La loi Grenelle 2 apporte-t-elle des modifications aux autorisations d’urbanisme ?
Les autorisations d’urbanisme ont fait l’objet ces dernières années d’une profonde réforme visant à simplifier et à clarifier leur champ d’application et leur régime. La loi Grenelle 2 n’apporte pas aux autorisations d’urbanisme de changement majeur mais elle lève les freins qui pouvaient gêner le "verdissement" des projets de construction.
Par ailleurs, la loi confie aux autorisations d’urbanisme le rôle d’assurer le respect de certaines obligations en matière d’économie d’énergie.
Par ces quelques mesures, la loi apparaît en réalité comme une étape vers d’autres modifications à venir, l’article 25 habilitant expressément le gouvernement à modifier le Code de l’urbanisme par voie d’ordonnance afin d’y apporter les corrections nécessaires.
Comment les projets de construction "verte" sont-ils favorisés par la loi ?
Pour permettre le développement de solutions techniques durables, la loi Grenelle 2 prévoit, par une dérogation de principe, que le permis de construire ou d’aménager - ou la décision prise sur une déclaration préalable - ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concernés (art. L.111-6-2 du Code de l’urbanisme - ici).
La liste des dispositifs, procédés de construction et matériaux concernés sera fixée par voie réglementaire.
Cette prescription comporte toutefois de nombreuses limites.
Elle ne fait, en effet, pas obstacle à ce que le permis de construire ou d’aménager - ou la décision prise sur une déclaration préalable - comporte des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.
En outre, cette disposition n’est pas applicable dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, secteurs sauvegardés, immeubles classés ou inscrits et leurs périmètres de protection, etc.
Ce champ d’exclusion peut être étendu sur délibération du conseil municipal (ou de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de PLU) après avis motivé de l’architecte des Bâtiments de France (ABF).
L’avis de l’ABF est réputé favorable s’il n’est pas rendu par écrit dans un délai de deux mois après la transmission du projet de périmètre par le maire ou le président de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme.
La disposition entrera en vigueur six mois après la publication de la loi, soit le 13 janvier 2011. Cependant, dès cette date, toute règle nouvelle qui, à l’intérieur d’une zone de protection du patrimoine, interdirait ou limiterait l’installation des dispositifs durables, devra faire l’objet d’une justification particulière.
Les projets de constructions "vertes" bénéficient-ils d’une augmentation des droits à construire ?
La loi Grenelle 2 offre un "bonus de COS" aux constructions "vertes" en permettant un dépassement des règles relatives au gabarit, à la densité d’occupation des sols de 30 % pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique ou alimentées à partir d’éléments d’équipements performants de production d’énergie renouvelable ou de récupération.
Le bénéfice de cette mesure n’est cependant pas systématique et les limites fixées par la loi risquent de réduire son intérêt et contrarier son objectif.
Cette surdensité doit, en effet, avoir été préalablement autorisée par décision du conseil municipal (ou par l’organe délibérant de l’EPCI), ce dernier pouvant décider de moduler le dépassement sur tout ou partie du territoire de la commune, voire de le supprimer dans certains secteurs.
Cette possibilité de dépassement n’est également possible que dans les zones urbaines ou à urbaniser des communes et n’est pas applicable dans les secteurs sauvegardés, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ainsi que dans un site inscrit ou classé. Le dépassement ne peut enfin pas représenter plus de 50 % de la densité autorisée par le coefficient d’occupation des sols ou du volume autorisé par le gabarit (art. L. 128-1 et suivants du Code de l’urbanisme - ici).
Une autorisation de construire peut-elle écarter l’application des règles d’un PLU ?
La réponse est positive pour l’application des règles de densité. L’un des objectifs assigné par la loi Grenelle 1 est la lutte contre l’étalement urbain. L’échelon privilégié pour mettre en œuvre une planification durable du territoire est désormais le schéma de cohérence territoriale (Scot) qui devient, avec la loi Grenelle 2, un outil plus opérationnel. Ainsi, les Scot pourront imposer aux PLU la détermination d’une valeur minimale en dessous de laquelle ne peut être fixée la densité maximale de construction résultant de l’application des règles du PLU (art. L. 122-1-5 VIII du Code de l’urbanisme - ici).
