvent échapper au formalisme induit par l’appel d’offres.
Quel est le déroulement de la procédure d’appel d’offres ouvert ?
La procédure est engagée avec l’envoi à la publication d’un avis d’appel public à la concurrence (AAPC - voir fiche 8), qui déclenche le délai de remise des plis. Les candidats doivent remettre deux enveloppes cachetées : la première enveloppe contient la candidature de l’entreprise ; la seconde contient son offre. Ces deux enveloppes sont insérées dans une troisième qui est adressée au pouvoir adjudicateur. A l’issue du délai indiqué dans l’AAPC, celui-ci procède à l’ouverture des plis (art. 58). En plus du principe du rejet automatique des plis arrivés après la date butoir mentionnée dans l’AAPC, le Code rappelle l’impératif de présentation des pièces demandées, à peine de demande complémentaire ou d’élimination de la candidature (par le pouvoir adjudicateur ou la CAO, voir fiche 7). Cette étape franchie, le pouvoir adjudicateur (ou la CAO) ouvre la seconde enveloppe, examine les offres, puis écarte les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables (définies à l’article 35). Après attribution du marché à l’entreprise ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le Code rappelle que l’entreprise doit produire les attestations et certificats fiscaux et sociaux. S’il ne produit pas ces pièces, la décision d’attribution est retirée et le marché est attribué à l’offre classée en second.
En cas d’offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées, ou encore si aucune offre n’a été déposée, l’appel d’offres est considéré comme infructueux. Dès lors, en plus du possible recours à un nouvel appel d’offres ou à la procédure négociée, l’emploi de la procédure adaptée est à présent prévu à l’article 59-III. L’acheteur public peut déclarer la procédure sans suite à tout moment pour motif d’intérêt général.
Quel est le déroulement de la procédure d’appel d’offres restreint ?
L’avis d’appel public à la concurrence mentionne obligatoirement le nombre minimum de candidats (qui ne peut être inférieur à 5), et facultativement leur nombre maximum. Cependant, si le nombre minimum de candidats n’est pas atteint, le pouvoir adjudicateur peut décider de poursuivre la procédure. L’AAPC peut aussi fixer un nombre minimum de PME admises à concourir. L’admission des candidatures est ici distincte de celle des offres puisque ces deux phases se succèdent dans le temps. Après sélection des candidatures, les candidats retenus se voient adresser une lettre de consultation, qui fait courir le délai de dépôt des offres, et qui contient tous les renseignements utiles (listés à l’article 62) relatifs à celles-ci. Après l’envoi de leurs offres par les candidats, la sélection de celles-ci se déroule dans les mêmes conditions qu’au cours d’un appel d’offres ouvert.
Les délais de dépôt des offres sont-ils uniformisés ?
Non. Pour l’appel d’offres ouvert, seul le délai de réception des offres est réglementé : il ne peut être inférieur à 52 jours à compter de la date d’envoi de l’AAPC. Certaines circonstances engendrent des réductions de délai : la présence d’un avis de préinformation, le fait que le marché soit un marché de travaux inférieur à 5 270 000 euros HT, l’usage des voies électroniques dans la procédure (innovation du Code de 2006), ou en présence d’une situation d’urgence.
L’appel d’offres restreint suppose en revanche un traitement successif des candidatures et des offres : l’avis d’appel public à la concurrence marque ici le point de départ du délai de dépôt des candidatures, qui est de 37 jours, mais qui peut être réduit dans certaines situations (urgence, marchés de travaux de moins de 5 270 000 euros HT, voie électronique). Après sélection des candidatures, l’envoi de la lettre de consultation marque le point de départ du délai de dépôt des offres, qui est en principe de 40 jours. Il existe là aussi plusieurs exceptions, qui viennent raccourcir le délai (présence d’un avis de préinformation, urgence, voie électronique), ou l’allonger (visite sur les lieux d’exécution du marché, impossibilité de respecter le délai fixé).
Les implications pratiques
- Corrélativement à la disparition de l’offre irrecevable, le Code fait émerger les notions d’offre irrégulière et d’offre inappropriée, qui sont définies à l’article 35. Si ces deux nouveaux éléments demeurent susceptibles d’interprétation par le juge, la modification rédactionnelle semble davantage guidée par un objectif de clarification et de cohérence que par une évolution réelle de la notion d’offre irrecevable.
