Estimant avoir obtenu "un important infléchissement du gouvernement", Laurent Wauquiez se décide à appliquer le ZAN

Dans un courrier aux maires d’Auvergne-Rhône-Alpes daté du 19 février 2024, le président de la région, Laurent Wauquiez, estime avoir obtenu un "infléchissement du gouvernement" sur l’application de l’objectif de ZAN, cinq mois après avoir déclaré "que la région Auvergne-Rhône-Alpes se retirait du processus". Il met en avant trois points : "un triplement des hectares non décomptés" car intégrant l’enveloppe des grands projets, plus de souplesse pour les communes de montagne et "une marge de manœuvre dans l’élaboration du PLUI". Des "avancées" que nuance le cabinet de Christophe Béchu.

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Cinq mois après avoir déclaré "que la région Auvergne-Rhône-Alpes se retirait du processus", Laurent Wauquiez se décide à appliquer le ZAN.

Près de cinq mois après avoir déclaré "que la région Auvergne-Rhône-Alpes se retirait du processus" visant à atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN), son président, Laurent Wauquiez, a transmis, le 19 février 2024, un courrier aux maires auvergnats rhônalpins indiquant que la "mobilisation collective a enfin porté ses fruits". Dans cette lettre évoquée par Le Progrès le 21 février et qu’AEF info a pu consulter depuis, l’ancien maire du Puy-en-Velay estime avoir obtenu des "avancées significatives" de la part du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sur ce sujet.

Triplement des hectares non décomptés du calcul du ZAN

Tout d’abord, "un triplement des hectares non décomptés du calcul du ZAN en intégrant de nouveaux dossiers dans l’enveloppe dite des 'projets d’envergure nationale'", enveloppe pour laquelle une première liste a été transmise et mise en consultation auprès des présidents de conseils régionaux le 22 décembre dernier. Comme nous le soulignions dans une dépêche consacrée au décret listant ces grands projets, l’enveloppe envisagée pour la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) paraît peu conséquente au vu du poids économique et démographique de la région, avec sept projets retenus pour une artificialisation induite de 544 hectares. Contre, par exemple, 23 opérations retenues pour une artificialisation de 1 084 ha pour l’Île-de-France, la région la mieux dotée dans ce décret.

Auprès d’AEF info, le cabinet de Christophe Béchu indique être toujours "en attente des contributions des régions pour les projets d’envergure nationale et européenne" – un processus qui devrait aboutir "dans une dizaine de jours" – et "étudie[r] la demande de la région Aura en cohérence avec la remontée globale des présidents de conseil régional". "Laurent Wauquiez a fait part de certaines observations qui, comme d’autres de ses collègues présidents de régions, nous semblent pertinentes à expertiser", précise le cabinet du ministre qui indique que "le travail [est] en cours". Le ministre et Laurent Wauquiez "échangent régulièrement" sur les nombreux dossiers impliquant la région et l’État : le contrat de plan État-région, les lignes ferroviaires Paris-Clermont Ferrand et Lyon-Turin, le ZAN, etc.

Approche différenciée du ZAN sur les territoires

Deuxième "infléchissement du gouvernement" obtenu par la région Aura, selon son président : "la capacité d’avoir de la souplesse dans l’application du ZAN en nous permettant d’adapter l’application pour toutes les communes rurales et les communes de montagne".

Sur ce point, "il s’agit de ce qu’il y a déjà dans la loi et les décrets d’application. Rien de spécifique à Aura", indique le cabinet de Christophe Béchu. En la matière, la loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, promulguée le 20 juillet 2023, introduit une enveloppe garantie d’un hectare artificialisable par commune "couverte par un plan local d’urbanisme, par un document en tenant lieu ou par une carte communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026". Le décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols prévoit, quant à lui, que le rapport d’objectifs du Sraddet peut tenir compte "de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montagne et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte" et introduire des "règles différenciées" "en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols".

Marge de manoeuvre dans l'élaboration du PLUi

Enfin, Laurent Wauquiez estime avoir obtenu l'"autorisation pour toutes les communes et EPCI d’avoir une marge de manœuvre dans l’élaboration du PLUi pour adapter le ZAN à la réalité des territoires". Sur ce point, le cabinet de Christophe Béchu renvoie à la circulaire du 31 janvier 2024 dans laquelle ce dernier appelle les services déconcentrés à "faire preuve de souplesse dans la mise en œuvre de la réforme. Le rapport de compatibilité entre les documents de planification et d’urbanisme doit conduire à porter une appréciation globale sur le respect du document supérieur, incluant une marge d’appréciation dans l’atteinte de l’ensemble des objectifs fixés", y indique encore le ministre. Ainsi, pour son cabinet, cette mesure n’est en "rien spécifique à Aura" et le décret était "dans les tuyaux depuis pas mal de temps".

"Un temps de concertation et de négociation" au sein de la région

Pour Laurent Wauquiez, si "ces mesures ne conduisent pas, comme nous le souhaitions, à une remise en cause totale de l’ensemble de cette disposition législative", elles constituent tout de même "des avancées non négligeables" et "un important infléchissement du gouvernement sur les différents points d’alerte que nous avons soulevés quant aux conséquences du ZAN dans son application initiale".

Aussi, il demande aux maires de la région "de les apprécier au regard du contexte actuel et de l’intérêt de nos territoires et de nos collectivités". Tout en soulignant les risques d’une non-application de la loi : "si nous continuons de suspendre la procédure d’intégration du ZAN dans notre Sraddet, nous risquons d’une part de perdre ces acquis, d’avoir moins d’hectares disponibles et plus de contraintes administratives, et d’autre part de voir arriver des contentieux sur toutes les décisions que nous prendrons et tous les actes d’urbanismes que vous prendrez".

Mais "la décision de suspendre la procédure d’intégration du ZAN dans le Sraddet n’a pas été prise. Nous sommes dans un temps de concertation et de négociation", indique le service presse de la région Aura à AEF info, lundi 26 février. Ce dernier rappelle que "2 000 maires de la région, soit la moitié, ont signé une lettre ouverte" de Laurent Wauquiez, transmise en fin d’année à Élisabeth Borne, alors Première ministre, "pour dénoncer une loi technocratique qui ne répond pas aux enjeux fondamentaux du logement, de l’attractivité de nos territoires et de l’environnement".

"Aujourd’hui, après un certain nombre d’avancées, Laurent Wauquiez a choisi de se tourner vers les élus pour recueillir leur sentiment sur les nouvelles propositions du gouvernement", indique encore le service presse de la région. Et il persiste et signe : "nous sommes convaincus que la loi ZAN reste une usine à gaz qui aboutira à beaucoup de tension", selon son service presse. "Sans inflexion forte, le ZAN mettra le pays dans le mur et fera courir le risque d’une crise de l’immobilier", ajoute-t-il encore.

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