Si ces dernières sont contraires aux normes minimales de hauteur, d’emprise au sol et d’occupation des sols fixées par le document d’orientation et d’objectifs, elles cesseront de s’appliquer passé un délai de 24 mois à compter de la publication du schéma, de sa révision ou de sa modification.
Les permis de construire ne pourront donc plus être refusés sur le fondement d’une règle d’un PLU contraire aux normes minimales fixées par le schéma.
Le contenu des dossiers de demandes de permis de construire est-il modifié ?
Le contenu des dossiers de demandes de permis de construire est peu impacté par les dispositions de la loi Grenelle 2. Par une mesure générale, cette loi prévoit que le permis de construire assure le respect des règles relatives à la réduction de consommation d’énergie des bâtiments. Deux autres mesures visent des cas spécifiques propres à favoriser la mise en œuvre des objectifs du développement durable.
Le dossier de demande de permis de construire devra comprendre désormais, au moment de son dépôt, l’attestation du maître d’ouvrage de la réalisation de l’étude de faisabilité des approvisionnements en énergie et de la prise en compte de la réglementation thermique. Cette mesure est applicable pour les constructions neuves.
Le maître d’ouvrage doit également justifier, à l’achèvement des travaux, par la délivrance d’une attestation à l’autorité qui lui aura octroyé le permis de construire, de la prise en compte :
- des réglementations thermique et acoustique (art. L. 111-9-1 et L. 111-11 du Code de la construction et de l’habitation - ici) pour les bâtiments neufs ou parties nouvelles de bâtiments existants soumis à permis de construire ;
- de la réglementation thermique à l’achèvement des travaux de réhabilitation des bâtiments existants ( art. L. 111-10-2 du Code de la construction et de l’habitation - ici).
Cette personne peut être un contrôleur technique, un diagnostiqueur, un architecte ou un organisme certificateur. Les conditions d’application de cette mesure seront précisées par décret.
Pour certaines constructions, les dossiers de demande de permis de construire devront intégrer des dispositions favorisant le développement des véhicules électriques et des vélos. En effet, toute demande de permis de construire portant sur la construction d’un ensemble d’habitations équipé de places de stationnement individuelles couvertes ou d’accès sécurisé ou portant sur un bâtiment à usage tertiaire constituant principalement un lieu de travail et équipé de places de stationnement destinées aux salariés, devra équiper une partie de ces places de stationnement des gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l’alimentation d’une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et permettant un comptage individuel, ainsi que des infrastructures permettant le stationnement sécurisé des vélos.
Cette disposition est applicable à compter du 1er janvier 2012. Un décret en Conseil d’État en fixera les modalités d’application, notamment le nombre minimal de places selon la catégorie de bâtiments.
Enfin, dans les immeubles qui ne sont pas raccordés au réseau public de collecte des eaux usées, la conception des installations neuves ou à réhabiliter d’assainissement non collectif des eaux usées, devra être jointe à tout dépôt de demande de permis de construire ou d’aménager et fera l’objet d’un examen préalable par les services instructeurs.
La loi Grenelle 2 permet désormais aux communes de procéder au contrôle des installations d’assainissement non collectif avant leur mise en place et réaliser d’office des travaux de mise en conformité, lorsqu’ils s’avèrent nécessaires. L’exécution et la conformité de l’installation sont également vérifiées à l’achèvement des travaux.
L’ABF peut-il encore s’opposer à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme ?
La réponse est négative. Après des débats houleux, la loi Grenelle 2 a finalement mis fin à l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme dans les zones soumises à protection du patrimoine. L’avis conforme de l’ABF est remplacé par un avis simple. En cas d’avis défavorable, la collectivité transmet le dossier au préfet de région qui rend, dans le délai d’un mois maximum, un avis se substituant à celui de l’ABF. Si le préfet est en désaccord avec l’ABF ou s’il ne répond pas dans le délai de deux mois, le maire peut délivrer l’autorisation d’urbanisme ( art. L. 621-31 du Code du patrimoine - ici).
L’avis conforme de l’ABF était depuis longtemps critiqué par les professionnels qui étaient le plus souvent confrontés à une opposition générant un blocage des projets.
