Vous avez déposé le 8 février dernier une proposition de loi auprès de l’Assemblée nationale afin de créer un fonds pour financer les projets de protection et d’adaptation des communes menacées par l’érosion. Ce n’est pas votre première action dans le domaine…
En mai 2018, j’avais déjà fait une proposition de loi qui visait à répondre à la situation d’urgence qu’est le retrait du trait de côte. Les dispositifs ont été repris par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili dans la loi Climat et résilience, votée en 2021. A savoir, l’identification des communes avec la cartographie ; l’autorisation du permis de construire temporaire ; l’obligation d’informer les locataires et les acquéreurs dès la première visite d’un bien à risque… Ont été ajoutés à ces propositions, un droit de préemption spécifique et prioritaire et un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier. C’est une belle avancée car les communes vont disposer, à court terme, de dispositifs.
« La ministre s’était engagée à créer un fonds dans le projet de loi de finances 2022, mais ça n’a pas été fait »
Mais les premiers concernés, comme les communes ou le GIP Littoral Aquitain, notamment, avaient regretté l’absence de mesures de financement.
J’avais parlé de financement à l’époque de l’utilisation du fonds Barnier pour indemniser les propriétaires. Mais on m’avait répondu que ce n’était pas possible car l’érosion côtière n’est pas un risque naturel majeur. Ce qui n’est pas une réponse concevable : l’érosion côtière est liée au phénomène de montée des eaux et donc de submersion marine… C’est considéré comme un phénomène prévisible. Et donc, le grand absent est le financement. La ministre s’était engagée à créer un fonds dans le projet de loi de finances 2022, mais ça n’a pas été fait. J’avais déposé un amendement sur le sujet qui a été rejeté ; le gouvernement ne souhaitant pas créer une nouvelle taxe en cette période de fin de mandat.
Avec votre dernière proposition de loi, vous remettez le sujet à l’ordre du jour.
Oui, car il y a urgence. C’est le moment, nous sommes dans l’organisation de la cartographie avec les services de l’Etat et les communes pouvant bénéficier de ces dispositifs, et ultérieurement des financements à venir. Elles ont besoin d’être soutenues financièrement pour réadapter les territoires et relocaliser les activités.
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Comment prévoyez-vous le financement de ce fonds ?
Via la création d’une taxe additionnelle sur les droits de mutation de 0,01 % sur l’ensemble des transactions immobilières nationales, soit 350 milliards d’euros aujourd’hui, ce qui constituerait un fonds la première année de 35 millions d’euros et représenterait 10 euros de plus par tranche de 100 000 euros de transaction pour un propriétaire. C’est un financement qui fait appel à la solidarité nationale et qui concerne l’ensemble des Français car le littoral concerne tout le monde. Et seules les communes qui auront intégré la cartographie pourraient en bénéficier.
Comment cette taxe a-t-elle été évaluée ?
Nous nous sommes basés sur des évaluations du Cerema qui estime le besoin à une trentaine de millions d’euros par an. Ce fonds pourrait être réévalué en cas de besoin.
« 300 communes pourraient être concernées »
Comment les communes peuvent-elles intégrer cette cartographie ?
C’est en cours, elles ont été contactées par les préfectures pour savoir si elles souhaitaient l’intégrer. Ensuite le Conseil national de la mer et des littoraux donnera un avis sur cette liste qui sera alors publiée. On estime que 300 communes pourraient être concernées.
Selon les chiffres du Cerema, l’érosion menace 50 000 habitations à l’horizon 2100, ce qui représente 8 milliards d’euros (hors bâti à vocation commerciale et industrielle). Qu’est-ce que ce blocage financier implique sur le terrain ?
A Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), la maire essaie d’organiser sa bande côtière au mieux et y travaille avec une entreprise pour protéger, mais elle a besoin de mettre en place des études, qu’elle ne peut pas financer ; à Biscarrosse (Landes), la maire connaît le problème aussi et va devoir gérer des questions de démolition, d’indemnisations, de relocalisations d’offres économiques… C’est extrêmement lourd. Même chose à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), au Grau du Roi (Gard)… Beaucoup de communes ont besoin de ce financement. J’ai relayé ce message auprès des ministères concernés et du président de la République.
« L’érosion côtière est un risque : s’il y a une grosse tempête, on peut perdre 10 mètres de côte »
Si votre proposition n’était pas acceptée, l’intégration de cet aléa dans les catastrophes naturelles résoudrait le problème ?
C’est une autre voie possible. Il suffirait d’augmenter le fonds assurantiel Barnier. Surtout que les scientifiques affirment que l’érosion côtière est un risque : s’il y a une grosse tempête, on peut perdre 10 mètres de côte.
Quand cette proposition devrait-elle être discutée ?
Elle est recevable et dès la prochaine mandature, elle sera reprise. J’espère que cela fera avancer les choses car même si cette solution n’est pas retenue, il faut qu’il y en ait une.