Feuilleton Grenelle 2 - fiche pratique n°10 : les contrats de performance énergétique des bâtiments

La loi Grenelle 2 vise à mettre en œuvre les objectifs d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, via notamment un outil clé : les contrats de performance énergétique.

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Contrat de performance énergétique

Que prévoit la loi Grenelle 2 en matière de contrats de performance énergétique (CPE) ?

La loi s’ouvre par un chapitre ier du titre I consacré à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments (articles 1 à 11 - cliquez ici). Ces dispositions traitent pour l’essentiel des nouvelles obligations d’information qui pèsent sur les maîtres d’ouvrage (voir fiche pratique n° 5, "L’information verte", "Le Moniteur" du 1er octobre 2010, cliquez ici). La loi ne prévoit, dans ce chapitre inaugural, qu’une seule disposition consacrée au CPE dans les copropriétés.

La loi contient également, dans son article 74 relevant du titre consacré à l’énergie et au climat, un mécanisme modifiant l’article 18 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite . Désormais, la notion « d’engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique » permet de justifier la passation d’un marché public en conception-réalisation.

Au final, l’apport de la loi Grenelle 2 pourrait donc paraître assez maigre, alors que le marché est en attente du développement des CPE. A la réflexion, cette situation n’est toutefois pas si étonnante dès lors que l’on se replace dans la logique ayant présidé au Grenelle de l’environnement avec l’idée, certes un peu nouvelle, que l’absence de contrainte législative n’a rien de contradictoire avec la mise en mouvement des acteurs économiques.

Quel est l’apport de la loi Grenelle 2 s’agissant des CPE en copropriété ?

La loi crée une obligation d’information à destination des copropriétaires : dans tout immeuble équipé d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, le syndic doit désormais inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires qui suit l’établissement d’un diagnostic de performance énergétique ou d’un audit énergétique « la question d’un plan de travaux d’économies d’énergie ou d’un contrat de performance énergétique » (voir fiche pratique n° 6, « Le Grenelle et la copropriété », « Le Moniteur » du 8 octobre 2010, cliquez ici).

Le dispositif est-il contraignant pour les copropriétaires ?

Non, il demeure assez souple, car rien ne contraint les copropriétaires à s’engager dans une démarche de CPE. L’efficacité de cette obligation repose donc assez largement sur l’intérêt que les copropriétaires trouveront dans la discussion des mesures d’amélioration de la performance énergétique de leur immeuble. On peut craindre que le débat ne tourne court si l’assemblée générale n’est saisie que d’un diagnostic de performance énergétique (voir fiche pratique n° 1, « Le nouveau DPE », « Le Moniteur » du 3 septembre 2010, cliquez ici) à partir duquel il est difficile de projeter des scénarios d’amélioration de la performance énergétique.

La réussite de la démarche suppose donc que les copropriétaires et les syndics se saisissent de la question. C’est à cet effet que la loi prévoit qu’avant de soumettre au vote de l’assemblée générale un projet de conclusion d’un CPE, le syndic procède à une mise en concurrence de plusieurs prestataires et recueille l’avis du conseil syndical.

Cette approche ne suffira probablement pas, à elle seule, à conduire à la passation de CPE. Il faut que ces contrats apparaissent comme véritablement pertinents aux copropriétaires, ce qui suppose qu’ils en aient une vision claire et qu’ils puissent les inscrire dans une approche de temps et d’investissement acceptable.

Il est donc indispensable que les documents soumis à l’assemblée ne se contentent pas de présenter un bilan énergétique de l’immeuble mais comportent des pistes d’amélioration faisant ressortir, au minimum, les actions à conduire, leur coût prévisionnel et leur durée d’amortissement.

Il faut aussi que les copropriétaires soient accompagnés par des professionnels formés à ces sujets.

Les CPE peuvent-ils facilement concourir à l’amélioration de la performance énergétique ?

L’image des CPE est faussée par le développement des premiers contrats effectivement conclus qui portent sur des bâtiments publics et ont emprunté la forme de contrats de partenariat. Tel est notamment le cas des contrats récents relatifs aux lycées des régions Alsace ou Centre. Beaucoup d’acteurs du marché ont tendance à considérer que ces contrats constituent « le » modèle type du CPE, ce qui est inexact car excessivement réducteur. Il s’agit au contraire de la forme la plus complexe de contractualisation, portant sur un parc de bâtiments, mettant en œuvre des investissements lourds comprenant notamment des travaux sur le bâti et l’enveloppe des bâtiments, le tout dans le cadre d’une durée évidemment longue.

En réalité, d’autres modèles de CPE sont possibles qui permettront de répondre à la variété des attentes et des approches financières des maîtres d’ouvrage. Tous ces contrats partagent une même finalité, l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment et s’appuient sur un même mécanisme, la garantie des performances contractuelles.

Quels types de CPE peut-on distinguer ?

- Une première famille de CPE regroupe les contrats portant sur les équipements énergétiques, les équipements de gestion et leur maintenance. Ce sont donc des contrats mixtes portant sur des fournitures et des services. Ils supposent, selon le besoin, des investissements assez modérés par rapport aux CPE ayant fait l’objet des contrats de partenariat actuellement conclus.

