Interview

Evaluation environnementale : « La clause-filet pourrait n’être que rarement mise en œuvre », Marie-Céline Battesti, CNCE

La présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs livre son analyse du décret du 25 mars 2022 qui introduit un dispositif permettant de soumettre à évaluation environnementale les projets qui jusqu’ici n’y étaient pas soumis.

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Marie-Céline Battesti, présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE)
Marie-Céline Battesti, présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE)

Que vous inspire ce texte ?

Sur le principe, on se félicite que la clause-filet puisse venir repêcher les projets qui passeraient sous les radars. Selon la sensibilité et la richesse environnementales de certains territoires, le mécanisme des seuils est plus ou moins pertinent. Pour des projets situés sur ces territoires-là, les soumettre au cas par cas et éventuellement réaliser une évaluation environnementale permettra une meilleure participation du public.

Et donc potentiellement un surcroît d’activité pour les commissaires enquêteurs ?

Si des évaluations environnementales sont effectivement prescrites à la suite d’un examen au cas par cas, ce texte pourrait en théorie engendrer davantage de participation du public, et donc d’enquête publique. Ce qui est une bonne chose pour la protection de l’environnement. Mais on assiste ces dernières années à une montée en puissance des participations du public par voie électronique qui pourraient s’appliquer dans le cadre de la clause-filet. Par ailleurs, comment articuler ce dispositif avec la loi Asap qui offre la possibilité aux préfets, pour les projets soumis à autorisation environnementale mais dispensés d’évaluation environnementale, de choisir entre l'enquête publique et une participation du public par voie électronique ? En pratique, si des examens au cas par cas sont demandés par l’autorité instructrice, je ne pense pas que la procédure aboutisse à une évaluation environnementale et in fine à une enquête publique.

Pensez-vous que la clause-filet soit souvent actionnée ?

J’en doute. Dans la manière dont le texte est rédigé, je me demande si la clause-filet sera réellement mise en œuvre. C’est la première autorité instructrice qui devra actionner le dispositif dans les 15 jours en décidant de soumettre le projet à un examen au cas par cas. Ce délai est court. S’agissant des autorisations d’urbanisme pour les projets immobiliers par exemple, je ne suis pas persuadée que les services instructeurs des collectivités soient sensibilisés et soient en capacité de remplir cette formalité. Attendons de voir, mais il est tout à fait possible que ce texte ne génère que très peu d’examens au cas par cas.

Le décret prévoit la possibilité pour le porteur de projet de saisir lui-même l’autorité en charge de l’examen au cas par cas. Cette disposition sera-t-elle mise en oeuvre ?

Aujourd’hui, il y a toujours une phase de pré-recevabilité des dossiers, de dialogue avec les services instructeurs, avant même le dépôt de leur demande. Dans ce cadre-là, il est possible que les instructeurs alertent les porteurs de projet lorsqu’ils pressentent un impact sur l’environnement et les encouragent à saisir eux-mêmes l’autorité en charge de l’examen au cas par cas. Cette disposition va peut-être les amener à se rapprocher de l’administration le plus en amont possible en cas de doute. Ce qui permettrait au porteur de projet de se poser les bonnes questions le plus tôt possible, quand son dossier n’est pas encore ficelé et de lui éviter de reprendre son projet si une évaluation environnementale venait par la suite à être prescrite.

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