- La décision de ne pas donner de suite à l’appel d’offres pour un motif d’intérêt général doit être soigneusement distinguée de la déclaration d’infructuosité : le juge sanctionne en effet lourdement la confusion des deux mécanismes, qui n’obéissent pas du tout au même régime : la CAO intervient forcément dans la décision d’infructuosité, alors que l’auteur de la déclaration sans suite n’est pas précisé par le Code, ce qui pourrait dans certains cas conduire à écarter la CAO au profit de l’autorité exécutive. De plus, les champs d’application respectifs des deux notions sont très différents : l’infructuosité vise des situations précises (carence d’offre, offres inappropriées, offres inacceptables, offres irrégulières), alors que la déclaration sans suite est potentiellement plus large et peut s’appuyer sur tout motif d’intérêt général.
De même, la déclaration sans suite peut intervenir à tout stade de la procédure, ce qui n’est pas le cas de la déclaration d’infructuosité. Enfin, les effets des deux dispositifs sont éloignés, puisque la déclaration d’infructuosité replace et ouvre la procédure en la réorientant éventuellement (à la discrétion de l’acheteur) vers un nouvel appel d’offres, une procédure négociée, ou encore vers une procédure adaptée. A l’inverse, la déclaration sans suite met fin à la procédure sans produire d’autre effet.
Avant le Code 2006 | Avec le Code 2006 |
Les offres inacceptables ou irrecevables ne rentrent pas dans le cadre des motifs d’intérêt général pouvant justifier le fait de déclarer un appel d’offres sans suite. Dès lors, le fait de mettre fin à un appel d’offres en raison de l’incohérence de l’offre (offre inacceptable) constitue un détournement de procédure (CE, 18 mars 2005, « Société Cyclergie »). | Cette jurisprudence semble destinée à être reprise et approfondie dans l’avenir.Le Code distingue désormais l’absence d’offre, les offres inappropriées, les offres inacceptables et les offres irrégulières. Les deux premières hypothèses autorisent le recours à une procédure négociée sans mise en concurrence (35-II-3), alors que les deux dernières permettent d’envisager une procédure négociée avec publicité et concurrence (35-I-1). |
La mise au point du marché ne peut constituer qu’un aménagement de l’offre, et doit rentrer dans le cadre des « modifications non substantielles des conditions d’exécution du marché », qui sont appréciées au cas par cas par le juge, lequel vérifie si la mise au point était de nature à remettre en cause les conditions de l’appel à la concurrence (CE, 27 juillet 1984, « Société Biro »). Une mise au point introduisant dans certaines circonstances des pénalités pouvant dépasser le montant du marché est abusive : la clause la matérialisant est donc nulle (TA Nice, 24 mars 2006, « Société Dégremont ») | Le Code 2006 reformule le paragraphe des articles 59-II et 64-II en rapport avec la mise au point du marché, en venant notamment ajouter que celle-ci ne peut modifier le classement des offres. Cette précision supplémentaire ne semble pas avoir pour vocation de modifier fondamentalement l’état actuel de la jurisprudence. |
Le délai minimal de réception des offres et des candidatures peut être réduit en cas d’urgence, mais les circonstances de passation du marché doivent alors remplir trois conditions cumulatives vérifiées par le juge : la nécessité de procéder dans l’urgence doit être réelle, l’événement justifiant le recours à l’urgence doit être imprévisible, et il doit être indépendant de la volonté de l’acheteur public. (CAA Lyon, 18 décembre 2003, « Préfet du Rhône »). Si l’une de ces conditions manque (ex : l’imprévisibilité), l’urgence n’est pas constituée et la procédure est irrégulière (CE Ass, 5 mars 1999 « Président de l’Assemblée nationale »). | Le Code est, dans sa version 2006, aussi laconique qu’auparavant concernant l’urgence : celle-ci n’est donc pas définie. On peut donc supposer que le juge continuera de s’appuyer sur sa définition établie de longue date. |