Leur horizon est donc assez logiquement plus court et peut varier, selon le cas, de quatre/cinq ans à huit/dix ans. Ils pourront prétendre à parvenir à des baisses de consommations d’énergie de 15 % à 20 % environ. Les premières expériences, y compris celles conduites à l’étranger, font ressortir que ces contrats peuvent s’autofinancer : les économies de charges réalisées sur la période contractuelle peuvent couvrir le coût du contrat pour le maître d’ouvrage.

Ces contrats, en ce qu’ils ne touchent pas à la structure du bâtiment, pourront même être conclus par les utilisateurs eux-mêmes sur les parties privatives et pour la durée de leur bail, dans les immeubles à usage tertiaire.

- Une seconde famille de CPE peut rassembler les contrats portant sur des travaux tels que l’isolation du bâtiment. Ces contrats, qui n’excluent pas une part de fournitures ou de services, appellent donc, pour la plupart, des investissements lourds qui ne pourront pas être portés sur une durée courte et conduiront, souvent, à un financement résiduel à la charge du maître d’ouvrage. Ainsi, ces CPE n’ont pas structurellement vocation à s’autofinancer par les économies de charges qu’ils génèrent.

Au demeurant, rien dans la logique des CPE n’impose que ces contrats s’autofinancent. En outre, conduire des travaux sur un bâtiment, c’est également améliorer la durée de vie et la qualité de l’immeuble et non pas seulement sa performance énergétique. Il faut admettre que les CPE ne constituent pas un outil miraculeux permettant non seulement de réduire les consommations d’énergie mais aussi de financer des travaux de portée plus large. Pour autant, ces contrats permettent de réaliser des économies de charge que les contrats de la première famille ne parviennent pas facilement à atteindre, dans la perspective de l’objectif de réduction de 40 %.

- La dernière famille serait celle des contrats globaux intégrant les dimensions précédentes et portant plutôt sur des parcs de bâtiments que sur des bâtiments pris isolément, avec une ambition de réduction de charges forte permettant d’atteindre la baisse recherchée de 40 %. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’ils soient les plus complexes, à concevoir comme à conclure.

Comment conclure des CPE dans le secteur public ?

Deux grandes options sont ouvertes aux maîtres d’ouvrage : les marchés publics de performance énergétique ou les contrats de partenariat de performance énergétique. Les premiers relèvent du Code des marchés publics, le cas échéant au travers de marchés globaux conclus en application de l’article 18 modifié de la (cliquez ici). Les seconds obéissent aux dispositions de l’ordonnance du 17 juin 2004 (cliquez ici).

Dans les deux cas, une mise en concurrence s’impose selon des formes qui peuvent emprunter des solutions croisées. Les CPE conclus en contrats de partenariat sont, et seront nécessairement, dans une première période d’apprentissage, passés via la procédure du dialogue compétitif. Elle seule permet une discussion approfondie entre la personne publique et les candidats, permettant à la première d’apprécier et de juger les solutions techniques qui lui sont proposées et aux seconds de s’engager sur une baisse des consommations d’énergie. Rien n’interdit de transposer cette démarche à des marchés publics, en la simplifiant néanmoins. Peut-être, lorsque les CPE auront été apprivoisés par les acteurs, pourront-ils être conclus dans le cadre d’appels d’offres.

Comment conclure des CPE dans le secteur privé ?

Pour les bâtiments privés, la situation est très différente en fonction de l’usage du bâtiment et il est difficile de réduire les problématiques au parc privé dans son ensemble. Au sein même de sous-classifications d’apparence homogène (par exemple, les bâtiments du tertiaire), les approches ne peuvent qu’être affinées.

Une ligne de partage assez structurante peut toutefois conduire à distinguer les bâtiments faisant l’objet de relations tripartites des autres. Cette situation soulève en effet deux sujets délicats au moins.

D’abord, elle induit que le CPE ne génère pas pour l’utilisateur, qui est le client du propriétaire, de troubles dans les conditions d’utilisation de ses locaux. Ensuite, elle suppose un accord économique entre les parties sur la répartition des efforts d’investissement et le partage des économies générées. Ces deux questions n’ont à ce jour pas reçu de réponses réellement stables mais il existe quelques solutions : par exemple, le recours aux annexes vertes pour les baux du secteur tertiaire (voir fiche pratique n° 4, "La naissance de l’annexe verte", « Le Moniteur » du 24 septembre 2010, ici), ou encore, au plan financier, l’utilisation du mécanisme de la troisième ligne de quittancement prévu par la (cliquez ici) et ses décrets d’application, dans l’habitat. Ce mécanisme autorise le bailleur, à la suite d’une concertation avec son locataire et le mois suivant la fin des travaux, à ajouter une ligne "contribution au partage de l’économie de charges" sur la quittance de loyer (et l’avis d’échéance). Cette contribution ne peut pas dépasser la moitié des économies estimées sur les charges et ne peut excéder une durée de quinze ans.

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